Il est deux heures de l’après-midi et j’ai une boule au ventre. Mon estomac se croit dans un sèche-linge Electrolux, car je revois une amie. Je ne l’ai pas serrée dans mes bras depuis plus de quatre ans. C’est elle pourtant qui m’a accompagnée, de mon premier cartable Lulu Castagnettes à mon premier bisou du bout des dents sur le parking du Mc Do, en passant par ma première peine de coeur, chouinée entre deux trémolos d’un groupe en poster dans Rock One.
Cinq ans sans nouvelles, sans rire, sans échecs. Sans elle.
Du coup, me voilà, me posant trois-cent mille questions, verrouillant le frein à main de ma voiture. Câlins, rire, exposition de nos derniers fails… J’ai l’impression d’être en 2006 — son mec en plus, apportant des bières à la cerise.
Entre deux karaokés improvisés sur le Top 50 de W9, mon amie me glisse à l’oreille : « Dis, j’ai un pote qui vient un peu plus tard, et il est mignon ». Regard lubrique. Je baisse les yeux. Je suis célibataire depuis peu, j’ai pas la tête à ça. Enfin, pas à lui en tout cas.
Le pote arrive. Il est grand, sympa. Elle avait raison : en plus, il est mignon.
La soirée se déroule bien. Et, plus le temps passe, plus je sens comme un truc qui tourne autour de nous quatre. Une tension étrange. Ma copine lance des regards à son mec. Elle croit que je ne la vois pas. Elle a oublié qu’au collège, j’avais des yeux partout pour espionner les bruns ténébreux de la cantine !
Je rentre chez moi, frustrée. Direct, j’envoie un SMS :
« Bon, en fait, vous vouliez faire un plan à quatre, c’est ça ? »
Mon amie me répond qu’elle n’y avait pas pensé. Et puis, que finalement, ça lui avait traversé l’esprit. Ma résolution pour septembre étant de ne plus tourner autour du pot — surtout s’il s’agit en fait d’un chibre surgonflé — je lui propose de tenter le coup.
Rendez-vous lundi, dix-huit heures trente, sur le parking de Géant Casino.
« La raison d’être de l’organisation est de permettre à des gens ordinaires de faire des choses extraordinaires »
Est venue alors la question de l’organisation. Perso, j’étais plutôt partisane du « faisons comme si de rien n’était, et calons-nous des doigts vers minuit trente ». Pour tenter de ne pas me mettre la pression, je me disais que de toute façon, si on ne se sentait mal à l’aise, ça ne se ferait pas. Qu’à un moment de la soirée, Mister Cute finirait peut-être par m’embrasser, que tout se ferait naturellement.
Manque de bol, tout le monde était au courant, les deux garçons dans les starting blocks, et moi en train de trembler dans ma culotte.
Quitte à dévoiler la pièce montée, autant qu’elle ait bon goût. Nous avons donc décidé, fébriles, de « baliser » un peu les contours de cette fameuse soirée. Rapidement, de « grandes lignes à respecter », j’ai eu l’impression d’être la prof de SVT organisant une sortie scolaire en bus dans une réserve préservée de lombrics.
Tout le monde a dit ce qu’il voulait (beaucoup de choses), ce qu’il ne voulait pas (pas grand-chose). Et puis, avec ma pote, on a fini par s’envoyer des MMS de nos culottes pour le grand jour.
Niveau découverte des contours du plaisir d’autrui, y avait plus subtil comme approche.
Minuit, heure du crime
Lundi, dix-huit heures trente, sur le parking de Géant Casino. Je me marre toute seule en attendant mon amie, une boîte de capotes neuve à la main. J’ai l’impression d’avoir fait un truc super grave, genre voler un chien attaché devant la boulangerie.
On va chez elle. Les convives (au nombre de deux, donc) arrivent. La soirée ressemble pour l’instant plus à une réunion des anciens élèves de la classe latin qu’à une orgie où coulent semence et Jack Daniels. Qu’importe, j’attends le top départ.
Quel top départ, d’ailleurs ? Allait-on me faire un clin d’oeil ? Aurais-je dû préparer une alarme « Guitare rythmique » ? Une trompette allait-elle retentir pour annoncer le début des hostilités ? Allait-elle finir dans le derrière de quelqu’un ? Je nageais la brasse dans un océan de lubrifiant
.
Mon couple d’amis a commencé à se bécoter méchamment. C’était mon olifant, le signal, le coup de pistolet vers le (septième) ciel.
Mon fier destrier et moi avons donc commencé à dérouler la chorégraphie habituelle : je te touche la chibre, et en échange, tu goûtes à mon abricot.
Il est où le cucul elle est où la tétête ?
Poussée par un regain de rosé et le fait de n’avoir pas croisé la bête pendant plusieurs mois, ma langue a fini par s’introduire sans délicatesse aucune dans la première bouche du coin. À savoir, celle de ma pote du collège. Une chose était sûre : ma première expérience bisexuelle ne collectionnait plus les feuilles Diddl. Les minutes ont passé et son mec s’est joint à nous, tout comme les grandes mains musclées du mec mignon.
De deux, on passait à trois, voire quatre, aussi aléatoirement que ma bibliothèque musicale d’iTunes.
Jusqu’au moment où je n’étais même plus sûre de savoir à quelle main appartenait cet index visitant gentiment mon vestibule. S’occuper d’une seule personne c’est une chose, en gérer trois, ce n’est plus la même affaire. Aujourd’hui encore, je serai incapable de dire quelle bouche a goûté mes seins.
Nous nous sommes arrêtés aux préliminaires, quand un matelot a décidé de quitter le navire de la baise.
Back to basics
Monsieur Mignon semblait de plus en plus distrait par les gémissements de mon amie (pourtant loin de ce bon vieux hentai des familles). Il m’a alors proposé de nous isoler. C’est donc la mort dans l’âme, traînant ma carcasse nue (mais parfaitement épilée), que je me suis glissée à ses côtés dans le lit grinçant de la pièce d’à côté. D’un plan à quatre hyper décomplexé, nous passions à une bonne vieille baise à deux des familles.
Choquée et déçue.
Pas de bol pour ma poire et ma chasteté forcée, là non plus, ça ne s’est pas passé comme prévu.
Deux hypothèses :
- soit j’avais une énorme pustule sur le front
- soit mes auto-proclamés talents de pompiste avaient foutu le camp avec le peu d’entrain qu’il me restait.
Quoi qu’il en soit, malgré les tentatives pourtant prometteuses, point de tronc massif à l’arrivée de ma tyrolienne. Il ne bandait pas. Enfin, à moitié. Juste… pas assez quoi.
Prise d’une frustration intense, et poussée par une conversation très intéressante sur le BDSM avec un garçon qui cogne dans ma tête depuis quelques semaines (comme Kyo), j’ai laissé mon instinct parler : j’ai mordu le cou de mon partenaire si fort que j’ai eu le temps d’avoir peur pour ma facette toute neuve.
Doucement, la porcelaine c’est fragile.
Il m’a alors demandé si j’étais sado, très sérieusement. J’ai commencé à penser à cet autre garçon rencontré plus tôt. C’est devenu bizarre. C’est comme si tout le lubrifiant naturel à l’intérieur de moi venait de dire : « wokay, c’est mort, j’me tire tchao ». J’ai dit que c’était pas grave, qu’on pouvait arrêter.
Allez, au lit
Je me suis fait une raison : c’était pas ce soir que j’allais me faire défoncer salement par trois personnes tirant sur ma queue de cheval.
Je suis revenue dans le salon où le mec de ma copine rangeait la table basse, les fesses à l’air. C’était encore plus bizarre.
J’ai pas dormi seule cette nuit-là. Mon cavalier d’un soir m’a demandé quand je rentrais chez moi : j’ai répondu « je sais pas », j’ai pensé « le plus rapidement possible ». J’avais super mal aux genoux, ma dose de suçons dans le cou pour l’année entière, mais aucune bonne expérience à raconter à mes enfants. Je pensais à l’autre mec. Tout le temps. Bref.
La levrette la plus adorable de l’histoire de l’humanité, donc.
Morale de l’histoire : connaître la préparation par coeur, ça ne marche bien que pour faire des crêpes. Il faut toujours avoir des boules Quiès dans son portefeuille. Ah, et aussi, ne dis peut-être pas à un mec rencontré sur Internet que tu n’as pas arrêté de penser à lui lors de ta dernière partouze. Ça aussi, c’est très bizarre.
Pourtant, d’un simple fail, cette expérience m’a vachement fait réfléchir sur moi-même. En tant que personne à la sexualité dite « classique » et monogame, je n’avais jamais imaginé faire un truc pareil. Finalement, je crois que j’ai pu me lancer dans l’aventure du sexe à plusieurs car aucun sentiment n’était impliqué ici. J’ai pas encore assez confiance en moi pour imaginer une telle situation avec la personne que j’aime. Enfin, je crois.
Pourtant, à défaut de m’avoir fait grimper à des stores IKEA, cette soirée venait de me mettre un sacré boost à mon estime de moi. Et ça, je le retiendrai bien plus qu’une demi-molle.
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