Il y a quelques jours, je vous parlais de Zoé de Soyres et de sa brillante prise de parole au sujet des violences sexuelles.
J’ai été proprement époustouflée par le courage et la clarté d’esprit de cette toute jeune femme (elle a 16 ans), qui a assez de recul sur une expérience traumatisante pour en parler devant 3000 personnes.
Au-delà de son récit personnel, Zoé appelle, dans sa plaidoirie, à une prise de conscience nationale, à une meilleure éducation sexuelle, à un soutien renforcé pour les victimes…
Si vous n’avez pas vu la vidéo, la voici :
J’ai eu envie d’échanger avec Zoé, de savoir un peu qui est cette adolescente inspirante, et comment elle vit le fait que sa plaidoirie a touché des milliers de personnes.
Voici ce qu’elle m’a raconté !
Zoé de Soyres a fait un « petit » pas pour faire changer les choses
La première chose que j’ai demandé à Zoé, c’est « comment tu te sens ? ». Une question à double sens : comment tu te sens plusieurs mois après l’agression, et comment tu te sens maintenant que tu es « un peu connue ».
« J’avais essayé de me préparer en amont, mais ça reste fou de voir autant de gens regarder ma plaidoirie, m’envoyer des messages de soutien…
C’était dur, mais très important. « Ce qui ne tue pas rend plus fort », après tout.
Je me sens comme le petit colibri qui, dans la légende, se démène pour éteindre un incendie en amenant des gouttes d’eau avec son bec, même si son minuscule effort ne suffira pas : je fais ma part.
J’espère ne pas avoir fait ça pour rien. Je ne pense pas. Au final, on en parle, et j’espère que ça fait bouger les consciences. »
En effet, ce n’est pas UNE prise de parole qui suffira à mettre fin aux violences sexuelles et à la culture du viol qui les rend souvent impunies, tabou, honteuses.
Mais Zoé a raison : chaque effort compte ! Une personne ose, ça en libère une autre, comme on l’a vu avec #MeToo (#MoiAussi) : en 2018, il est impossible d’ignorer les chiffres du viol, du harcèlement, des agressions sexuelles.
Pourquoi Zoé a parlé de son agression sexuelle
Comment en arrive-t-on à monter sur scène pour parler du fait qu’on a été victime d’agression sexuelle ? Comment cette décision est-elle née ?
Zoé m’explique qu’elle a déjà tenté le Concours de Plaidoiries l’an passé, avec comme thème la dépénalisation de l’homosexualité au Maroc, mais a fini par être recalée.
Cette année, parler de culture du viol lui est apparu comme une évidence. Et pourtant, c’était avant la prise de conscience médiatique qui a découlé de l’affaire Weinstein.
« J’ai eu des doutes, car ça reste un sujet douloureux. Mais au final, ça a été plus dur de DÉCIDER de le faire que de… le faire ! »
Comment la plaidoirie de Zoé a été reçue par ses proches
Beaucoup de gens ne parlent pas des agressions qu’ils ont subies. Ou n’en parlent qu’à certaines personnes : des professionnel·les (psy, médecins…), leur conjoint·e, leurs ami·es…
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Zoé en a parlé à 3000 personnes, qui sont devenues le monde entier quand sa plaidoirie a été mise en ligne sur YouTube. Quelle réception a-t-elle reçu ?
« Les gens ne retiennent pas vraiment que j’ai gagné un concours. Ils ne retiennent que ce qui m’est arrivé. Ce n’est pas grave, ça met en avant mon message soutien aux victimes.
Au niveau de mes proches, ça a été un gros choc. La plupart des gens sont admiratifs et partagent la vidéo autour d’eux.
Dans mon lycée, la prof de français de L a même fait lire mon texte à sa classe ! Il sera également présenté au bac. Et certains élèves se sont cotisés pour me faire un cadeau collectif avec une super carte. »
Zoé est une victime, pas LA victime
Zoé insiste dans sa plaidoirie sur le fait qu’il n’y a pas de victime-type ni d’agresseur-type. De retour dans sa vie normale, elle a dû réaffirmer ce fait.
« Il y a des gens qui viennent me dire que ça leur est arrivé aussi, et me demandent conseil.
Ça me touche qu’ils me fassent confiance, mais je ne sais pas forcément plus de choses qu’eux, je ne suis pas LA victime-type. Je suis simplement une victime. »
Le tabou du viol des hommes, une prise de conscience
Parmi ces gens qui se confient à Zoé…
« Environ une quinzaine de personnes se sont confiées à moi. Parmi elles, plusieurs garçons.
Dans ma plaidoirie, je me base sur mon expérience donc je ne parle jamais des hommes. Avec le recul, j’aurais peut-être dû… car plusieurs de mes amis m’ont confié avec vécu la même chose. »
Les agressions sexuelles subies par des hommes sont encore un sujet extrêmement tabou. Pour plein de gens, c’est net : ça n’existe pas.
Pourtant, un homme aussi peut être forcé à une relation sexuelle. Et une érection n’est pas synonyme de désir, ni de consentement.
Cela dit, je comprends que Zoé ait préféré évoquer son expérience propre, ça reste le plus simple pour être sûre de ce qu’on dit !
Le message de Zoé aux victimes de violences sexuelles
J’ai demandé à Zoé ce qu’elle aimerait dire aux victimes de violences sexuelles qui n’osent pas en parler. Ce qu’elle aurait, peut-être, aimé entendre elle aussi.
« J’aimerais leur dire que même si c’est dur, même si elles ont peur de regretter, même si ça va être long et douloureux, elles devraient en parler. Parce que c’est un soulagement énorme.
J’en ai d’abord parlé à des proches, et à présent j’ai porté plainte. À mes yeux, c’est le SEUL moyen de faire changer les choses. Si tout le monde en parle, personne ne pourra plus fermer les yeux.
Je ne sais pas comment j’aurais réussi à gérer tout ça si je n’en avais pas parlé. »
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Que faire pour mieux aider les victimes de violences sexuelles ?
Dans sa plaidoirie, Zoé liste déjà des actions concrètes pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles.
Elle réclame une meilleure prise en charge des victimes, la formation de tou·tes les professionnel·les en contact avec ces dernières, des campagnes de sensibilisation en entreprise, le renforcement des cours d’éducation sexuelle au collège/lycée…
En échangeant avec moi, elle a tenu à mettre l’accent sur deux points :
« La justice met trop de temps, les gens souffrent pendant des années. Je commence tout juste à le ressentir.
Huit mois après avoir porté plainte, je n’ai aucune nouvelle, rien n’a bougé. Alors que je suis mineure, donc ça va plus vite… qu’est-ce que ça doit être pour les victimes majeures ?
Et j’insiste sur l’éducation sexuelle. J’en ai eu très peu en cours, et on a parlé que de contraception quasiment. Il faut éduquer la jeunesse au respect du corps d’autrui. »
Zoé de Soyres, 16 ans et toute la vie pour changer le monde
Zoé m’impressionne énormément.
Selon elle, sa vie est banale. Mais à 16 ans, elle cumule tout de même sa 1ère ES, sa vie personnelle, le scoutisme et son engagement dans une association d’aide aux migrant·es ! Elle vise Sciences Po pour la suite, et ça ne me surprend pas vraiment.
Elle a tenu à faire passer un dernier message :
« Je tiens à dire que je ne suis pas dans un esprit de vengeance. Je ne veux pas dénoncer mon agresseur. Je veux que lui aussi se reconstruise. »
Chaque victime vit différemment son processus de reconstruction après un viol. Certaines sont mues par la colère, par exemple, et c’est très bien ainsi. Zoé, elle, mise sur l’espoir d’un avenir meilleur, et sur le pardon.
Échanger avec Zoé m’a donné confiance en cette « jeunesse » trop souvent décriée. Tant qu’il y aura des adolescents et adolescentes aussi déterminées à faire avancer les choses, je leur laisse volontiers les rênes du futur !
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Les Commentaires
5 millions de plaintes sont classées sans suite chaque années e d'après ce qu'on m'a dit il y en a pas mal qui concernent des viols malheureusement. Je ne sais pas si ça va s'arranger, apparemment comme la justice ça revient cher et au lieu d'augmenter le budget, elle va plutôt devenir de moins en moins accessible. Je ne sais pas trop vers quel genre de pays on va être plus tard