Pourquoi désirons nous lire des polars en été ? Nous plonger dans l’ambiance oppressante faite d’une fine pluie poisseuse et des meurtres ultraviolents d’un James Ellroy — regardez la sélection Polars & Romans Noirs d’Élise Costa — alors que dehors le soleil cogne à en faire fondre l’asphalte ?
J’ai posé la question à mon librairie favori (en vérité je n’ai pas de libraire fétiche mais j’ai remarqué que ça faisait plutôt intellectuelle de prétendre en avoir un, alors je tente le coup). Comme il n’avait probablement rien de mieux à faire il a eu l’amabilité de me donner quelques éléments de réponses :
- Tout d’abord, il se trouve qu’avec l’été et les vacances, les gens ont enfin le temps de se plonger dans une intrigue à suspense sans en perdre le fil entre le tic-tac de l’horloge avisant l’heure du repas et la dernière machine à étendre.
- Les romans noirs, tout comme la science-fiction ou la bibliothèque rose, permettent de déconnecter du quotidien. Sauf si notre quotidien est fait d’actrices poignardées dans des placards et de flics ripoux alcooliques, évidemment.
- Même lorsqu’ils font plus de quatre cent pages, les romans noirs s’épanchent rarement sur la métaphysique quantique et autres digressions abstraites, le polar est un genre au contraire très concret qui le rend plus accessible et « accrocheur » que certains romans psychologisants.
« Mon » libraire m’a également appris qu’environ 60 % des lecteurs de romans noirs étaient des lectrices. Quand je lui ai demandé « Pourquoi ? », il m’a regardé un peu sottement, comme un élève qui se sent bête d’avoir retenu par coeur sans essayer de comprendre sa leçon. « Ah bah ça, j’sais pas, j’suis pas non plus un expert dans ce genre-là. »
Voyant que ma passionnante conversation était sur le point de prendre fin je suis repartie avec mes trois Léo Malet dans les bras et j’ai passé le reste de ma journée au plumard, volets baissés, en (bonne) compagnie de Nestor Burma. Grâce au Paname embrumé des débuts d’automne j’ai survécu à une journée caniculaire dans la fraîcheur du crime et de mon lit.
Car il existe différents types d’ouvrages sous une même dénomination, il y a indéniablement plusieurs types de polars, certains plus violents, plus enracinés dans le réel et qui possèdent un fort encrage social, souvent un peu miséreux et cradingue, plus proche des romans noirs populaires des débuts. Ce genre est bien loin du raffinement d’un Hercule Poirot excité par ses petites cellules grises qui va résoudre un crime très bourgeois entre deux tasses de thé et un bon déjeuner.
Moi je suis comme ces gens à qui on ne fait pas trop confiance car ils sont dépourvus de préférences : « j’aime un peu tout », de l’intrigue psychologique au thriller sanglant, peu m’importe du moment que l’ambiance est là et que l’enquête est menée par un inspecteur charismatique (au lourd passif qu’il se traine comme un boulet à ses basques – c’est encore meilleur).
Mais pourquoi les femmes sont-elles les plus grosses consommatrices de polar ? En dehors du fait que les femmes lisent davantage que les hommes, j’ai pu lire des tas d’imbécilités sur le sujet.
- « Les femmes sont plus curieuses » ou le mythe de la femme, grande inquisitrice, qui fouille le veston de son bonhomme à la recherche d’un papier compromettant lorsqu’il est sous la douche.
- « Elles aiment à se faire peur à travers la littérature pour mieux anticiper les dangers réels », parce que je suis certaine de mieux savoir me battre depuis que j’ai lu comment Nestor Burma dézinguait la canaille à grands coups de poing dans le bide. Et puis évidemment, je suis une femme donc la réalité est un danger pour moi, c’est tout naturel et logique.
- « À travers les romans noirs, les femmes exorcisent leur hyper-sensibilit é», cet argument est un poil avilissant et stigmatisant comme on dit de nos jours. Cependant, j’admets que mon hyper-sensibilité à été mise à mal lors de certaines scènes soigneusement décrites par l’ami James Ellroy. Il y a dans le thriller un côté voyeuriste un peu cheap et légal qui nous donne envie d’avoir mal et d’y revenir.
Après tout ça j’ai arrêté de chercher des réponses, n’est pas Maigret qui veut. Je suis une femme et j’aime les polars, c’est apparemment bien banal au vu de l’explosion des ventes que les libraires réalisent au fil des années mais en tenant compte de la diversité des styles qui co-existent sous le genre Noir, je crois qu’on ne peut en tirer aucune conclusion significative. Le polar a toujours été un genre très populaire mais qu’il était presque honteux d’aimer il y a quelques années (pauvreté du style et thématiques miséreuses, entre autre) alors je savoure la revanche des impers beige et des pipes en bois sur l’étal des bouquinistes.
Car désormais chaque maison d’édition propose sa série noire et possède ses auteurs cultes prolifiques en pavés intransportables dans le sac à main (si vous voulez m’offrir une liseuse, au passage, dans un grand élan de générosité ou parce que vous ne savez comment dilapider votre prime pour l’emploi… hein, n’est-ce pas, j’accepte les cadeaux).
Alors cet été encore je vais me laisser bercer par le ressac des intrigues et entre deux chapitres j’irai m’imaginer les secrets inavouables que se trimballent sûrement mes voisins. Je vous conseille de faire pareil, ça m’a occupé prodigieusement ce mois d’août un peu trop long, d’exciter un peu mon imagination.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
J'ai lu beaucoup de Grangé, à part Kaiken qui m'a vraiment déçue je les trouve tous super, la dimension mystique qu'il arrive à apporte à ses romans nous plonge vraiment dans une ambiance de folie.
Le Thriller c'est la vie!