Publié en roman feuilleton dans La nouvelle revue du 1er décembre 1887 au 1er janvier 1888, Pierre et Jean de Maupassant est une œuvre relativement courte, entre roman et nouvelle, où le thème de la famille est à l’honneur.
« Zut ! » est le premier mot du roman qui nous plonge immédiatement dans le cours de l’action.
Une partie de pêche a lieu entre le père Roland et ses fils : Jean, 25 ans à bâbord et Pierre, son aîné de 5 ans à tribord. Mme Roland, la mère, est également présente dans la barque, ainsi que Mme Rosémilly, future épouse de Jean. Déjà tous dans le même bateau.
Les protagonistes nous sont présentés discrètement par un narrateur omniscient. Maupassant insiste sur l’illusion du réel et nous offre beaucoup d’informations sans en avoir l’air. La logique qui régit les personnages est donc rapidement mise en place.
Héritage et rivalité entre frères
Dès la première scène, il semble évident qu’une certaine compétition anime les deux frères que tout semble opposer : l’un est blond, l’autre brun ; l’un est avocat, l’autre médecin ; l’un est tendre tandis, l’autre plus véhément.
"L’autre", Pierre, rapidement mis à l’écart, développe un nouvel aspect de sa personnalité qui ne fait que creuser le fossé existant entre lui et son frère. Parallèlement, Jean se démarque petit à petit mais toujours en contretemps par rapport à Pierre, comme s’ils ne pouvaient occuper le devant de la scène en même temps. L’un doit irrémédiablement "éjecter" l’autre pour devenir le personnage principal de ce roman familial.
Pourtant, comme par un jeu de miroir, les frères semblent être le reflet l’un de l’autre.
C’est le jour où Jean reçoit un lègue que la logique de la famille est bouleversée, et notamment cette complexe relation fraternelle.
Jean va alors disposer d’un conséquent héritage, pas son frère. L’héritier ne connaît pourtant presque pas son donateur, un lointain ami de la famille. Plus précisément un lointain ami de Mme Roland.
Dès lors, le frère laissé pour compte ne va plus chercher qu’une chose : comprendre la raison qui a pu pousser cet homme à léguer sa fortune uniquement à son frère.
La scène de pêche relativement calme du début contraste avec la tempête qui va désormais animer la suite des évènements.
De jalousie en réflexion, jusqu’à presque en perdre la raison, Pierre ne lâche pas le morceau et parvient à dénouer un nœud qui semblait inextricable. Pour le meilleur ou pour le pire.
Une oeuvre "réaliste"
Maupassant aurait brodé cette "nouvelle" autour d’un article de journal relatant une histoire sensiblement similaire.
Certains font également le rapprochement avec sa propre histoire familiale. En effet, sa mère était la sœur d’un ami de Flaubert. Certains ont pu penser qu’il était le fils de celui-ci. Il avait également un jeune frère et ses parents étaient séparés.
Quoiqu’il en soit, Pierre et Jean reste une œuvre intéressante pour la complexité des rapports familiaux qu’elle met en scène, ainsi que pour la plume de l’auteur qui parvient à nous peindre le tableau de façon extrêmement réaliste. Réaliste comme le courant littéraire du même nom qui l’anime alors.
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