Affalée sur mon canapé devant M6, en tenue pilou-pilou déshabillé de soie, avec mon plaid et ma tisane, je repense aux heures glorieuses qui ont rythmé mon week-end. Quand, dans un élan de motivation ultime, j’ai traîné mon cher et tendre jusqu’au parvis du Centre Pompidou, avec ses mille milliards de kilomètres de queue (normal, on était samedi), pas pour Roy Lichtenstein, NON ! Mais pour la première rétrospective de Pierre Huyghe, dans la Galerie Sud !
« Untilled (Liegender Frauenakt) », 2012, Collection Ishikawa, Okayama, Japon — © Adagp, Paris 2013
Pierre Huyghe, artiste aux talents multiples
Alors pour faire un peu les présentations, Pierre Huyghe est un artiste, architecte, designer, vidéaste français (oui madame, rien que ça). Il a commencé sa carrière artistique à la fin des années 80 en collaborant avez de nombreux artistes de sa génération comme Xavier Veilhan, Dominique Gonzalez-Foerster, ou encore Philippe Parreno (qui aura lui aussi droit à sa petite expo au Palais de Tokyo, fin octobre).
Il a été souvent nominé et récompensé au cours de sa désormais longue carrière. Vingt ans tout de même ! (Faut pas se leurrer : pour être invité à exposer à Beaubourg, faut déjà avoir un peu de bouteille.)
En bref je ne me mouille pas trop en vous invitant à aller voir son expo : c’est un peu une valeur sûre ce monsieur !
Light Conical Intersect, Event, Paris (1996) — © Philippe Migeat – Centre Pompidou, MNAM-CCI (diffusion RMN) ; © Adagp, Paris
Pierre Huyghe et son joyeux bordel
Cela dit, le seul écho que j’en avais était un « Pfff… Pierre Huyghe c’est un sacré bordel quand même » (dixit ma boss) pas franchement engageant. Faisant fi de sa précieuse critique, j’y suis allée, pour constater par moi-même. Et en effet, elle n’avait pas tout à fait tort : cette expo c’est un TRÈS TRÈS chouette bordel !
Il y en a partout ! L’espace est saturé d’objets, de vidéos projetées aux murs, de photos éparses, de sculptures énormes, de sons différents, d’odeurs et de bêtes de tous poils, voir même sans poil du tout. Un plafond est transformé en terrain de jeu lumineux que les spectateurs contrôlent à distance, avec des manettes. Une patinoire est installée au fond de la salle, un peu plus loin un énorme tas de sable rose fluo a été déversé sans qu’on comprenne trop pourquoi…
Capture de la vidéo de présentation — © Pierre Huyghe studio – Adagp, Paris 2013
Ça chante, ça crie, ça parle! De la conférence théorique enregistrée à Kate Bush qui s’époumone, Pierre Huyghe s’en fout, il brasse allègrement tous les codes intellectuels, artistiques et populaires. C’est un peu comme chez McDo, « venez comme vous êtes » : de toute façon il y en aura pour tout le monde.
Pierre Huyghe nous égare, et c’est cool
Mais alors, « comment on s’y retrouve dans tout ça ? », me direz-vous… Eh bien on s’y perd et c’est précisément ça qui est agréable !
Parce qu’en plus d’en avoir foutu partout, Pierre Huyghe a créé une scénographie un chouïa tordue à base d’impasses, de petits couloirs et d’entrées dérobées. Il n’y a pas de circuits tout tracé comme chez Ikea (ou comme dans l’expo de Lichtenstein d’à côté).
Capture de la vidéo de présentation — © Pierre Huyghe studio – Adagp, Paris 2013
C’est au spectateur de déambuler, de fouiller, pour découvrir les différentes œuvres disséminées ça et là. Pas une chasse au trésor… mais presque. D’ailleurs quand j’en parle autour de moi, je réalise qu’on a pas tous vu la même exposition, selon ce que l’on a plus ou moins remarqué dans ce charmant foutoir.
Des sujets graves enrobés dans de l’art
Pierre Huygue regarde chaque chose comme étant potentiellement porteuse d’une histoire, d’un récit qu’il va pouvoir s’approprier. Au travers de ses œuvres, il nous parle de faits d’actualités, de vrais trucs complexes, de choses graves… Mais sans jamais se prendre trop au sérieux non plus.
Il ne dénonce pas, il constate et se contente de raconter. Et des histoires, Pierre Huyghe en connaît beaucoup ! Il y a celle de la femme qui faisait la voix française de Blanche-Neige et a été bien arnarquée par les studios Disney, celle de John Wotjtowicz qui braqua une banque de Brooklyn en 1972, ou encore le sacre de Bokassa 1er…
Capture de la vidéo de présentation — © Pierre Huyghe studio – Adagp, Paris 2013
Mais tout ça nous est retranscrit au travers de dessins animés, de spectacles de marionnettes, de scènes de théâtre ou de personnages virtuels. Si bien qu’il devient difficile de discerner le réel de la fiction. Et cette confusion s’étend à la Galerie Sud toute entière.
Rêve ou réalité ? Quand l’art s’invite à nos côtés
Pierre Huyghe va jusqu’à nous mettre en garde, en nous rappelant qu’une salle d’exposition en elle-même est un décor, qui a accueilli d’autres spectacles, d’autres expos avant la sienne. Comme avec l’oeuvre Timekeeper : un trou creusé dans le mur nous montre les différentes strates de peintures laissées par les précédentes expositions.
Alors, si la Galerie Sud est un théâtre, en y pénétrant, nous devenons des acteurs à part entière. Le spectacle ne se joue pas devant nous, mais avec nous !
D’ailleurs, j’ai un exemple très concret pour illustrer mon propos : alors que j’étais gentiment installée devant une vidéo montrant un chien blanc, squelettique, avec une patte rose, mener sa vie de chien, pendant la nuit, dans un lieu public… J’ai entendu renifler à côté de moi, ET LÀ ! Je vous le donne en mille ! Le même chien, celui de la vidéo, avec la patte peinte en rose, qui se baladait dans les salles.
C’était un peu comme regarder Secrets d’Histoire avec Stéphane Berne assis à côté de moi sur le canapé (bon, j’en rajoute peut-être un peu là).
Capture de la vidéo de présentation — © Pierre Huyghe studio – Adagp, Paris 2013
Tout ça pour dire que Pierre Huyghe est un mec drôle, un poil manipulateur, qui joue entre réalité et fiction jusqu’à ce que vous ne sachiez plus trop faire la différence entre ce qui est du lard et ce qui est du cochon !
Quoi qu’il en soit, courez-y, car c’est une exposition étonnante comme on a peu l’occasion d’en voir. Et puis si vous n’y comprenez rien vous pourrez toujours y retourner, encore et encore et encore, jusqu’au 6 janvier 2014 ! Les tarifs et la billetterie sont sur le site du Centre Pompidou.
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Les Commentaires
Faudrait plus d'articles comme ça, découvrir des expos originales avec des scénographies qui changent c'est quand même chouette!