Cette semaine, le podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, parle du film Aline. L’article ci-dessous est une retranscription du podcast.
Dans la vie il y a des choses inexplicables, comme le fait que TOUTES les chanteuses françaises de moins de 40 ans ont une frange, ou qu’on fasse des biopics sur des gens qui NE SONT PAS DÉCÉDÉS (vraiment pour moi un biopic c’est une nécro stylée sur grand écran avec des acteurs plus sexy que les personnes qui sont mortes donc bon).
Évidemment, j’ai encore mille autres exemples de choses inexplicables dans mes tiroirs, comme le dentifrice à la noix de coco ou Jacques Cheminade, mais aucune n’arrive au niveau d’étrangeté des deux premières vérités que j’ai énoncées en début de chronique.
Les sorties ciné du 10 novembre : de l’art d’être casse-gueule
Bref, cette semaine, les sorties cinéma sont riches en n’importe quoi donc ça a été difficile de choisir l’objet de cette chronique.
On a par exemple une Noémie Merlant grimée en homme trans qui veut tomber enceinte dans le dernier film de Marie-Castille Mention-Schaar A Good Man, le mythe éternel de la bourgeoise altruiste qui se donne pour mission de sauver la pauvre petite meuf inculte de banlieue dans Haute Couture et bien sûr, le très, très, très, très, très, très, très, très, TRÈS étrange dernier film de Valérie Lemercier : Aline.
Si ces sorties sont plurielles, vous constaterez qu’elles ont un point commun : elles sont toutes atypiques… mais casse-gueule.
Cette semaine donc, j’ai pas envie de faire durer le suspens en commençant par vous parler de ma concierge (qui m’a encore bien marché sur les noyaux ce matin) ou du prix scandaleux d’une place de cinéma. J’ai pas envie de faire des nani-nana, parce que le film du jour est beaucoup trop riche en informations pour qu’on perde une seconde à palabrer.
Alors rentrons dans le vif du sujet.
Après Palais Royal qui rendait hommage à Lady Di en 2005, Aline c’est le poème dégoulinant de sirop d’érable et de poutine de Valérie Lemercier à son idole : Céline Dion.
Aline, un biopic ?
Cet hommage ressemble d’ailleurs fortement à un biopic puisqu’il raconte l’histoire d’une meuf qui a l’accent québécois, qui se marie avec une vieille personne du doux nom de Guy Claude, qui porte des costumes à sequins, et qui abuse des ventilateurs dans les cheveux pendant les concerts.
Donc Céline Dion quoi. Sauf que là, elle s’appelle Aline Dieu.
Déjà, la démarche est surprenante. Pourquoi ne pas appeler ce film « Céline » et en faire un vrai biopic ? Valérie Lemercier a répondu au pourquoi sur le plateau de Quotidien :
« Parce qu’elle existe. Il n’y a pas deux Céline Dion. Elle est ultra célèbre, elle n’a jamais été aussi connue qu’aujourd’hui. Ce n’est pas elle .»
De son côté, Céline a déclaré en 2020 :
« J’ai entendu parler de ce film, mais pas par Valérie Lemercier. Je ne l’ai pas rencontrée. Mais j’ai hâte de voir. J’espère que ce sera super beau. »
(Spoiler : ÇA L’EST PAS)
Bon, une fois qu’on a décidé de passer outre cet étonnant parti-pris, il convient de se jeter corps et âme dans Aline, comme Valérie Lemercier l’a fait.
Parce que s’il faut reconnaître une chose à l’actrice et réalisatrice, c’est qu’elle s’est donnée à fond dans son projet, jusqu’à entrer complètement dans la peau de son idole. D’ailleurs, on sent qu’elle ne se moque à aucun moment de la star québécoise, qu’elle est vraiment fan.
Aline, de quoi ça parle ?
Comme elle, lançons-nous donc au premier degré dans l’intrigue : Aline est le quatorzième enfant de Sylvette et Anglomard (meilleur nom), qui mènent une vie paisible dans le Québec de la fin des années 60.
Aline n’est pas une enfant comme les autres puisqu’elle a la voix d’un ange, mais version stentor, qui ferait vibrer n’importe quel cul cousu hermétique à la variété.
Son talent fait l’unanimité, et impressionne notamment le producteur Guy-Claude qui, dès qu’il la rencontre, n’a qu’une seule idée en tête : faire de cette jeune go la plus grande chanteuse que la terre ait jamais connue. Voilà.
Franchement, l’ambition de ce film est super. Je veux dire, il n’y a rien de plus louable ni de plus cute que de vouloir déclarer son amour à l’artiste qui a changé sa vie.
Mais le truc c’est que… ON EST PAS OBLIGÉ D’EN FAIRE UN FILM.
Moi aussi j’adore Céline Dion. Moi aussi j’ai déclaré ma flamme à mon ex en chantant Pour que tu m’aimes encore après avoir bu une bouteille (ou deux, qui va me dénoncer ?) de Côtes du Rhône. Même mon chat est timbré avec Céline Dion, et se roule sur mes enceintes dès que je passe My heart will go on. Je suis sûre que même Kim Jong Un écoute Ziggy en scred.
Mais de là à carrément réaliser un film, il y a 100 kilomètres d’un terrain boueux que Valérie Lemercier a franchi volontiers.
Aline, divertissant mais gênant
Alors, je veux pas mentir : j’ai passé un moment divertissant devant Aline, et finalement c’est ce qu’on demande en premier à un film, de nous divertir.
Le problème c’est que les moments de spectacle divertissant sont entrecoupés par des scènes dont la gênance fait exploser tous les baromètres du malaise.
Par exemple quand Valérie Lemercier qui a, je le rappelle, 57 ans, est rajeunie numériquement pour jouer Céline ENFANT, oui vous m’avez bien entendue, ou Céline ADOLESCENTE.
Ce qui donne lieu à des moments cinématographiquement hideux, et je pèse mes mots, qui décrédibilisent tout de suite le bazar. La seule fois où j’ai été gênée comme ça cette année, c’est quand Mélenchon s’est lancé sur TikTok.
Je passe sur l’accent québécois pas toujours très maîtrisé, et sur des dialogues parfois un peu niaiseux : ce qui est dommage dans Aline, c’est de n’avoir posé qu’un regard de groupie sur la vie de Céline Dion, sans proposer la moindre analyse du système qui la dévore, et sans trop questionner la relation de pygmalion qu’entretenait le producteur de Céline avec sa chouchoute.
Aline, un film sincère, au fond
Cependant, et si je sors un peu de mon rôle de méchante, je dois admettre que le film a ceci de touchant qu’il est profondément sincère. Et ça, ça ne peut laisser personne de marbre.
J’aime le fait que Valérie Lemercier se moque de livrer un film kitsch et ringard à l’image d’une bonne partition de variétoche.
J’aime qu’elle donne vie à ses rêves même s’ils filent le diabète tellement ils dégoulinent d’un caramel doucereux. J’aime qu’elle s’en batte les reins en fait.
Donc si Aline est gênant et bizarre, un peu comme le Cats de Tom Hooper, il est aussi et surtout infiniment courageux.
Aline, c’est simplement une dieppoise qui chante fort à une québécoise : « Je te jetterai des sorts pour que tu m’aimes encore » (sous entendu : même après ce film).
Alors qu’il en soit ainsi, Aline Dieu. Amen.
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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