À l’approche du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, nous avons décidé d’interroger des associations et des militantes féministes peu entendues dans le cadre de la campagne — celles qui luttent contre le validisme, défendent les droits des travailleuses du sexe ou se préoccupent du sort des Françaises musulmanes.
Elles ont pourtant des critiques à émettre sur les cinq ans de mandature d’Emmanuel Macron, mais aussi plus globalement une analyse sur la façon dont les candidats et candidates décident ou non de s’emparer de certains sujets.
Le sujet de la parentalité, aux thématiques transverses, est bien trop délaissé par les gouvernements qui se sont succédé. C’est pourtant par bien des points un aspect fondamental de la lutte des inégalités femmes/hommes, grande cause du quinquennat Macron [rires].
Nous sommes donc revenues, avec la cofondatrice de l’association Parents et Féministes, Amandine Hancewicz, sur certains points des 5 dernières années et sur les attentes (plus que légitimes) que nous avons concernant les programmes de la campagne présidentielle.
On fait le bilan, calmement, du quinquennat Macron
Avant de s’attaquer à ce que l’on aimerait voir dans le programme des candidates et candidats à propos de la famille, petit retour sur les annonces et les changements de ce quinquennat, entre timides avancées et coup de com.
Congé paternité ou co-parent
Le 1er juillet 2021, le congé paternité passait de 11 à 25 jours (fractionnables), avec 4 jours calendaires obligatoires.
C’est certes une avancée, mais elle paraît bien insuffisante. La mère est ensuite laissée seule avec son bébé, et peut être bien démunie par toutes les tâches à effectuer, parfois dans un état de fatigue intense.
La charge parentale et mentale s’organise aussi à se moment-là, et les inégalités qui apparaissent risquent de se pérenniser. De plus, l’aspect non-obligatoire fait que beaucoup de pères subissent des pressions professionnels pour ne pas prendre ce congé.
Bref, c’est déjà mieux qu’avant, mais loin d’être suffisant. Et les militantes féministes, comme Illana Weizman, n’ont pas manqué de le faire remarquer.
Selon Amandine Hancewicz, cofondatrice de l’association Parents et Féministes, cet allongement du congé paternité n’est rien de moins que de la poudre aux yeux.
« Le congé paternité, c’est pas du tout une vraie avancée. Obligation de 5 jours calendaires obligatoires et un mois possible. […]
C’est plutôt un coup de com, une manipulation des arguments féministes par Emmanuel Macron. Quand son équipe a tweeté sur son compte à propos de cette annonce, on voit un homme de dos avec un enfant qui doit avoir deux ans… Donc pas du tout un bébé, en période de congé paternité. Bonne connaissance des enfants. »
En effet, à quand un congé co-parental égal au congé maternité ?
Les mesures pour diagnostiquer les dépressions post-partum
Le gouvernement, alerté par des chiffres, par le personnel soignant — et sans doute par des livres comme celui d’Illana Weizman, Ceci est notre post-partum — a compris que les dépressions post-partum étaient un problème de société de la taille d’un iceberg. Ce mal touche en effet 10 à 30% des mères.
Un dispositif mis en place par Adrien Taquet, ministre de la Santé, prévoit un dépistage renforcé de la dépression post-partum, avec un entretien 5 semaines après l’accouchement, puis à 12 semaines pour les femmes à risques, par un professionnel de santé, à savoir un médecin traitant ou une sage-femme. Est-ce suffisant ?
Comme le dit Illana Weizman, la dépression post-partum peut survenir dans un temps bien plus long.
Selon Amandine Hancewicz, c’est un travail supplémentaire demandé aux sages-femmes, qui sont déjà surmenées. Elle doute donc de l’efficacité de ce dispositif.
« C’est de l’esbroufe, vu que les sages-femmes sont toujours en sous-effectif, et sont toujours maltraitées, malpayées.
Avec ces mauvaises conditions de travail, on se demande comment elles peuvent s’occuper correctement des femmes en post-partum. Tout repose sur elles. »
On espère donc que ces mesures porteront leurs fruits mais de sérieux doutes sont énoncés.
Le programme des « 1 000 premiers jours »
Le gouvernement veut accompagner les parents pendant les « 1000 premiers jours » de la vie des enfants, en proposant des informations sur la grossesse et la petite enfance, sur un site et une appli — nous avions d’ailleurs testé l’application 1000 premiers jours, plutôt bien fichue. C’est un premier pas, certes, mais ce n’est pas suffisant.
Chantal Birman, sage-femme féministe, protagoniste du nécessaire et bouleversant documentaire À la vie d’Aude Pépin, contactée par Madmoizelle, déplorait la présence d’une seule sage-femme cadre dans la commission des 1000 premiers jours regroupant pourtant 18 expertes et experts (médecins, chercheurs…). Ce sont en effet surtout ces professionnelles qui s’occupent des suites de couches.
Si le site Internet et l’appli peuvent apporter des informations très utiles, Amandine Hancewicz s’interroge, à juste titre, de l’utilisation genrée qui va en être faite.
« L’intention est bonne mais c’est un pansement sur une plaie bien plus profonde, comme le congé paternité et les mesures pour détecter la dépression post-partum.
Qui va continuer à s’occuper de tout cela ? Je ne sais pas s’ils ont prévu de faire des statistiques sexuées sur leur application mais ce serait intéressant. Ça fait partie des outils que vont utiliser encore des femmes.
Il faut aller à la source du problème ! C’est un problème structurel. »
Il faudrait prendre à la racine le problème de l’inégalité parentale. On voudrait une VRAIE modification du congé paternité, qui instaurerait une égalité dès les premiers mois ; un dépistage sérieux de la dépression post-partum, avec notamment des moyens donnés aux sages-femmes ; et des outils qui en plus de donner des informations incitent à une vraie égalité parentale.
Mais d’autres thématiques devraient également être mis sur la table dans les mois à venir. Les candidats vont-il finir par s’emparer du sujet fondamental que constitue la parentalité dans la lutte pour l’égalité femmes/hommes ? Quelques pistes ici.
Les sujets incontournables de la parentalité féministe
Places en crèche et modes de garde
C’est LE sujet de galères numéro un des parents. Comment faire garder ses enfants ? Les places en crèche manquent cruellement et certains parents n’ont pas les moyens de se payer d’autres modes de garde.
Le nombre de places – en crèche et chez des assistantes maternelles – est insuffisant par rapport à la demande. Selon le dernier rapport de l’Observatoire national de la petite enfance, la capacité théorique d’accueil en France, tous modes d’accueil confondus, était de 1 358 300 places en 2017, soit 58,9 places pour 100 enfants.
Professionnellement, ce problème de la garde peut être très handicapant pour les parents. Qui va en payer le prix en premier ? Les mères, qui devront alors faire face au faux choix de garder elles-mêmes leurs enfants ou de se mettre à temps partiel.
Ce problème ne date pas d’hier mais aucun politique ne semble s’en préoccuper. Quelques coups d’épée dans l’eau sous ce mandat, avec beaucoup d’effets d’annonce…
Le gouvernement avait en effet annoncé un grand plan avec la création de 30 000 nouvelles places en crèches au début de l’année 2022, alors que le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, dans un rapport en 2018, estimait à 230 000 le nombre de solutions d’accueil à créer d’ici 2022. Emmanuel Macron déclarait d’ailleurs début janvier :
« Nous pensions ouvrir 30 000 places en crèche sur le quinquennat et nous arriverons à en ouvrir moitié moins, parce que notre système est aujourd’hui tellement éclaté, tellement complexe qu’il est devenu beaucoup trop lent. »
Bien étrange justification ! Amandine Hancewicz nous explique une des raisons qui explique le manque de moyens accordés à ce problème pourtant faramineux :
« Il y a un gros souci depuis bien longtemps, depuis les années 1970. C’était des revendications des précédentes féministes mais comme ce sont toujours des hommes qui prennent les décisions, vu que ce ne sont pas eux qui s’occupent des enfants, ce n’est pas leur priorité. Souvent ils ont déjà des nounous — qui sont leurs femmes. »
En ce qui concerne ce que cela implique en termes d’égalité femmes/hommes dans le cadre professionnel, Amandine Hancewicz s’interroge sur le monde du travail dans son ensemble :
« Il faudrait avoir le droit d’accéder à l’activité professionnelle et donc à des modes de garde mais ensuite étudier dans quelle mesure le système capitaliste profiterait du fait que tous les enfants soient gardés à l’extérieur du foyer pour contraindre à des emplois difficiles et pénibles tout une catégorie de la population… On pourrait au contraire réformer le travail, pour ne pas en être esclave et mieux partager le temps entre activités professionnelles et familiales.
C’est une question difficile à trancher, il faudrait une vision politique à long terme.
À moyen terme, il faudrait des modes de garde de qualité. Le collectif Pas de bébé à la consigne dénonce les évolutions, moins de mètres carrés, plus d’enfants par professionnels. C’est de la maltraitance organisée. »
Récemment, une nouvelle législation prévoyait qu’en temps de Covid, les assistantes maternelles puissent garder deux enfants supplémentaires, on passait alors de 6 à 8 enfants (en comptant deux de leurs propres enfants).
Au lieu de créer des crèches, de valoriser des métiers essentiels et à forte responsabilité (ne dit-on pas que tout se joue avant un an ?) et de faire de ces emplois des postes attractifs, le gouvernement décide donc d’augmenter le nombre d’enfants par assistante maternelle pour répondre à une crise qui n’est pas nouvelle. Est-ce vraiment la solution que l’on attendait ?
Jean-Luc Mélenchon envisage de créer 500 000 places en crèche. Emmanuel Macron souhaite l’ouverture de 200 000 places d’accueil pour les jeunes enfants, en crèche ou chez des assistantes maternelles et prévoit d’indemniser les parents qui ne trouveraient pas de garde.
Yannick Jadot propose également 200 000 places en crèche ou auprès d’assistantes maternelles. Pour François Asselineau, ce sera 150 000 places en l’espace de 5 ans.
Des belles paroles ou de réelleses solutions qui pourraient être appliquées pour juguler (en partie) ce problème conséquent ? L’avenir nous le dira…
L’école, vecteur d’égalité ?
L’éducation, n’est-ce pas le nerf de la guerre, concernant l’égalité femmes/hommes ?
L’école semble bien démunie pour prendre ce sujet à bras-le-corps. Entre les programmes, les manuels et les professionnels qui manquent de formation dans ce domaine, Amandine Hancewicz déplore un non-respect de la Convention d’Istanbul, qui a pour ambition première de lutter contre les violences sexistes.
« On attend des ministres qu’ils respectent le Code l’éducation. Selon la Convention d’Istanbul, les supports doivent être non-sexistes et non-stéréotypés, et promouvoir la place des femmes et des hommes à égalité. Ce n’est toujours pas le cas dans les manuels scolaires.
Le centre Hubertine Auclert a sorti des chiffres effarants sur la représentation des femmes dans les manuels. C’est une catastrophe, les manuels sont sexistes.
Dans les commandes aux maisons d’édition, il faut revoir les bouquins. Ce serait pas compliqué de l’écrire dans le cahier des charges. Les femmes ne sont pas dans les bouquins d’histoire alors que maintenant on a les informations…. On n’a qu’à prendre le bouquin de Titiou Lecoq par exemple.
Pour les profs, une minorité est formée à ces questions. il y a une loi qui rend obligatoire la formation à l’égalité filles/garçons. On a des ministres qui n’appliquent pas le Code de leur propre domaine. »
Il existe aussi des mécanismes incidieux qui font qu’on ne traite pas non plus les filles et les garçons de la même manière dans le cadre scolaire.
« Il y a en effet les programmes, et toutes les interactions.
Pour prendre conscience d’où se niche le sexisme dans les interactions, on regarde ou pas un enfant quand il parle, on le relance, quand il ou elle parle de tel ou tel sujet, est-ce qu’on l’encourage ou pas tellement… Ça, on peut en prendre conscience avec une ou deux journées de formation. Et c’est une prise de conscience qu’on a pour toute la vie, c’est une sensibilité qu’on déclenche, un capteur qu’on réveille. »
En plus de l’actuelle semaine de l’égalité, qui ne semble que peu porter ses fruits, il serait donc bien de se mettre en conformité avec la Convention d’Istanbul et d’instaurer des formations obligatoires et efficaces.
Assez peu d’annonces sur le sujet d’égalité filles/garçons dans les écoles pour l’instant ; on peut noter la proposition d’Anne Hidalgo de mettre en place « des états généraux de la pédagogie
» pour ouvrir l’école « aux nouvelles pédagogies plus inclusives et collaboratives
». Reste à voir ce que cela veut dire concrètement…
Le congé parental
En première partie, nous avons détaillé l’importance d’un congé maternité et paternité équivalent, mais le possible prolongement proposé est aussi important.
C’est un temps (durant le plus souvent un an maximum) qui doit être pris dans le prolongement du congé maternité ou paternité. Le parent concerné touche 398,79 euros par mois pour un congé parental total. Comment vit-on avec cette somme ?
Beaucoup de militantes et de militants évoquent la nécessité de réformer ce congé parental. Hélène Périvier, économiste, exhorte à le repenser dans une perspective féministe, pour que les darons aussi s’en emparent — moins d’1% des pères prennent un congé parental à temps plein après la naissance de leur enfant. Il faudrait notamment mieux le rémunérer ! C’est aussi ce qu’estime Amandine Hancewicz :
« Ça dit le peu de valeur qu’on donne au travail parental et domestique, pourtant indispensable au fonctionnement d’une société. »
Valérie Pécresse souhaite une extension du congé parental qui pourrait être pris sur une durée d’un an jusqu’aux 18 ans de l’enfant pour mieux accompagner les adolescents. Qui va le prendre et va t-il être mieux rémunéré ? Cela ne semble pas prévu.
Pour Jean-Luc Mélenchon, il faudrait allonger les congés maternité et paternité et qu’ils soient de même durée. Ils pourraient alors peut-être prendre le pas sur le congé parental tel qu’il est vu actuellement.
Si certains ont déjà sorti de belles conneries – comme Zemmour qui a dit en janvier préférer accueillir les enfants handicapés dans des écoles spécialisées –, beaucoup des candidats et candidates sont encore étonnement silencieux sur ces sujets liés à la famille. Visiblement, tourner en boucle sur l’Islam et l’immigration, c’est plus vendeur…
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Image en une : © Unsplash/Tamara Govedarov
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Les Commentaires
y a aussi le fait que quand y a des manif des pro de l'enfance personne n'en parle a la TV,personne n'est au courant...
donc pour moi l'idéal:garentir une place en structure soit crèche classique,soit crèche familiale (certains parents peuvent préféré ce mode d'accueil pour leur enfants plus coconing).congé maternel et paternel a égalité jusqu'au 1ans de l'enfant comme en suède obligatoire avec de nombreuse aide et structure de soutient a coté (LAEP dans toute les villes, plus de PMI),augmenter l'allocation spécifique au parents voulant prendre un congé parental jusqu'au 3ans de l'enfant et tant qu'on y est réduction du temps de travail pour tous.En crèche faire des sections de max 12enfants avec 3-4 pro(4 d'office chez les bébé et moyen)
atelier spécifique pour les père sur la charge mental et obligation de participer au premier soin a la maternité et je vais choqué du monde mais je m'en fout si la charge mental pédiatrique laisser a la mère est trop grande le père devra faire des travaux d'intérêt général en crèche,service d'aide au mère ect...(oui le compte charge mental pédiatrique m'horrifie y a des fois ou on est sur de l'abandon de famille ou négligence faut dire les termes )
favoriser l'émergence de lieu kids friendly pour briser l'isolement des familles