Playlist c’est l’histoire de Sophie, une meuf banale. Âgée de 28 ans, elle essaie comme tout le monde de percer dans sa carrière de rêve (le dessin, en l’occurrence), et de trouver l’amour. « La base » me direz-vous. Ouais, la base.
Aux manettes de cette comédie, on retrouve l’illustratrice et réalisatrice Nine Antico. Elle nous présente une jeune femme, incarnée par Sara Forestier, tout ce qu’il y a de plus commun. Enfin, elle essaie. Et, nous, on suit ses aventures au gré de ses chansons préférées. Si vous n’aimez pas Daniel Johnston, on vous déconseille fortement ce film.
Un film qui raconte l’histoire d’une jeune femme moderne
À certains égards, Sophie pourrait être votre meilleure pote, votre voisine, la caissière du supermarché en bas de votre immeuble, voire vous-même. Bref, il y a quelque chose de familier chez notre héroïne. Dans son histoire, du moins.
Vraiment, Sophie est la banalité incarnée : elle est amoureuse de son plan cul (et ce n’est pas réciproque), elle n’aime pas son taf (et encore moins son boss) et elle galère à se débarrasser de ses punaises de lit.
En fait, Sophie semble censée représenter LA jeune femme moderne. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti dès le début du film : adossée à une des portes du métro, elle écoute de la musique. Comme nous toutes. Et dans Playlist, des scènes comme ça, il y en a plein. Celles-ci se succèdent comme des vignettes de BD, on voit que Nine Antico, illustratrice et autrice de bande dessinée, a mis beaucoup de sa personne dedans.
Au niveau de sa personnalité, notre héroïne est ambitieuse, passionnée, libre sexuellement, un peu paumée dans la vie… comme nous toutes aussi. Ce film paraît se réclamer d’une universalité que le noir et le blanc du film renforce : la vie de Sophie est classique.
Le long-métrage de Nine Antico est une ode à la découverte de soi-même, à la liberté, à l’envie de sortir des sentiers battus. Ce qu’on cherche toutes à faire, encore une fois.
Et le pari est parfois bien réussi : il y a une certaine justesse dans les scènes montrées. On peut par exemple noter le moment où la protagoniste s’apprête à embrasser un de ses amants. Vous voyez le moment un peu gênant qui précède bien des premiers baisers ? L’autre s’avance un peu, nous aussi, mais on n’ose pas y aller franco ? Ah ! Je vous vois sourire et baisser les yeux, madame ! Les souvenirs refont surface, hein ? Okay, j’arrête. Mais je me permets de vous taquiner parce que j’ai vécu la même chose, et tellement de fois !
Dans Playlist, Nine Antico a réussi à représenter son temps. Elle a sublimé sans dramatiser des moments de la vie quotidienne d’une banalité telle qu’on ne leur prête même pas attention dans la vraie vie, mais qui peuvent sonner affreusement faux au cinéma. Je tire mon chapeau pour ça.
Mais il faut également que je souligne certains points qui m’ont gênée.
Un film féministe, mais pas tout à fait
Ce n’est peut-être pas évident au premier abord, mais je considère le sujet de Playlist féministe en soi. Parce que, dans le monde qui est le nôtre, mettre en avant une meuf lambda et raconter sa vie sans dramatisation extrême, sans objectification ou autre trauma porn, c’est déjà pas mal. On le sait : s’approprier nos vies, les raconter comme on le souhaite, c’est féministe.
C’est pour ça que le film est faussement léger : au fond la démarche est plus profonde qu’il n’y paraît et la réalisatrice nous le rappelle parfois sur fond de plaisanterie. Par exemple, vers la fin du film, Sophie demande à un de ses love interests s’il fait partie des « connards » qui refusent de s’envoyer en l’air quand leur partenaire a ses règles. Ce dernier lui explique qu’il n’aime simplement pas la vue du sang et lâche un « je suis féministe » convaincu mais peu convaincant qui a fait rire toute la salle de cinéma. Mais le dégoût qu’inspire le sang des règles est un vrai sujet. On peut aussi parler du boss imbuvable de Sophie à travers lequel on peut questionner le système de domination au travail.
Mais voilà, malgré la justesse de certaines scènes et les questions féministes qu’elles recouvrent, je n’ai pas réussi à me projeter complètement dans le film. Parce que des Sophie, on en a trop vu. Et on continue d’en voir trop. Là, vous allez me demander :
« Où est le problème ? C’est pas le but de montrer Madame Tout-le-Monde ? »
Alors, je m’explique.
Ce n’est pas qu’on voit trop de Sophie dans le sens qu’on croise ce genre de femmes tout le temps dans la rue. On en voit trop dans le sens que c’est le type de femmes qui est vachement mis en avant. Partout, tout le temps.
En dédramatisant un peu leurs histoires, Sophie pourrait être Paula de Jeune Femme (Laetitia Dosch, qui joue la meilleure amie de Sophie, est d’ailleurs l’héroïne de ce film). Sophie pourrait être la version adulte de Lola de Lol, ou de Vic de La Boum. Sophie pourrait être une Bridget Jones de 28 ans. Je continue ?
Sophie, c’est la meuf blanche, valide, cisgenre, hétéro et mince qu’on connaît par cœur, même si on n’en fréquente pas soi-même. Parce qu’on nous rabat les oreilles et les yeux avec elle. Je pourrais tenir le même discours à propos du casting, car celui-ci est presque entièrement blanc (seule celle qui joue Charlotte, la coloc de Sophie, ne l’est pas). Tout le monde n’a que des relations hétéros. Tout le monde est valide. Etc.
Ce qui fait que, à partir du milieu du film, je me suis ennuyée. Parce que, à cause des personnages, il n’allait pas au bout de son idée, ce qui a fini par le rendre tiède. La démarche est intéressante, vraiment, mais pas aboutie. On sent qu’il y a cette envie de représenter la Parisienne lambda qui approche la trentaine, et on adore cette idée, mais combien y a-t-il de Parisiennes qui ressemblent à Sophie ou à Julia (sa meilleure amie) ? Sophie n’est pas LA Parisienne, Sophie est UNE Parisienne, et cette différence est de taille.
Je ne dis pas que mettre en avant ce genre de personnages est un problème en soi, je dis que le problème, c’est l’ériger au rang d’universel.
Playlist tombe dans une facilité qui pique un peu. Je pense que l’équipe du film n’a pas su gérer à tous les niveaux la frontière entre l’universel — qui inclut tout le monde — et la norme — qui est, par nature, excluante.
Et puis on trouve quand même des clichés un peu dérangeants, comme la meilleure pote de Sophie, une belle femme blonde toujours perchée sur ses talons qui est un peu stupide sur les bords. Un peu gênant de véhiculer le cliché de la meuf belle, coquette et conne dans un tel film.
Tout ça pour dire que, honnêtement, j’ai passé un moment plutôt agréable devant ce film : j’ai ri et ses intentions sont nobles et visibles. Mais je m’attendais à plus d’efforts de la part de la réalisatrice, à quelque chose de plus frais, de moins normal (aka qui relève de la norme), puisque la démarche du film ne l’est pas. Parce que le féminisme c’est aussi critiquer et abandonner la norme. Si on baigne dedans, il y a quelque chose qui cloche.
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Les Commentaires
Ça me rappelle que hier j'ai vu la bande annonce d'un film sélectionné à Cannes (Le Discours je crois) qui m'a fait penser à Fleabag mais en beaucoup moins drôle (le protagoniste qui brise le quatrième mur, la famille excentrique...).
Je n'ai pas vu les films en entier donc je juge peut être hâtivement mais ça manque de fraîcheur à mes yeux (alors que Frances Ha et Fleabag m'ont parus justement très frais.)