En 2017, j’ai été élue Reine des égouts. N’insistez pas, je ne vous raconterai pas cette histoire.
Bon ok, en fait, depuis que je suis petite, je clame à qui veut bien l’entendre que je suis la Reine des Océans, tout simplement parce que pendant des vacances à l’île Maurice, j’ai calmé une tempête tropicale d’une simple caresse à l’Océan et que du coup les pêcheurs locaux se sont mis à chanter en mon honneur, avant de coiffer ma tête brune d’une couronne faite de moules.
Ou peut-être juste parce qu’un jour j’ai fait un test dans Picsou Magazine qui m’a appris que mon élément était l’eau. Vous ne saurez jamais.
Une autre paire de Manche
Bref, un jour d’été 2017, j’étais avec des potes en Normandie et on a eu envie de se rafraîchir dans la Manche.
Seulement, vous connaissez les Français, qui, adeptes du rien foutre, avaient tous eu la même idée que nous et il était impossible de trouver un coin de sable épargné par le tout venant à moule-bite. Nous avons marché, marché, et alors que nous étions à 2 doigts de tomber dans les pommes à force d’effort, on a trouvé un petit bras de sable désert. Une aubaine pour nous qui, finalement, détestons toute personne s’avérant ne pas être nous. Vite, vite, j’ai donc arraché mes guenilles et couru dans l’eau.
J’ai plongé, tournoyé, crawlé, sauté, ri : « Ah ma bonne amiiiiie, comme il est agréable de te retrouver ». Et puis, la mer, dans son rituel quotidien, s’est retirée, laissant place à une vieille marre de merde. À regarder l’eau de plus près, j’ai vu flotter quelques œillets d’huile de pet à la surface, et compris pourquoi aucun phoque ni aucun local ne s’aventurait jamais sur ce lopin de sable : parce que c’était en fait une fucking sortie d’égouts.
Ni une, ni deux, mes amis m’ont donc décerné le titre de Reine des égouts. Ce qui reste mon seul titre honorifique à ce jour, et ce qui est vachement moins classe que le titre de Roi du Rock’n’roll, qui est celui d’Elvis Presley. Ouais je vous ai raconté ma vie pendant un quart d’heure juste pour faire ce lien-là avec le film de la semaine, mes intros sont de plus en plus poussives mais c’est mon podcast, je fais ce que je veux, laissez-moi.
Un film sur le Roi du Rock’n’roll
Donc le gros film de la semaine, c’est bel et bien Elvis, le nouveau blockbuster chromé de notre ami australien Baz Lurhmann qui avait disparu des radars depuis la série The Get down en 2016 et disparu du cinéma depuis 2013, année où il a sorti Gatsby le magnifique.
Baz Luhrmann, qui a longtemps été considéré comme le petit prince du nouvel âge d’or du film musical au cinéma, grâce à ses films ballroom dancing et Moulin Rouge, est surtout, en réalité, le petit prince du cinéma bling-bling, à base de voltiges filmiques et autres plans qui dégoulinent de fric et d’effets spéciaux. Il était donc tout naturel que le réalisateur ait envie de raconter l’histoire d’un homme qui aimait les dorures, les canapés capitonnés et les Cadillac fuchsia.
Je vais pas vous mentir, j’avais autant envie d’aller voir ce film que de passer 6 mois pendue par les pieds à Guantanamo, déjà parce que je suis pas fan de biopics, ensuite pas fan non plus de Baz Luhrmann qui a un cinéma un poil trop tape à l’œil pour moi qui aime le naturalisme.
Mais finalement, j’ai passé un moment électrisant, et dieu sait que c’est pas facile de passer un moment électrisant à 9 heures du matin à Châtelet les Halles un jour de soldes. Dès l’intro du film Elvis, Baz Luhrmann montre qu’il est bel et bien de retour avec ses vieilles marottes et fait faire des grands 8 à ses caméras, qui volent au-dessus de Las Vegas, se retournent, volent dans l’autre sens, et franchement le premier quart d’heure a été pour moi douloureux tellement le montage est épileptique et les images clinquantes.
Et puis quelque chose finit par prendre, et ce quelque chose, c’est d’abord la musique. Elvis, c’était un môme fauché de Memphis qui vivait dans un petit quartier blanc dans une zone réservée aux personnes noires, en pleine ségrégation raciale, et qui a découvert la musique via le gospel et le rythm’n’blues.
Donc dès le début, Luhrmann insère sa caméra dans des messes gospels et autres soirées où Elvis a constitué sa culture musicale et a vu naître sa vocation pour la guitare, mais aussi et surtout pour le chant et la danse.
Une rockstar roulée dans la farine
Le film Elvis commence par raconter la genèse de sa passion avant de se concentrer sur les hauts et les bas de sa carrière et surtout sur sa relation avec le Colonel Parker, un impresario qui se définissait lui-même comme le roi de l’entourloupe. Alors bon, je sais pas mais j’ai l’impression que c’est écrit dans le titre quoi, que c’est un enfoiré.
Mais bon, Elvis, c’était un bon petit gars, prompt à faire confiance à son prochain, toujours fourré dans les jupes de sa mère, qui a tout fait pour offrir une vie de rêve à sa famille. Alors quand sa mère est morte, il a transféré son affection sur le fameux Colonel Parker qui, vous le devinez, va l’escroquer pendant toute sa carrière, allant jusqu’à prendre 50% des gains d’Elvis, le laissant ruiné, et le poussant à négliger sa santé pour performer à Las Vegas.
Tout le film de Baz Luhrmann, co-écrit par Craig Pearce et Sam Bromell explore leur relation toxique, des premiers exploits d’Elvis sur scène à ses 5 années de performance à Vegas en passant par sa tentative de carrière à Hollywood. Et en filigrane, c’est l’histoire des États-Unis qui se dessine dans cette super-production.
Un film sur l’histoire des États-Unis
Parce qu’Elvis est indissociable de son pays. Il a participé à carrément changer la face de la culture populaire en repoussant les limites du rock’n’roll, en chantant ses rébellions politiques et sociales et en secouant tout une société puritaine.
En effet, Elvis, au milieu des années 50, a dévoilé à l’Amérique un tel déhanché que des pétitions ont été menées contre lui, l’accusant d’obscénité. L’accusant, en fait, de danser comme une personne noire. Yes, les États-Unis des années 50, c’était vraiment le top.
Alors son impresario a essayé de faire de lui un gars lisse censé plaire à tout le monde, mais si Elvis s’est souvent plié aux désirs de son tortionnaire, il a également su se rebeller à plusieurs reprises, se déhanchant lors de concerts et d’émissions télé, au point de devenir le chanteur le plus célèbre au monde.
Il est toujours, à l’heure actuelle, le chanteur qui a vendu le plus de disques de l’histoire de la musique. Ce qui ne l’a évidemment pas empêché de tomber dans les affres classiques de la célébrité et d’enchainer les relations extra-conjugales, et surtout les pilules. Profondément déprimé, dans sa cage dorée gérée par son salopard de manager, Elvis est tombé dans la drogue, l’alcool et est finalement décédé à l’âge de 42 ans.
Un bien triste sort, que Luhrman analyse avec une grandiloquence absolument nécessaire à la construction de l’effigie d’une telle icône culturelle.
Lorsqu’Elvis est monté sur scène pour la première fois, avec son pantalon rose, son top en dentelle et son maquillage charbonneux, quelque chose, sa sensibilité si particulière et son cœur à gauche, dans les ghettos noirs du sud de l’Amérique, le prédestinait à être l’un des plus grands musiciens de l’histoire.
Et quoi qu’en disent les détracteurs au bling bling de son créateur, le film Elvis réussit à rendre hommage à son ambition, à sa grandeur.
Un binôme de cinéma de rêve
Et c’est aussi évidemment, grâce à Austin Butler, l’acteur américain aperçu dans des teen-séries comme Zoé ou Les Chroniques de Shannara, que la magie finit par prendre. Au début j’avoue je trouvais qu’il ressemblait davantage à un frère Bogdanoff qu’à Elvis et en fait j’ai été une maxi-connasse problématique de penser ça, quand Butler ressemble non seulement au King du rock mais qu’en plus il a le talent nécessaire pour porter 2h20 de film à la seule sueur de son front.
Avec Tom Hanks, affublé d’une prothèse maxillo-faciale en mode Jared Leto dans House of Gucci qui m’a un peu saoulée j’avoue, faker le goitre quand Edouard Balladur existe, je sais pas si c’est franchement nécessaire — bon après je sais pas non plus si Edouard Balladur est un super acteur — ils forment un binôme de cinéma très solide, capable de supporter une super-production comme celle d’Elvis sans flancher.
Bref, Elvis, ça tourne dans tous les sens comme une bille dans un flipper de Vegas, ça fait parfois mal au crâne, et je ne promets pas que vous en sortirez sans avoir la gerbe, mais ça vaut mille fois le coup d’être vu, pour l’amour si sincère que portent son réalisateur et ses acteurs au roi qu’ils honorent. Un amour apparemment un peu plus conséquent que celui de mes amis m’ont en tout cas porté ce fameux jour d’été, en 2017, où ils m’ont élue Reine des égouts.
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Marine Normand.
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