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Quand le sage montre l’éducation sexuelle, l’imbécile regarde le porno

La pornographie fait l’objet d’une nouvelle enquête sur les addictions auprès des jeunes de France. D’aucuns tirent la sonnette d’alarme ; de son côté, Mymy s’interroge.

« Ados et porno : l’inquiétante dérive »

« Les jeunes consomment trop de porno »

« Porno : les jeunes accro »

« Porno : des consommations « inquiétantes » chez les jeunes »

Ce ne sont que quelques-uns des titres qu’on peut lire dans la presse en ce matin du 8 juin 2018.

Le point commun entre tous ces sujets ? Une étude portant sur le rapport traitant des addictions à diverses substances, à divers comportement, chez les jeunes de France (14 à 24 ans).

L’étude sur les jeunes et les addictions

Cette étude a été menée auprès des jeunes de 14 à 24 ans, de leurs parents, mais aussi du grand public, par la Fondation pour l’innovation politique, le Fonds actions addictions et la fondation Gabriel-Péri.

Vous pouvez en retrouver le compte-rendu ici.

Voici les substances et comportements sur lesquels porte l’étude :

« L’alcool, le tabac, les drogues les plus fréquentes (cannabis, cocaïne, ecstasy, MDMA et GHB), le porno, les jeux vidéo, les réseaux sociaux et les jeux d’argent. »

Dans cet article, tu l’auras compris, je vais me concentrer sur le sujet de la pornographie.

Les jeunes de France et le porno : quelques chiffres

Voici les chiffres de cette étude concernant la consommation de la pornographie par les jeunes (14-24 ans) de France :

  • 5% en regardent plusieurs fois par jour
  • 4% en regardent une fois par jour
  • 7% en regardent plusieurs fois par semaine
  • 5% en regardent une fois par semaine
  • 7% en regardent une à trois fois par mois
  • 9% en regardent une à trois fois par an
  • 63% n’en regardent jamais

Personnellement, le chiffre qui m’a surprise n’est pas le premier… mais le dernier ! Je pensais qu’une majorité de la population, surtout chez les jeunes, regardait, au moins de temps à autres, du porno. Je me suis trompée.

Dominique Reynié, de la Fondation pour l’innovation politique, précise dans Le Parisien :

« Chez les 14-15 ans, 8% regardent du porno plusieurs fois par jour dont 5% de filles. »

Le porno est très accessible dès lors qu’on a Internet. Des milliers de contenus sont disponibles gratuitement. Ainsi, 90% des jeunes estiment qu’il est « facile ou très facile » d’en regarder.

Quand est-ce que le porno devient une addiction ?

Sur madmoiZelle, Justine avait consacré tout un article à la question : Peut-on être accro au porno ?

Elle commençait par définir ce qui caractérise une addiction, citant l’INSERM : « Des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères ».

Dans l’étude, le terme est défini ainsi :

« Consommations, comportements que l’on ne parvient plus à contrôler malgré les dommages qu’ils peuvent entraîner. »

Le point commun est clair : l’addiction, ce n’est pas seulement une fréquence de consommation. Le terme englobe aussi une idée de conséquences néfastes, de dommages, qui ne suffisent pas à motiver la personne concernée à arrêter.

Justine, après avoir présenté divers points de vue scientifiques, concluait son article ainsi :

« Vous le voyez, le débat est loin d’être clos !

À ce jour, disons qu’il n’existe pas suffisamment de « preuves scientifiques », et que le terme « addiction au porno » doit être nuancé. »

Dans l’étude qui m’intéresse aujourd’hui, le porno est pourtant placé au même niveau que les drogues, l’alcool, le tabac, les jeux d’argent ou encore les réseaux sociaux. Son caractère addictif n’est pas soumis à question.

Quels sont les risques du porno ?

On vient de le voir ; s’il y a addiction, cela veut dire qu’il y a conséquences, qu’il y a dommages. Dominique Reynié dit d’ailleurs, toujours dans Le Parisien :

« [Les jeunes qui regardent du porno plusieurs fois par jour] font leur apprentissage de la sexualité dans les pires conditions. »

Et dans l’étude, on peut lire :

« La confrontation à de telles images, alors même que la sexualité psychique se développe, peut provoquer des crises d’anxiété, des troubles du sommeil, nourrir un sentiment douloureux de culpabilité et conduire à une représentation faussée ou déviante des rapports sexuels et amoureux. »

Cependant, ces affirmations ne sont pas sourcées. Je ne dis pas qu’elles sont fausses, mais j’aurais aimé des liens vers des recherches, des revues scientifiques !

Justine, sur madmoiZelle, expliquait que dans les couples hétéro, « l’usage de la pornographie par les hommes pourrait être associée à des relations sexuelles de moindre qualité ». Elle nuançait :

« Ces recherches offrent un regard sur la consommation de porno et son impact sur les relations amoureuses… mais ne permettent pas d’identifier ce qui ne va pas pour les couples.

Est-ce le porno qui mène à la banqueroute amoureuse ou la banqueroute amoureuse qui mène au porno ? »

La consommation de porno, en elle-même, ne serait pas forcément à blâmer : selon la même étude, « l’usage féminin du porno serait associé à une plus grande satisfaction au niveau des relations sexuelles » !

Et si le porno n’était qu’une fausse piste ?

Je suis peut-être trop détente, mais si tu veux tout savoir… les chiffres de cette enquête ne m’inquiètent pas plus que ça.

Que des ados et jeunes adultes regardent du porno une fois par semaine ou par jour, ça ne me choque pas. C’est un support masturbatoire, et avec le rodéo d’hormones de la puberté… bah, on se masturbe souvent PAS MAL !

Interlude rigolance by Charlie de madmoiZelle

Ce qui m’inquiète, c’est ce sur quoi Dominique Reynié a mis le doigt : « ils font leur apprentissage de la sexualité dans les pires conditions ».

Oui, c’est bien le terme « apprentissage » qui coince.

Le porno n’est pas mauvais en soi. Il peut être fun, il peut être féministe, il peut permettre d’élargir ses horizons au niveau fantasmes, désirs, découvertes.

Mais le porno doit rester ce qu’il est : une fiction. Et pas le seul moyen, pour toute une génération, de se renseigner sur qu’est-ce que le sexe, qu’est-ce que les gens aiment, quelles pratiques sont « attendues »…

L’éducation sexuelle est-elle vraiment le « travail des parents » ?

Malheureusement, en tapant cet article, j’ai l’impression de faire du réchauffé.

En mars 2017, déjà, Anouk publiait sur madmoiZelle Les adolescents consomment davantage de porno… mais n’ont toujours pas plus d’éducation sexuelle, là aussi en réaction à un sondage. Morceau choisi :

« Il faut proposer une éducation sexuelle afin de mettre fin à la transgression que représente le cul. Il faut expliquer que le sexe n’est pas sale, ni honteux, et que le porno ne reflète pas la réalité.

Il faut expliquer le respect, le consentement et la différence entre fantasme et réalité. Interdire l’accès des mineurs aux films pour adultes, c’est s’obstiner à traiter inefficacement le symptôme, et non en résoudre la cause. »

Queen Camille t’explique la vie

Souvent, quand on aborde le sujet de l’éducation sexuelle, on se heurte à la même réponse :

« Ce n’est pas le rôle de l’école, c’est aux parents de s’en charger. »

Dans l’étude dont je vous parle aujourd’hui, les parents pensent bien que leurs enfants regardent du porno, mais sous-estiment largement leur fréquence de consommation.

pornographie-parents

La majorité des parents ressentirait de l’inquiétude (31%), de la surprise (28%) ou de l’incompréhension (21%) en apprenant que leur enfant regarde « souvent » des contenus pornographiques.

Ces chiffres me font penser que les parents n’en parlent pas avec leurs ados. Et ça ne m’étonne pas, moi-même j’aurais préféré une combustion spontanée à ce dialogue gênant avec ma mère !

Cela dit, ici « parents » englobe l’échantillon de « 402 parents d’enfants de 14 à 24 ans représentatif de cette population ». Et entre 14 ans et 24 ans, il y a un gouffre ! À 14 ans, souvent, nos parents sont quasiment nos seuls adultes référents.

Les parents peuvent bien sûr être de bons référents en matière d’éducation sexuelle… mais pas tous. Certains n’y connaissent rien, certains n’y ont jamais eu droit, certains sont mal à l’aise, certains se voilent la face.

On apprend bien en SVT le fonctionnement de nos yeux, de notre cerveau, de nos intestins. Pourquoi ne pas apprendre celui de nos désirs, de nos plaisirs ?

L’éducation sexuelle et ses multiples bienfaits

Imaginez : avec une éducation sexuelle digne de ce nom…

  • Tout le monde saurait ce qu’est un clitoris, comment il fonctionne et où il se trouve
  • Tout le monde saurait que se masturber, ce n’est pas sale, c’est même plutôt cool et naturel
  • Tout le monde saurait que le porno, ce n’est pas la vraie vie, et ce n’est pas un manuel
  • Tout le monde saurait que le consentement est important et la base d’une relation sexuelle épanouie.

Car les jeunes interrogés sur les risques d’une consommation fréquente de pornographie ont placé en bonne position… le risque d’agresser quelqu’un physiquement ou sexuellement.

risques-pornographie

Le porno, c’est de la fiction. Des scénarios inventés dans lesquels le consentement est parfois forcé, outrepassé, voire totalement absent.

Si on prend les films X comme un manuel de ce qu’est une vie sexuelle, on n’apprend pas à avoir une sexualité positive dans laquelle tout le monde est d’accord et enthousiaste.

Accorder à tout le monde la même éducation sexuelle de qualité, en l’intégrant proprement dans l’Éducation Nationale, avec de vrais impératifs, n’est-ce pas le meilleur moyen de créer une génération ayant un rapport sain à sa sexualité ?

Je te pose la question, hein, pour de vrai. J’ai beaucoup parlé, maintenant c’est ton tour !

Quand as-tu découvert le porno ? Est-ce que tu en consommes « fréquemment » ? Penses-tu qu’il y a des risques d’addiction ? Considères-tu avoir reçu une éducation sexuelle de qualité ?

D’ailleurs, qui t’a dispensé ton éducation sexuelle ? Quels supports t’ont servi pour apprendre ?

Dis-moi tout dans les commentaires !

À lire aussi : L’éducation sexuelle pour les enfants arrivera-t-elle un jour en France ?


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Les Commentaires

66
Avatar de skippy01
5 août 2018 à 10h08
skippy01
Il ne faut pas oublier un truc: la loi de l'offre et de la demande. Actuellement, le porno est dans un cercle vicieux où les contenus dégradants sont ce qui attire le plus de gens (et ça date pas d'hier, cf. cinéma d'exploitation), ce qui rend logiquement réticents les producteur de proposer autre chose. Pourquoi croyez-vous que les arguments marketing insistent toujours à fond sur le champ lexical de la dégradation d'autrui ? Parce que c'est ça qui fait vendre.
2
Voir les 66 commentaires

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