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Culture

Drama à souhait mais douloureux pour les oreilles, House of Gucci n’a que ses accents « italiens » à se reprocher (et Jared Leto)

House of Gucci, c’est le nouveau Ridley Scott teasé à grands renforts d’acteurs ultra-sapés. Cette histoire vraie pleine de drama et de diamants mérite t-elle que vous passiez 2h40 à souffrir devant des Américains tenter l’accent italien ?

Cette semaine, le podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, parle du film House of Gucci. L’article ci-dessous est une retranscription du podcast.

Je suis un être humain adaptable. 

Je peux donc supporter tout un tas d’infamies — par exemple, le dernier album de Juliette Armanet, qu’on mette du parmesan dans un plat de spaghettis aux fruits de mer, le visionnage d’un Philippe Lacheau et même les gens qui courent avec un survêtement en peau de pêche. 

C’est dire si je suis tolérante, voire même franchement un ange d’abnégation. 

L’enfer, c’est l’avis des autres

Par contre, il y a des limites à ne pas dépasser. Et surtout au cinéma. Par exemple, il convient DE SE TAIRE quand un film vient de se terminer et qu’on en est au générique pour ne pas incommoder les gens autour de soi qui n’ont peut-être aucune envie d’entendre l’avis d’un inconnu sitôt après le mot fin. 

Les spectateurs ont peut-être envie d’emporter la sensation d’une œuvre tranquillement chez eux ou bien d’aller se poser seuls à la terrasse d’un café pour siroter une pinte de Leffe et rêvasser à ce qu’ils viennent de voir.

Mais ça n’est pas possible parce que les gens sont DES BRISEURS DE RÊVES.

Lundi dernier par exemple, quand je suis allée à la projection presse de House of Gucci, j’ai même pas eu le temps de me lever de mon siège, que j’avais devant une horde de cinquantenaires persuadés d’avoir inventé l’art même du cinéma, criant que le film était trop long, que machin était mauvais, et que telle réplique ne voulait rien dire.

Mais bon sang si vous n’aimez pas une œuvre, n’en dégoûtez pas les autres !

Bref, lundi, et à cause des nani nana de mes congénères journalistes, j’ai commencé à douter de mon propre jugement alors que j’étais persuadée, au fond de moi, d’avoir aimé le film. Ce qui est RIDICULE. Le cinéma est un art, et comme pour tous les arts, son appréciation est personnelle et rigoureusement subjective. 

Alors la prochaine fois que Jean-Pierre connard crachera son fiel dans mes oreilles avant même d’être sorti de la salle, je lui dirai :

« Chut chut chut et flûte. Si vous avez besoin d’imposer votre avis au tout venant, créez donc un podcast, et appelez-le : Le seul avis qui compte ! »

Bref, je suis sortie de cette projection pleine du désespoir de m’être fait sucrer un peu de mon bonheur. Et puis je me suis ressaisie. 

House of Gucci, de quoi ça parle ?

House of Gucci, adapté du livre The House of Gucci: A Sensational Story of Murder, Madness, Glamour, and Greed, s’il comporte quelques défauts qui nuisent à sa potentielle maestria, demeure un film que j’ai trouvé sinon révolutionnaire au moins bon, et que je vous recommande chaudement de voir si vous ignorez tout de la sombre affaire de meurtre qui a choqué l’Italie et le monde avec elle dans les années 1990. 

Reprenons depuis le début : en 1973, Patrizia Reggiani épouse Maurizio Gucci, le petit fils de Guccio Gucci (meilleur blase). Elle vient d’une famille modeste, lui d’une des plus grosses fortunes d’Italie.

Le père de Maurizio met son fils en garde — d’après lui, Patrizia est une croqueuse de diamants. 

Qu’à cela ne tienne, Maurizio fait fi de l’avis du paternel et épouse celle dont il est fou amoureux. Peu après, l’oncle de Maurizio lui propose de venir bosser chez Gucci, à un gros poste, pour se faire des couilles en or.

Sur les conseils de sa femme, qui préfère le luxe à la galère, il accepte, puis comme le gros ingrat qu’il est, trahit toute sa famille pour s’en mettre plein les fouilles. 

Persuadé qu’il est devenu un monstre à cause de celle qu’il a épousé, sans jamais se remettre lui même en question tel un bon vieux trou duc, Maurizio finit par demander le divorce, ce qui n’est pas du tout du goût de son épouse, désormais privée de son unique amour et surtout de son train de vie habituelle.

Elle est toutefois loin de se retrouver à la rue puisque son mari doit lui verser un million d’euros de pension alimentaire par an et lui laisser son appartement de 1000m2 du centre de Milan. 

À ce prix là, n’hésitez pas à divorcer de moi hein ! Enfin bon, moi en vrai je sors qu’avec des pauvres donc le divorce me rapporterait à la rigueur juste un studio en Moselle. 

Bref, Maurizio, de son côté, est plutôt ravi de s’être débarrassé de sa go, parce qu’il peut ken sans vergogne la designeuse Paola Franchi dans toutes les positions, claquer son blé n’importe comment, et surtout faire du vélo en sifflant — son activité préférée. 

Mais c’était sans compter sur Patrizia qui, ivre de jalousie, de haine et de tristesse, décide de préméditer l’irréparable

Voilà. C’est plutôt DENSE.

Rajoutez à cela un cousin perché qui est persuadé d’être un grand styliste mais qui est la risée de sa famille, un oncle qui cache derrière sa bonhomie une misogynie patentée, une voyante aux méthodes peu orthodoxes, beaucoup de sacs à mains, des brushings, des épaulettes, des contours de lèvres et vous obtenez peu ou proue l’intrigue complète de House of Gucci. 

Du drama, du drama et toujours du drama

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Ce film est signé Ridley Scott, réalisateur semi-idolâtré, semi-moqué, qui à 83 ans n’a toujours pas l’intention de se la couler douce à Bora Bora puisqu’il a encore pondu deux films cette année : l’excellent Dernier duel, dont en bon boomer il blâme les jeunes, leurs portables et FACEBOOK d’être responsables de son échec au box-office, et bien sûr House of Gucci

Un film dont il faut préciser qu’il a mûri dans la tête de son créateur pendant 15 ans, au point que plusieurs acteurs ont été pressentis pour jouer dedans, comme Leonardo DiCaprio, Penélope Cruz, Margot Robbie et j’en passe, avant de se voir préférer Lady Gaga et Adam Driver.

Scott y joue une carte qu’il connaît parfaitement : celle du baroque, en livrant la fresque d’un luxe grotesque où tout le monde baigne dans un cloaque moribond. Il écaille donc le vernis rouge sang de la jet set pour en révéler les plus infects desseins. ET J’ADORE ÇA. LE DRAMA, LE SANG ET LES SACS À MAIN. 

Alors oui, House of Gucci c’est un peu lent. Ça prend le temps de s’installer, ça explore les moindres détails, les émotions, les personnages, les enjeux. Oui, c’est chiadé au point de ressembler à une pub pour parfum du début à la fin.

Mais la lenteur est ici nécessaire pour comprendre comment les protagonistes en sont arrivés à un point de non-retour et savourer une esthétique soignée est obligatoire pour un film qui parle de mode.

House of Gucci, le meilleur casting

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Si vous n’y allez pas pour la qualité de mon argumentaire franchement médiocre — que je peux aisément justifier par la cumulation d’une gastro et d’une sinusite — alors allez-y pour Lady Gaga, too much à souhait, fardée au possible, brushingée, pleine de larmes, de haine et d’ambition, qui offre, et de loin, la meilleure performance de sa carrière. 

Et puis aussi :

  • Pour Adam Driver, mon mari
  • Pour Al Pacino qui est formidable, même s’il a fortement déplu à la famille Gucci qui le trouve, je cite : « Trop petit, gros et laid » pour incarner l’oncle de Maurizio (bisous Al)
  • Et pour Salma Hayek qui est doctement ridicule en cartomancienne à froufrous, sapée comme Christine Boutin

En revanche, n’hésitez pas à fermer les yeux et à vous boucher les oreilles quand débarque Jared Leto, engoncé dans des morceaux de latex couleur chair censés lui grossir le visage et lui filer une calvitie.

Et, OK, outre Jared Leto qui fait sa life dans tous les films ayant la folie de le montrer à l’écran, House of Gucci comporte plusieurs défauts difficilement passables sous silence, parmi lesquels le fait que les acteurs parlent américain mais avec un accent italien, se contentant de balancer quelques « Ciao » pour toute peinture de la langue italienne.

Accent auquel on finit par s’habituer, dans ce que j’interprète comme étant simplement un réflexe de survie. 

Bref, si nombreux sont les critiques à regretter par ailleurs la conjugaison du drame et de la farce dans House of Gucci, je leur opposerai volontiers que c’est précisément ce qui fonctionne en réalité : la réplique ridicule qui brise le sérieux d’une scène, et le sérieux d’une réplique qui brise le ridicule d’une scène. On rit, on tremble, puis on rit avant de trembler à nouveau.  

J’ajouterais pour finir que la plus grande des farces ne se joue pas sur l’écran mais bien derrière. Attention, je vais dire les vraies choses. Et faire trembler Hollywood !

Salma Hayek, transformée en mégère incontrôlable pour les besoins du film, est la femme actuelle du président de la marque Gucci, François-Henri Pinault — Gucci n’appartenant plus aux Gucci depuis belle lurette.

Faut-il considérer ce choix de casting et le ridicule de ce personnage comme une  volonté de se moquer de la dynastie des Gucci et d’encenser les bons vieux rouages de la multinationale Kering, grand sauveur d’une marque qui aurait sans doute été coulée par ses créateurs ?

J’en sais foutrement rien. Ce que je tiens pour certain, en revanche, c’est que l’histoire de House of Gucci vaut bien le sacrifice de votre amour pour la langue italienne.

Allez, ciao !

À lire aussi : En pleine promo du0026rsquo;un film sur le viol, Yvan Attal su0026#8217;embrouille sur le tribunal populaire et le consentement


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Les Commentaires

1
Avatar de Tu as raison.
26 novembre 2021 à 20h11
Tu as raison.
@Kalindi
Toujours aussi drôle, comment tu fais?
J'ai hâte de voir le film. Puis Pacino quoi, et Gaga.
Quand même, tu arranges bien Leto. HS: Tu en as pensé quoi dans Requiem for a dream? Le dernier film avec lui que j'ai vu, c'est Suicid squad et je n'aurais jamais cru qu'un acteur puisse être aussi mauvais. Comme je l'ai trouvé par contre très bon dans RFD, ça fait le grand écart
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