Depuis quelques jours, on ne cesse d’entendre parler dans des termes négatifs des pilules de troisième et quatrième générations. Que se passe-t-il ? Faut-il les interdire ?
Mise à jour, le 31 juillet 2013 – La nouvelle est tombée hier, mardi 30 juillet : l’antiacné prescrit comme une pilule Diane 35, dont le retrait de la vente avait été annoncé en janvier avant de prendre acte en mai, sera remise sur le marché. C’est la commission européenne qui a pris cette décision et l’a imposé à la France. Toutefois, comme le note Le Monde, « une meilleure information sur ses contre-indications, pour minimiser le risque « connu de thrombo-embolie » ».
Anciennement sous Diane 35, que penses-tu de cette décision ? Es-tu soulagée, agacée d’avoir dû changer de moyens de contraception pour quelques semaines ou circonspecte quant aux risques ?
Article du 7 janvier 2013 – Si tu as récemment allumé la télé, ouvert un journal ou une page Web, il y a peu de chances pour que tu sois passée à côté du sujet brûlant du jour : les pilules de troisième et quatrième génération. Mais que s’est-il passé, pourquoi le débat a-t-il pris et faut-il les interdire ?
Tout a commencé mi-décembre lorsque Marion Barat, jeune femme de 25 ans, portait plainte contre le directeur général de Bayer Santé pour « atteinte involontaire à l’intégrité de la personne humaine », rendant responsable sa pilule de troisième génération de son accident vasculaire cérébral survenu en 2006 qui l’a handicapée à 65%. À l’époque des faits, elle prenait la pilule Meliane des laboratoires Bayer depuis 4 mois. Depuis, elle a des troubles du langage et de la mémoire. Pourtant, ce n’est que quatre ans plus tard qu’elle a compris que son accident était lié à sa pilule, lorsqu’elle a changé de gynécologue. C’est une hématologue qui, en reprenant son dossier, a fait le rapprochement. Le 14 décembre dernier, Marion Larat dépose une plainte contre les laboratoires Bayer, qui délivre la pilule Meliane. « Personne, personne, personne ne doit prendre la pilule 3e et 4e génération », déclare-t-elle aujourd’hui.
Quel est le risque avec les pilules de 3ème et de 4ème génération ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que la génération fait référence à l’évolution de la composition. Un article du Huffington Post explique clairement les différences entre les 4 générations de pilule. On y apprend que les distinctions sont les suivantes :
- Les pilules de première génération, commercialisées depuis les années 1960, contenaient une forte dose d’oestrogènes. Il n’en reste qu’une de ce type commercialisée en France, la Thriella, dont le progestatif utilisé est la noréthistérone.
- Les pilules de seconde génération ont commencé à être commercialisées dans les années 70 et 80. Des progestatifs différents sont utilisés (le lévonorgestrel ou le norgestrel), la dose d’oestrogène est moindre et les effets secondaires moins importants. Pour autant, les pilules de seconde génération comportent toujours un petit risque de thrombose veineuse avec l’embolie pulmonaire comme principale risque de complication.
- Les pilules de troisième génération, commercialisées dans les années 1990, comptent trois nouveaux progestatifs et contiennent moins d’oestrogènes. Elles sont censées réduire la prise de poids ou l’accentuation de la pilosité parfois liées à la prise de pilule, en plus d’atténuer l’acné.
- Les pilules de quatrième génération contiennent la drospirénone pour progestatif et, comme le rappelle le site, « les effets secondaires sont globalement les mêmes que ceux des pilules de troisième génération ».
(Pour savoir de quelle génération est issue votre pilule, rendez-vous sur ce lien trouvé par Minerve. (Merci à elle !)).
Mais ces effets secondaires, quels sont-ils ? Il y a peu de chances de passer à côté des risques de combiner la pilule et le tabac. On connaissait peu, jusqu’ici, les risques plus fréquents pour les pilules de troisième et quatrième génération. En effet, selon la Haute Autorité de Santé, le risque de thrombose serait deux fois plus élevé avec une pilule de troisième génération. La thrombose veineuse, plus souvent appelée phlébite, c’est la formation d’un ou plusieurs caillot-s dans le système veineux. Si la formation se trouve dans des veines superficielles, c’est sans danger. En revanche, en cas de caillot-s dans les veines profondes, les risques sont bien plus importants : s’il-s se dirige-nt vers l’artère pulmonaire et l’obstrue-nt, on appelle ça une embolie pulmonaire.
En 1995, une véritable panique à la pilule (pill scare) touchait l’Angleterre, créant une méfiance énorme vis-à-vis des pilules de troisième génération. En conséquence de quoi de nombreuses femmes avaient arrêté d’un seul coup de la prendre. Les retombées ont été flagrantes : comme le rappelle le gynécologue Sylvain Mimoun sur Le Plus, le nombre d’IVG avait augmenté de 11% chez les jeunes âgées d’entre 13 et 15 ans un an après le début de ce mouvement d’angoisse.
Pourquoi si peu d’informations ?
La médiatisation de la plainte déposée par Marion Larat a permis de mettre en avant les craintes qui concernent certaines des pilules contraceptives. Les femmes sous pilules sont depuis nombreuses à se poser certaines questions. Parmi elles : « Est-ce que j’ai été suffisamment informée ? »…
Une madmoiZelle a frôlé l’embolie pulmonaire quelques semaines après la prise d’une pilule de 4ème génération qu’on lui avait prescrite sans trop de précautions. Rapidement, elle s’est sentie physiquement mal. Elle a mis du temps à faire en sorte que les médecins qu’elle consultait prennent ses symptômes au sérieux et l’affaire aurait bien pu devenir très dangereuse, voire fatale, si elle n’avait pas eu la « chance » de passer un examen qui a prouvé qu’elle faisait une embolie pulmonaire. Remise depuis, elle a accepté de répondre à mes questions :
Comment vis-tu, avec le recul, le fait d’avoir été si peu informée au moment de la prescription par ton généraliste ?
Je trouve ça effrayant, en fait ! J’ai eu beaucoup de chance d’être prise en charge à temps par l’hôpital, mais ça aurait pu prendre un tournant dramatique. En fait, c’est surtout que certaines mesures préventives me paraissent trop simples pour ne pas les utiliser.
Un spécialiste de la santé a tourné ton problème en dérision : comment l’as-tu vécu ?
Sur le moment, je me suis sentie très bête en fait, puisque je me suis dis que j’avais fait tout un pataquès pour rien. Et puis quand il s’est avéré que c’était bien une embolie pulmonaire, j’étais presque « contente » de pouvoir leur prouver que je ne disais pas n’importe quoi, je leur en voulais un peu de ne pas m’avoir crue immédiatement. Maintenant je suis plus mesurée (et plus renseignée surtout), je sais que c’est un des diagnostics les plus difficiles à effectuer, qu’en plus je présentais peu des symptômes rencontrés normalement, donc je me rends compte que leur scepticisme était « justifié ». Ceci dit une partie des professionnels de santé que j’ai rencontré continue à minimiser la part de la pilule dans tout ça et ça, par contre, je ne comprends vraiment pas.
Comment t’es-tu sentie sur le coup, quand tu as réalisé que c’était à cause de ta pilule ?
Au début j’ai surtout été soulagée : je souffrais de ces symptômes depuis un bon mois et enfin, on trouvait la cause de mon problème. Après, surtout une bonne grosse dose d’incompréhension : pourquoi continuer à commercialiser cette pilule ? Pourquoi personne ne m’a prévenue des risques ? J’étais vraiment abasourdie de découvrir que la pilule pouvait avoir des effets aussi graves alors que je n’avais entendu parler que des problèmes liés aux hormones (prise de poids, baisse de libido …). Et pour être honnête un peu désespérée de devoir changer de contraceptif après si peu de temps.
Cette lectrice a eu de la chance : les cas tragiques liées à la pilule de 3ème ou 4ème génération sortent de l’ombre. Le 14 décembre dernier, Le Monde évoquait deux décès des suites d’une embolie pulmonaire probablement liée à la prise de la pilule (Théodora à 17 ans, Adèle à 22) et d’une pédiatre, Caroline, qui a survécu. Faut-il pour autant paniquer ? Pas selon Sylvain Mimoun qui rappelle sur Le Plus la rareté de ces drames (« on relève 3 à 4 cas sur 10 000 utilisatrices ») avant de préciser que celles qui prennent une pilule de troisième génération depuis plus de 6 mois n’ont d’après lui pas de souci à se faire (une affirmation à prendre avec des pincettes) : « Les problèmes de coagulation interviennent dans les six premiers mois suivant la prise de pilule. Elles peuvent alors continuer à prendre leur pilule », affirme-t-il. Sur son site, le Dr Marc Zaffran, qui écrit sous le pseudonyme de Martin Winckler, allonge la période à deux ans et rappelle qu’il est fortement déconseillé de prescrire une pilule de 3ème ou 4ème génération à une femme dont ce serait la première contraception :
« …la troisième précaution consiste à ne JAMAIS prescrire une pilule de 3e génération (ou de 4e génération, type Jasmine) à une jeune femme dont c’est la première contraception. […] le risque d’AVC est surtout important pendant les deux premières années d’utilisation. C’est donc chez les très jeunes femmes, qui n’ont jamais pris de pilule, que cette prescription est la plus risquée et doit être absolument bannie !!! Dans certains cas, une femme peut se trouver mieux d’une pilule de 3e génération, mais ça doit d’abord faire l’objet d’une discussion très précise pour lui expliquer les avantages et inconvénients de la méthode et la laisser déterminer par elle-même si le jeu en vaut la chandelle. »
La madmoiZelle contactée plus tôt n’est pas non plus pour l’interdiction de la pilule de troisième ou quatrième génération. Elle explique :
« Dans l’état actuel des choses, je ne suis pas pour le retrait de ces pilules du marché, tout simplement parce que les bénéfices qu’elles apportent à toutes les femmes qui ne supportent pas les 2ème génération sont trop importants. Cependant, je pense qu’il est essentiel de mettre un protocole de prescription bien plus fouillé qu’il ne l’est actuellement : d’abord, ne pas la prescrire en première pilule, et puis respecter les instructions du Ministère de la Santé : un questionnaire long et fouillé sur les antécédents notamment, une description des symptômes au préalable, et en cas de doute un dépistage des facteurs d’anticoagulation du sang (qui sont présents tout de même chez 8% des femmes). »
Quel avenir pour les pilules de 3ème et 4ème génération ?
Le 2 janvier, la ministre de la santé Marisol Touraine a décidé d’avancer de six mois le déremboursement de la pilule de 3ème génération. Dès le 31 mars prochain (la mesure n’était prévue que pour le 30 septembre), elle ne sera donc plus prise en charge. Elle a également émis le souhait que la seconde génération, qui présente deux fois moins de risques que les 3ème et 4ème génération, soit privilégiée et que les pilules de 3ème et 4ème génération ne soient plus proposées en premier choix. En parallèle l’Agence nationale de santé et du médicament (ANSM) a lancé il y a quelques jours des consultations avec ses prescripteurs afin de réduire le recours à ces contraceptifs.
La Diane 35 visée
Le 6 janvier, Le Journal du Dimanche évoquait de nouvelles craintes concernant cette fois-ci une pilule de seconde génération* : la Diane 35. Comme le rappelle l’hebdomadaire, il ne s’agit pas d’une pilule lambda : depuis sa mise sur le marché en 1987, elle est avant tout considérée comme un traitement contre l’acné et permet donc de faire d’une pierre deux coups (« je-veux-pas-plus-de-bébés-que-d’acné »). Pour le JDD, l’hématologue Jacqueline Conard explique :
« Sous Diane, le risque de thrombose est trois fois supérieur à la normale, de l’ordre de 3 à 4 sur 10.000. Il est plus élevé que pour les pilules de deuxième génération et même un peu plus, ou en tout cas du même ordre, que pour celles de la troisième. […] Il ne faut pas la prescrire en premier comme on l’a fait à tort avec celles de troisième génération mais privilégier une de deuxième génération, et la réserver à des cas très particuliers. »
*Même si Martin Winckler la décrit comme « la première pilule de troisième génération ».
Pour celles qui sont effrayées à l’idée de continuer de (ou de commencer à) prendre une pilule contraceptive : rappelez-vous que des alternatives existent, comme par exemple le stérilet (qui n’est pas réservé à celles qui ont déjà eu des enfants), ou encore l’implant. Mais surtout, parlez, posez des questions, insistez pour qu’on vous réponde et n’ayez jamais peur de déranger. La lectrice qui a subi une embolie pulmonaire rappelle :
« J’encourage toutes les filles à vraiment prendre ce protocole au sérieux et à ne pas hésiter à poser des questions à votre généraliste ou gynéco s’il ne le respecte pas. La plupart des accidents pourraient être évités de cette façon. Je n’en appelle pas à la parano générale (vraiment pas), mais c’est important de bien savoir dans quoi on s’engage. »
Car le plus important, c’est que vous soyez à l’aise avec votre moyen de contraception et que vous en discutiez avec votre médecin.
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