L’annonce était attendue sans qu’on sache trop à quel moment elle pouvait tomber. C’est finalement dans Le Grand Oral, live organisé par les étudiants de Sciences Po que le ministre de la Santé Olivier Véran a évoqué l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, mesure pour laquelle Emmanuel Macron s’était engagé, mais qui, à moins d’un an de la fin du quinquennat, se fait toujours attendre.
« La lecture définitive du texte arrive au Parlement dans les deux chambres ce printemps, c’est donc la lecture définitive, ce qui veut dire qu’on pourra ensuite promulguer la loi et que le droit sera reconnu possible », a-t-il fait savoir suite à une question d’un des étudiants, avant d’ajouter :
« Il est possible que cet été, des premiers parcours de PMA se mettent en place, qui pourraient donner naissance à des premiers bébés au printemps prochain. »
PMA pour toutes : dix ans de reculades et de renoncements
On serait tentées de dire : « ENFIN ! »… mais ce serait oublier que derrière cette annonce, c’est presque dix ans de reculades et de renoncements : la loi qui va être adoptée prochainement a été repoussée sous François Hollande à de multiples reprises, puis présentée sous Emmanuel Macron qui a attendu moult avis et feux verts de toutes les instances possibles. Elle a même été mise en pause en 2020 au moment du premier confinement en plein milieu du processus législatif.
L’annonce d’Olivier Véran est un coup d’accélérateur aux allures de stratégie politique : les mesures progressistes ne sont pas légion dans le bilan d’Emmanuel Macron, alors passer la révision des lois de bioéthique qui contient une mesure féministe et d’émancipation pour les femmes serait de bon ton pour celui qui se targuait de n’être ni de gauche ni de droite.
Bref, on a l’impression que les droits des femmes et des minorités ne sont la priorité que quand il y a des voix à récolter.
Alors quoi de mieux que des bébés PMA
pour que la majorité clame haut et fort que c’est grâce à elle que la PMA a été ouverte à toutes les femmes ? Il ne faudrait d’ailleurs pas occulter le fait que les personnes trans ont été exclues de cette avancée, que ce soit sur l’enjeu de l’accès aux techniques d’aide médicale à la procréation ou à l’autoconservation des gamètes.
Une PMA, ça ne se fait pas en un claquement de doigts
À voir l’enthousiasme du ministre de la Santé, on a presque l’impression qu’une PMA c’est tout simple, et qu’on peut commencer à choisir le faire-part dès maintenant. Mais entreprendre un parcours de PMA, cela prend du temps et il y a souvent plusieurs tentatives avant d’obtenir une grossesse.
Comme le rappelait sur Madmoizelle Mélanie, créatrice du compte Instagram @pm_amour, un parcours de PMA, ça peut être long, fatigant, éprouvant :
« J’étais un peu écœurée du discours de certaines personnes qui en parlaient comme si c’était un truc facile. Comme si tu allais au supermarché et que tu ressortais avec un bébé. Moi, en étant en plein dedans, ça me rendait un peu folle, je me disais : « Mais faites-le si c’est aussi simple ! Allez-y, est-ce que vous vous rendez compte de ce que c’est ?! ».
Et quand un don de gamètes est en jeu, ce qui sera le cas pour les femmes célibataires et les couples de femmes, il y aura aussi des listes d’attente, avec des délais pouvant aller jusqu’à 18 mois pour obtenir un don de spermatozoïdes.
Autant dire que le calendrier d’Olivier Véran, présenté d’un ton désinvolte dans cette interview, a de quoi laisser perplexe.
Des promesses depuis 2013
Lors de la marche lesbienne qui s’est tenue à Paris et dans plusieurs grandes villes de France le 25 avril dernier, la PMA était une revendication portée haut et fort, et c’était non sans colère.
Les lesbiennes et les femmes célibataires ont déjà entendu des promesses : au moment des débats sur le mariage pour tous, on leur a répété de ne pas s’en faire et que la loi sur la PMA serait votée juste après. C’était en 2013.
Alors, il ne faudra pas trop nous en vouloir d’être méfiantes lorsqu’un ministre assure que les premiers-nés des PMA faites en France pourraient être là dans un an.
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Les Commentaires
Pour les couples lesbiens qui n'ont pas de soucis de fécondité, c'est possible que le taux de réussite à chaque essai soit un peu meilleur que la moyenne des gens qui viennent en PMA, toutes choses étant égales par ailleurs. Comme le dit ma VDD, cela dépendra aussi de chaque personne: âge, IMC, fumeuse/non fumeuse, alimentation... Mais même si elles gagnent quelques points, ce ne sera jamais miraculeux (rappelons qu'à chaque cycle, un couple hétéro de 30 ans a seulement 12% de chances de concevoir naturellement, et qu'à chaque FIV en France, le taux de réussite tourne autour de 25%). Elles seront en revanche pénalisées en terme de timing par leur besoin d'un don de gamète (12 à 18 mois d'attente pour l'instant en France, et cela risque de s'allonger), alors que l'immense majorité des couples n'y a pas recourt, même en PMA (Seules 5% des naissances PMA en France sont issues de dons de gamètes).
Sans compter qu'être dans un couple lesbien n'empêche pas d'avoir des soucis de fécondité. J'imagine qu'avant de lancer un protocole, il y a la même batterie d'examens à faire qu'en cas d'infertilité, afin de ne pas faire subir des traitements voués à l'échec et de ne pas gaspiller des dons. Un couple hétéro sur six a des problèmes de fertilité et dans 70% des cas, il y a une cause féminine (seule, ou partagée avec le compagnon). Si on repart sur les mêmes chiffres, il y aurait à peu près 10-12% des lesbiennes qui sont susceptibles de se découvrir des problèmes d'infertilité...