La poésie, c’est comme le féminisme et la politique : ça concerne tout le monde, et il y en a différents courants pour tous les goûts.
Le 1er octobre, c’est le #PoetryDay ! Et comme j’aime la poésie, je vous en parle. Parce que contrairement à ce qu’on croit souvent, la poésie ce n’est pas seulement Rimbaud et pas forcément sous une forme classique. Le genre se décline sous des tas de formes différentes, il y en a sûrement une que vous apprécierez !
Comment reconnaître un poème ?
On commence par une question simple : la poésie, qu’est-ce que c’est ? En gros, à quoi reconnaît-on un poème ?
Les poèmes classiques comportent des rimes, et sont organisés en vers et en strophes. Pour ceux qui n’y connaissent rien, les rimes ça veut dire que les vers finissent par le même son. Les vers, c’est tout simplement le nom poétique d’une ligne ; et les strophes correspondent, en littérature, aux paragraphes.
Dans la poésie classique (par simple opposition à la poésie moderne plus libre, hein, je vais pas vous faire un cours pour vous décliner tous les différents courants), les vers sont constitués d’un nombre précis de syllabes : par exemple, des alexandrins (douze syllabes), comme dans ce vers de Baudelaire (extrait du poème Spleen, du recueil Les Fleurs du Mal) : « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle » (parce que j’aime bien Baudelaire et sa poésie torturée, et que j’ai souvent le spleen, que voulez-vous).
Un autre exemple de poésie magnifique et de style complètement classique : un petit bout du superbe poème Le Lac par Alphonse de Lamartine.
« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours !
Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ; Oubliez les heureux.
Mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m’échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore Va dissiper la nuit.
Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; Il coule, et nous passons ! »
Certains poèmes sont écrits en prose
Mais la poésie, depuis le temps qu’on en fait, s’est largement modernisée ! Et aujourd’hui, reconnaître un poème, c’est devenu beaucoup plus difficile : beaucoup ne comportent pas de rimes, ne sont composés que d’une seule strophe, ou bien sont carrément écrits en prose (c’est-à-dire comme un texte ordinaire de littérature, et non pas en vers qui s’alignent en revenant à la ligne à chaque fois). Beaucoup varient également dans le nombre de syllabes employées par vers.
Bref, tout ce qui faisait un poème… peut ne plus être présent et pourtant ça reste un poème. Exemple avec une œuvre de Charles Baudelaire, extrait de Petits Poèmes en Prose. Il s’intitule Enivrez-vous.
« Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise ». »
Alors à quoi est-ce qu’on reconnaît un poème ? Eh bien, au fait qu’il ne se présente pas comme un texte. Au fait qu’il est poétique… Et c’est pour ça que tout le monde peut écrire quelque chose et déclarer que c’est de la poésie ! Personne ne peut dire « non ce n’est pas un poème », si vous, vous avez décidé que c’en était un.
Les différentes formes de poésie
L’un des exemples de variantes par rapport à la poésie classique, qui ne comporte pas forcément de rimes, de strophes, et encore moins un nombre fixe de syllabes dans ses vers, c’est le slam. Il peut même être accompagné de musique ! Difficile, parfois, de le distinguer de la chanson (sauf que la personne qui fait un slam ne chante pas, elle parle) ou du rap (le slam n’est pas toujours accompagné de musique, et surtout, il ne comporte pas de refrain).
Le slameur le plus célèbre de France, on vous en a déjà parlé sur madmoiZelle, c’est le talentueux Grand Corps Malade. Un exemple dans le clip ci-dessous.
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Il n’est pas le seul à en faire ! Si vous êtes anglophone (ou pas, parce que plusieurs vidéos sont sous-titrées en français), et que vous aimez les causes engagées, vous vous ferez plaisir aux oreilles en regardant les vidéos de ButtonPoetry, qui publie régulièrement des slams excellents de gens parfois totalement inconnus mais bourrés de talent et d’histoires poignantes à faire partager. On vous en a également déjà parlé sur madmoiZelle. Regardez par exemple la vidéo ci-dessous, qui m’a particulièrement touchée.
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Mais le slam n’est pas la seule entorse poétique au classique. Venus du Japon, existent également ces magnifiques mini-poèmes, souvent éthérés et plus légers que la plume d’un oiseau, qu’on appelle haïkus. En voici un exemple ici.
Et enfin, parce que je suis une éternelle fan de Pierre Bottero, je voudrais vous présenter la poésie marchombre, qui est une légère variante des haïkus.
« La douleur infinie de celui qui reste, Comme un pâle reflet de l’infini voyage Qui attend celui qui part »
La poésie est une forme d’art, une manière de s’exprimer
Voilà ! Je vous encourage donc à écrire de la poésie, quelle que soit la forme qu’elle prend, parce que c’est une forme d’art, une manière de s’exprimer et de libérer ce qu’on a besoin, parfois, d’extérioriser. Parce que c’est beau. Moi-même je l’ai fait, j’ai publié un recueil, et je ne l’ai pas regretté. Parce que c’était une manière de faire sortir les mots trop coincés au fond de mon coeur et de ma gorge.
Alors n’hésitez pas, lancez-vous ! Et sentez-vous libres de partager vos poèmes dans les commentaires et sur le forum !
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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