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À ma mère qui ne cesse de me dire « T’as encore grossi »…

« T’as encore grossi », des mots qui résonnent douloureusement à l’oreille de cette madmoiZelle, et qui lui viennent de sa mère. Elle a décidé de lui répondre par article interposé.
En 2015, madmoiZelle publiait Maman, merci de laisser mon poids tranquille, la lettre ouverte d’une jeune femme à sa mère qui lui mettait la pression pour de mauvaises raisons.

Deux ans plus tard, on a reçu ce nouveau texte, d’une autre jeune femme, qui parle d’une autre mère, mais du même sujet : les complexes qui peuvent naître au sein même du foyer.

Ces « petites phrases » de parents qui flinguent leurs enfants, comme le « T’as encore grossi » qui obsède cette lectrice, et l’a menée au bord du gouffre.

En espérant que ce texte pourra trouver un écho en certain•es d’entre vous, et vous donner la force d’envoyer valser ces remarques « innocentes », parfois aussi tranchantes qu’une insulte.

« T’as encore grossi. »

Je sais, Maman. Je sais. Je crois que vous vous êtes passé le mot pour me le faire remarquer, cette semaine.

Sauf que quand j’essayais de maigrir, tu n’aimais pas non plus… Alors maintenant choisis.

Je fais un 38, un putain de 38. Qui, sur cette Terre, a établi qu’on est « grosse » quand on rentre dans un 38 ?! J’y suis bien, tu sais, dans mon 38.

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Je peux maigrir, si tu veux. J’en suis capable, je l’ai déjà prouvé. Seulement voilà…

J’y suis rentré, dans mon 36. Oui, Maman, j’avais réussi, j’avais fièrement enfilé ce jean qui ne m’allait plus depuis longtemps, et j’étais allée en cours.

Tu dois t’en rappeler, Maman : c’était le jour où on a eu rendez-vous avec la CPE pour parler de mes troubles du comportement alimentaire. Ce jour-là, oui, je portais du 36. Et je n’ai jamais été aussi malheureuse que ce jour-là.

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Être maigre, c’est qu’un enfer de plus pour moi. Plus je maigris, plus je veux maigrir. Tu visualises, Maman ? Le cercle vicieux que c’est ?

Tu dois t’en rappeler, Maman de ce jour-là. Moi, je m’en souviens très bien. Ce jour-là, j’avais décidé de tout lâcher. D’arrêter de te cacher tout ce que je vivais depuis des mois et dont tu ne savais rien.

Parce que tu sais, Maman, tout le monde me répétait que j’étais en train de sombrer.

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Je ne mangeais plus, j’étais fatiguée, aigrie, je me braquais à la moindre réflexion… Mes amis partaient, parce qu’ils n’en pouvaient plus de parler à un mur.

Mais toi, Maman, tu n’as rien vu.

Ce sont eux qui m’ont fait comprendre que j’étais au bord du gouffre. Ce sont eux qui ont remué ciel et terre pour me sauver. C’est grâce à eux, ou à cause d’eux, qu’on avait eu rendez-vous, ce jour-là, chez la CPE.

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Parce que tu sais Maman, moi j’étais persuadée que ce que je faisais était bien… J’étais persuadée que c’était la seule solution pour maigrir. À mes yeux, c’était logique : manger moins et faire plus de sport, ça me rendrait mince, pas malade.

Ce jour-là, j’avais décidé d’admettre, devant toi, que je me faisais vomir. Tout ce que tu m’as répondu, c’est :

« Je ne veux pas que tu te fasses vomir. »

C’est comme ton « je ne veux pas que tu fumes », Maman, ça ne marche pas…

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Cependant, il y a une chose que je ne t’ai pas dite. C’est peut-être pour ça que tu n’as pas compris l’ampleur de mon mal-être.

Tu vois, Maman, ce jour où je me suis endormie en cours parce que je n’avais mangé que des haricots à midi ? Tu crois, encore aujourd’hui, que j’avais oublié le reste de mon repas à la maison…

La vérité, c’est que j’avais fait exprès de ne pas le prendre, pour ne pas avoir à le manger.

La voilà, l’ampleur des dégâts, la voilà ma peur de la nourriture.

Cette obsession de compter les calories. De compter mes pas pour connaître le nombre de calories dépensées. De sortir deux stations de métros avant, pour marcher plus. D’aller courir tous les jours, même s’il me coûtait de me lever à 6h du matin. De faire des abdos chaque soir.

En plus de mes journées à rallonge et de mon manque de force.

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Tu le savais, Maman que j’étais fatiguée ; tu le savais parce que c’est toi qui m’achetais mes compléments alimentaires.

Mais tu ne sais pas ce que ça fait de sentir ton ventre rempli, le soir après un dîner, et d’essayer de te convaincre que ce que tu as mangé tout au long de la journée ne fait pas grossir.

Tu ne sais pas ce que c’est, Maman, de ne pas supporter la sensation de satiété.

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Tu ne sais pas ce que c’est de refuser des sorties avec des amis parce que tu ne sais pas ce que tu vas manger et que ça te fait peur. Tu ne sais pas ce que c’est, une pomme en guise de repas. Tu ne sais pas ce que c’est de regarder les autres se nourrir, alors que la faim te tiraille, en sachant que toi, tu ne peux pas te le permettre.

Tu ne sais pas ce que c’est, Maman, de ne plus voir la nourriture comme un élément essentiel à la vie, mais comme un amas de calories.

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Quand je suis partie en échange aux États-Unis, seule, pendant trois semaines, je n’étais personne là-bas, alors j’ai pu me réinventer.

Peut-être que je devrais te remercier pour ça, Maman : après tout, c’est toi qui a payé ce séjour. Peut-être que c’est toi qui m’as sauvée, inconsciemment ?

Ce que j’ai découvert, c’est que je peux être n’importe qui. Tout ce qui compte, c’est ce que moi je pense de moi.

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Aux États-Unis, j’ai perdu mes repères. Tu te souviens, Maman, que je mangeais à heures fixes ? Là-bas, je ne pouvais plus faire ça. Peut-être que c’est ça qui m’a sauvée, le fait de ne plus pouvoir anticiper mes repas.

J’ai perdu le contrôle, Maman, et c’était exactement ce qu’il me fallait.

J’avais de l’estime pour moi, je me trouvais jolie. Je trouvais que ce nouveau blond m’allait bien, me donnait plus d’assurance. J’estimais que j’avais changé, que ça se voyait, que j’étais plus heureuse, plus épanouie.

Mais quand je t’entends dire que j’étais plus belle en brune, que j’étais mieux avant…

J’ai envie de te répondre qu’avant, Maman, avant je voulais mourir.

Si tu veux qu’on en revienne là, on peut. Mais celle qui flanche en premier a perdu. Et moi, tu le sais, je n’abandonne jamais.

Tu peux avoir une fille « parfaite » à tes yeux, Maman, mais sache que ça veut dire prendre le risque de plus avoir de fille du tout.

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Vous souffrez de troubles du comportement alimentaire, ou une personne de votre entourage en souffre ?

Vous avez des idées noires, vous n’avez plus envie de vivre ?

Ne restez pas seul•e, vous pouvez recevoir de l’aide et vous sortir de cette situation.

Deux ans plus tard, cette madmoiZelle a de nouveau écrit à sa mère. Clique ici !

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Les Commentaires

47
Avatar de Samsayonara
27 mai 2019 à 09h05
Samsayonara
Oh que oui ... déjà, ne pas complexifier un rapport à la nourriture. L'être humain a tendance à se diriger vers ce qui lui semble bon : le sucre, le gras, le sel. La raison en est simple : l'espèce humaine s'est développée et ses gènes se sont fixés il y a un temps relativement court, à une période où l'apport calorique était faible, et surtout déséquilibrée en terme d'apports de base : des temps de disette, des périodes d'abondance... A part les tribus côtières, le sel était rare, et si désormais, on parle à raison de surabondance de sel dans l'alimentation, à l'époque, il manquait cruellement pour ceux vivant à l"intérieur des terres. Lorsque les hommes chassaient, ils ne visaient pas la bête ma plus maigre mais la plus grasse, susceptible de leur apporter toute l'énergie possible et optimiser l'effort de chasse. Ils marchaient beaucoup, ils bougeaient beaucoup... Et le génotype de notre espèce s'est adaptée à cet effet : stockage de graisses facilité etc etc... Et le goût accru pour ce qui apporte le plus d'énergie : le sucre et la graisse, le combo gagnant. J imagine qu'à l'époque, un spécimen accro à la salade et aux écorces ne faisait pas long feu.

A présent, nous sommes dans une période faste depuis les années 50, où tout est trop facile, surabondant. Les gènes n'ont pas encore pu s'adapter à ce changement. La suite est simple : les gens ont tendance à grossir.

Tout ça pour dire qu'un gosse est programmé génétiquement pour aimer le sucre et le gras. Evidemment, à quelques exceptions près , entre un cookie au chocolat et un artichaut ... y'a pas photo. Le mien n'échappe pas à la règle. Je ne le force donc en rien, et lui apprend simplement à écouter sa faim, et goûter à tout. Je ne force pas. Par contre, si son excuse est de ne plus avoir faim, il n'y aura pas de dessert, sans pour autant en faire une récompense ou un objet de chantage. L'impliquer dans la préparation du repas peut aider aussi. Cela prend du temps, mais cela donne des résultats.
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