« Vous n’aurez plus du tout envie d’aller sur YouPorn après avoir lu ce livre »
Aude Lorriaux, journaliste, l’a lu. Et le compte rendu qu’elle en livre sur Slate est glaçant.
Page après page, le récit qu’elle fait de sa lecture a de quoi donner des hauts le cœur, je n’ose imaginer ce que c’est que de réellement se plonger dans l’ouvrage.
Dans son enquête, Robin D’Angelo livre les parcours de plusieurs actrices porno, et Aude Lorriaux témoigne avoir noté successivement dans les marges « Viol ? Viol. VIOL. » au fur et à mesure que les faits décrits s’y apparentaient.
Elle peine à parler de consentement, dans un contexte où la nécessité de gagner de l’argent et le travail se mêlent à l’abus de pouvoir et à la violence sexuelle.
Elles acceptent des traitements qui seraient intolérables si ce n’était pas des impératifs économiques.
Autre chose : il semble que la majorité sinon toutes les actrices interrogées aient des parcours difficiles, émaillés de violences sexuelles parfois survenues dès l’enfance.
« Une somme de souffrances dont les actrices essaient de s’extirper par un mécanisme de défense, en se dissociant d’elles-mêmes, en refoulant leurs souvenirs et leurs émotions; ce qui a un coût très important, parce que ce mécanisme altère gravement leurs capacités affectives et relationnelles, comme l’explique Muriel Salmona :
« La dissociation est également corporelle et entraîne des difficultés pour la victime à percevoir les signes d’alerte et de souffrance, avec un seuil trop élevé de tolérance émotionnelle à la douleur et au stress ». »
Ces témoignages font froid dans le dos et poussent à s’interroger sur notre usage de la pornographie.
- Pour accéder à l’article dans son intégralité c’est ici.
- Pour se procurer le livre, c’est sur la Fnac, sur Amazon, ou chez ton libraire.
– Article mis à jour le 23 octobre 2018
On a beaucoup parlé de la pornographie et de son influence sur les jeunes : l’accès des enfants à des contenus parfois violents est régulièrement dénoncé, on imagine des stratégies pour en restreindre la diffusion auprès de ce public…
Nikita Bellucci, une actrice, avait quant à elle dénoncé le fait qu’il n’y ait pas de meilleure éducation sexuelle pour les jeunes.
À lire aussi : Les adolescents consomment davantage de porno… mais n’ont toujours pas plus d’éducation sexuelle
L’autre face du porno
Mais ce 18 octobre 2018, c’est une autre réalité du porno qui est mise en avant : ce qui se passe du côté des plateaux de tournage.
Le journaliste Robin d’Angelo a infiltré le milieu du porno « pro-am » (impliquant des personnes issues respectivement du porno pro et du porno amateur) pour en faire une enquête, qu’il publie aujourd’hui sous la forme d’un livre : Judy, Lola, Sofia et moi.
https://twitter.com/RobinDAngelo/status/1052248635327610880
Il est parti avec beaucoup de questions sur les raisons qui poussaient des personnes à travailler dans ce milieu, sur le financement, sur les conditions de travail…
Le traitement des actrices porno, un problème qui perdure
C’est ce dernier point qu’il a abordé plus en détails dans une interview pour Brut.
https://twitter.com/brutofficiel/status/1052812779290152961
Dans cette interview, Robin d’Angelo explique qu’il a assisté à des scènes d’une grande violence, qu’il a vu le consentement d’actrices ne pas être respecté sur certains tournages :
« J’assiste à une scène de sodomie où l’actrice demande au producteur d’arrêter. Elle lui dit « non, ça me fait mal ».
Le producteur insiste, elle redit « non », et le producteur finalement lui dit cette phrase que j’ai trouvée assez parlante, il lui dit : « tu crois qu’une patineuse artistique, elle ne se fait jamais mal à la cheville ? ».
Et en fait c’est très intéressant parce que ça montre comment finalement, l’actrice n’a pas le pouvoir de dire non à ce genre de pratique. »
Ces propos remettent donc au centre du débat une critique faite depuis un moment au porno « classique » : les traitements qui y sont réservés aux actrices.
Ceci rappelle largement les propos de la réalisatrice de porno féministe Lucie Blush, qui racontait sa vision sur madmoiZelle il y a un an :
« Pour moi, faire du porno féministe signifiait appliquer les valeurs du féminisme au monde du X, au niveau de la production.
C’est-à-dire, par exemple, avoir des conditions de travail éthiques et verser des salaires en fonction de l’expérience, pas du genre de la personne.
En fait, il s’agit simplement de ne pas traiter les acteurs comme des bouts de viande mais comme des êtres humains.
Ça paraît bête, mais l’industrie du porno traditionnel aujourd’hui n’a rien d’humain, malheureusement. »
Est-ce que tu fais partie de celles qui avaient déjà conscience de cette réalité ? En tous cas, si tu souhaites te procurer le livre de Robin D’Angelo, tu peux le trouver sur la Fnac, sur Amazon, ou chez ton libraire !
Et pour ne rien louper de nos articles, pourquoi ne pas t’abonner au chatbot Messenger de madmoiZelle ?
À lire aussi : Pourquoi Erotic Films, la plateforme de porno éthique d’Erika Lust, nous a convaincues
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
L'autobiographie de Rafaella Anderson (qui a joué dans l'adaptation de Baise-Moi de V. Despentes), Hard, sortie il y a presque 20 ans maintenant (2001), exposait déjà bien tout l'envers du décor et le peu de considération envers les actrices...
Notamment une scène dans une piscine où elle se retrouve, une fois la scène finie, à patauger à proximité de cables électriques, en vrai danger d'électrocution, et où personne n'en a rien à carrer
Enfin il y a quelques exemples concret, mais clairement d'un bout à l'autre du bouquin, il y a ce sentiment ultra malaisant quer les actrices sont vraiment considérées comme des objets sexuels méprisables.
Et pourtant, elle, Rafaella, a un vrai caractère et a réussi à se faire "respecter" dans le milieu... On imagine sans peine comment les filles moins fortes, moins grande gueule, sont vraiment roulées dans la boue.