Depuis le début de la guerre, plus de 14 000 enfants ont été déportés en Russie. Ce chiffre serait en vérité bien en deçà de la réalité. Si du côté russe, on se félicite pour cette opération de sauvetage de grande ampleur, un rapport publié par Le Yale Humanitarian Research Lab révèle que des milliers de mineurs ukrainiens sont actuellement détenus dans des camps pour y être rééduqués. Leur avenir demeure incertain : si de nombreux enfants seront adoptés, nul ne sait ce qu’il adviendra des autres.
Des milliers d’enfants dispersés dans 43 camps
Plus de 14 700 petits ukrainiens ont été déplacés depuis le début de la guerre. Le Yale Humanitarian Research Lab, un observatoire des conflits financé par les autorités américaines, a réuni des données satellites et des informations pour comprendre ce qu’il advenait de ces enfants. Selon le rapport publié par l’observatoire, plus de 6 000 mineurs ukrainiens sont à ce jour détenus dans un des 43 camps identifiés.
Ce rapport, intitulé « Programme russe de rééducation et d’adoption systématique des enfants ukrainiens » révèle que 500 enfants auraient été enlevés en Crimée quelques jours avant le début de la guerre pour être mis à l’abri dans des camps « récréatifs ». Depuis, des milliers d’autres ont connu le même sort. Pour justifier ces déportations, le gouvernement russe invoque des évacuations pour des raisons de sécurité et la nécessité de soigner des orphelins « abandonnés et traumatisés par la guerre ». Beaucoup n’étaient pourtant pas seuls au monde et leurs parents ou tuteurs légaux étaient parfaitement identifiés. La délégation de l’autorité parentale aurait été obtenue par le mensonge, la violence et l’opacité.
De la chair à canons russes ?
Une fois sur place, les petits Ukrainiens seraient soumis à une véritable campagne de propagande. Toujours selon le rapport, l’objectif principal de ces camps est de rééduquer politiquement les enfants. Les programmes d’intégration implémentés enseignent aux mineurs la culture et les valeurs patriotiques russes, sans oublier l’instruction militaire : dans les camps de Crimées et de Tchétchénie, les enfants apprendraient déjà à se servir d’armes à feu.
De son côté, la Russie évoque une action humanitaire de grande ampleur et se réjouit d’avoir pu sauver ces enfants. Cette belle action altruiste lui permet par la même occasion de combler comme elle peut son déclin de la natalité, quitte à subventionner très généreusement les familles russes adoptant de petits Ukrainiens.
À l’heure actuelle, plus de 1000 orphelins seraient disponibles à l’adoption et 350 auraient déjà été placés dans une famille russe. Seuls 126 enfants ont par ailleurs été autorisés à rentrer chez eux, avant que le gouvernement n’interrompe pour une durée illimitée les retours. Le rapport nous apprend enfin que si les chiffres officiels font état de 14 700 enfants déportés, ils seraient en vérité plusieurs centaines de milliers. Amnesty international alerte : plus que des crimes de guerre, ces déportations sont de véritables crimes contre l’humanité.
Crédit photo de Une : zokov de la part de Getty Images.
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Les Commentaires
C'est pas vous qui aviez publié un article rappelant que les adoptions illégales d'enfants déportés sont un crime contre l'humanité?
Une partie de ces enfants viennent de foyers ou d'orphelinats et y vivaient déjà avant la guerre totale, mais pour les autres:
- soit leurs parents ont été tués par la Russie, et on les place de force dans des familles russes pour leur inculquer leur façon de penser, sans avoir cherché d'abord s'ils avaient de la famille qui pourrait les prendre en charge;
- soit leurs parents (ou au moins un des deux) sont encore vivants et les enfants ont été kidnappés.
Et dans tous les cas, orphelins, de guerre ou de longue date, ou pris de force à leur famille, la déportation systématique des enfants d'une nationalité pour les faire éduquer par une autre nation est reconnue comme crime contre l'humanité et peut participer à un génocide. C'est une façon d'effacer l'existence d'un groupe ethnique aussi sûre qu'en assassinant chacun de ses membres.