Je suis une écrivaine déguisée en étudiante (en littérature anglaise) et mon premier roman paraîtra l’année prochaine.
Mais c’est de poésie dont je vais vous parler ici.
Ma rencontre avec la poésie
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé lire et j’ai rapidement compris que je voulais écrire.
Cependant, c’est un souvenir bien particulier et un peu paradoxal qui me revient lorsque je songe à la poésie : un dessin.
L’image de deux yeux bleus surgit alors, accompagnée de ces mots :
« Je veux de la poudre et des balles. »
C’est la fin du poème « L’enfant », de Victor Hugo. À l’âge de 10 ans environ, j’ai donc découvert la poésie grâce aux poèmes de Victor Hugo… mis en BD !
C’est à cet âge que j’ai moi aussi commencé à écrire des poèmes ; mais j’ai arrêté assez vite, sans le décider de manière consciente.
Peut-être sentais-je que tous les poètes que j’aimais (Rimbaud, Aragon…) étaient morts et que, si je voulais devenir écrivaine, il me fallait écrire ce que les vivants écrivaient : des nouvelles, des romans.
J’ai donc délaissé la poésie pour la prose pendant plusieurs années.
Ma redécouverte de la poésie grâce à Rupi Kaur
Puis, il y a deux ans, j’ai découvert la poétesse Rupi Kaur.
Non seulement elle était bien vivante, mais elle m’ouvrait des espaces poétiques qui m’étaient jusque-là demeurés inconnus : elle parlait du corps des femmes comme je ne l’avais lu dans aucun poème, évoquant le désir, la douleur, les règles, la pilosité…
Cela m’a donné envie d’écrire de nouveau de la poésie. Or, à ce moment-là, les lettres de refus des maisons d’édition pour mes premiers romans commençaient à former une pile de moins en moins fine sur mon bureau.
J’ai alors pensé que je pourrais créer un compte Instagram (@florianejoseph) et y publier mes poèmes afin de partager ces écrits avec des lecteurs, sans devoir pour autant attendre le secours d’un éditeur.
Grâce au soutien de mes amies, j’ai sauté le pas, plongeant dans ce genre littéraire et ce mode de partage nouveaux pour moi.
J’ai décidé de mettre un fond de couleur à chaque poème afin que cela soit agréable à lire ; je voulais mettre les possibilités visuelles que m’offraient Instagram au service de la poésie.
Si les poètes anglophones qui publient sur les réseaux sociaux sont nombreux, les poètes francophones le sont beaucoup moins (même si les choses évoluent timidement, grâce à la merveilleuse Cécile Coulon qui publie ses poèmes sur Facebook, par exemple).
La poésie, de la douceur rapide à consommer
Contrairement à ce que l’on dit souvent, je crois que la poésie a tout pour plaire à notre époque. Nous vivons dans un monde où tout va vite et où nous devons nous-mêmes courir si nous ne voulons pas rester sur le quai.
Le temps nous est compté et, comme si ça n’était pas déjà assez difficile, on nous reproche de ne plus prendre le temps de lire. J’ai pensé qu’il fallait peut-être inverser les choses.
Si nous n’avons plus le temps de lire, rien ne sert de culpabiliser : c’est la lecture qui doit s’immiscer dans nos vies.
Or, on peut lire un poème facilement, vite, sur son téléphone, pendant une pause café au travail ou en attendant le métro… c’est une minute de douceur insérée dans la routine métro/boulot/dodo.
Pourquoi je pense que le monde a besoin de poésie
Aujourd’hui, je ne m’arrête plus, j’écris des poèmes longs, des poèmes courts, des calligrammes, car j’aime jouer avec l’image ; j’écris sur l’insomnie, sur les attentats, j’écris des poèmes féministes, car c’est une cause qui me tient à cœur.
J’ai ainsi composé des poèmes comme : « Rouges règles », « Souffrir pour être belle » ou encore « Ton Nom », un acrostiche (qui se lit à la verticale) dénonçant la censure du clitoris dans les manuels scolaires.
J’ai l’impression de pouvoir aller plus loin dans un poème car la forme est très structurée : c’est comme si le chagrin ou la colère pouvaient crier davantage car, à la fin, tout restera bien délimité dans le petit espace clôt du poème, où tout est plus tendre.
La poésie apparaît souvent comme réservée à une élite, alors qu’elle devrait être insérée dans nos quotidiens, griffonnée sur les murs, déclamée depuis les balcons.
J’aime ce que dit Aragon dans le poème « Ce que dit Elsa » :
« Que ton poème soit dans les lieux sans amour Où l’on trime où l’on saigne où l’on crève de froid Comme un air murmuré qui rend les pieds moins lourds Un café noir au point du jour Un ami rencontré sur le chemin de croix. »
Je crois que ce monde a plus que jamais besoin de poèmes, de poèmes sans prétention, qui fassent partie de nos vies, pour dire nos colères et nos chagrins, nos peurs et nos amours.
Des poèmes à emporter avec soi les matins d’hiver, quand on attend le métro dans le froid et la nuit.
« Ton Nom », le poème de Floriane Joseph sur le clitoris
C’est l’intraçable organe, l’anatomie cachée La perle, goutte d’eau, le bijou indécent Il est là où l’intime le garde celé, Tapi au creux des gorges où vient couler le sang, Où la terre est ombrée des plus doux des sapins… Rien ne le conte aux filles, si ce n’est en secret Il se murmure, tout bas, ce pays du vagin Se dit en confidence – le diamant censuré.
J’irai dire pourtant ta présence solaire Et tes rayons-délices, le cri de la douceur, Contre ceux qui, choqués, voudraient te garder tu, Rayé des manuels et des livres scolaires ; Insensés misogynes, pitoyables censeurs Sapent la connaissance, te font fruit défendu,
Trahissent – schéma faux – la science et la Raison ; Oracles mensongers et livres à ellipses Nient ta simple existence, aux fillettes, aux garçons,
Nient des femmes le corps ; ton soleil en éclipse Obscurci de censure, cache ses beaux rayons. Mais n’aie crainte, les temps changent, et j’ai écrit Ton Nom
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