Parfois, Mère Nature, en infligeant aux plus âgé-e-s d’entre nous la perte de leurs dents, nous rend un sacré service. Si la plupart des ancien-ne-s de ta connaissance sont adorables, certain-e-s aigri-e-s devant l’Éternel devraient perdre le droit de parler pour le restant de leurs jours.
Parce qu’on s’est tou-te-s faites troller un jour ou l’autre par quelque septuagénaire mal embouché, voici quelques petites idées de répliques aux phrases reloues des anciens les plus courantes.
« La musique aujourd’hui, c’est de la merde »
Qui te parle ? Gérard, l’ami-de-la-famille qui squatte tous les repas du dimanche depuis la chute du mur de Berlin.
Mais pourquoi ? Gérard n’a toujours pas digéré la séparation des Beatles, ni les innombrables défaites de la France à l’Eurovision, ni le changement de millénaire. Il a tout vu, tout vécu, tout entendu : d’ailleurs, il raconte avoir bénéficié des privautés de John Lennon.
Réplique envisageable : Cette vidéo, qui prouve à tous les nostalgiques des cantiques d’antan que la musique de merde ne connaît ni âge, ni frontières.
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« Ah, tu ne connais pas le nom du chien de René Coty ? Ces jeunes n’ont aucune culture, vraiment »
Qui te parle ? Ta grand-mère, celle qui cause de la guerre 14-18 comme si elle l’avait vécue alors qu’elle est née au début des années 50.
Mais pourquoi ? Entre deux verveines et trois rediffusions de Columbo, ta grand-mère aime à distiller son mépris de la génération actuelle, cette cohorte de cancrelats qui se vautre dans la fange et dans le stupre (rapport au Gangnam Style, qu’elle a interprété comme une version chorégraphique du Kama Sutra).
Comme elle pense avoir une culture encyclopédique (rapport au fait qu’elle regarde Questions pour un champion tous les jours), elle adore étaler sa science en te posant des questions improbables, auxquelles elle te donne les réponses d’un air suffisant. Tu as envie de lui faire bouffer son Télé Z, mais c’est interdit par la loi : le monde est injuste, la vie est une chienne.
Réplique envisageable : « N’est-il pas facile d’être fort en histoire quand on l’a vécue ? »
Hubert Bonisseur de la Bath cautionne ce paragraphe
« Tu ne connais pas ce célèbre film ouzbek des années 70 ? Ah mais tu ne connais rien, en fait »
Qui te parle ? Gertrude, cette voisine que tu crains toujours de croiser dans l’escalier parce qu’elle ne peut s’empêcher de te parler de sujets passionnants (déshydratation de son ficus, diahrrrée de son chat, résistance de ses couches confiance, etc.) en t’aspergeant de son haleine fétide.
Mais pourquoi ?
Gertrude n’a pas d’amis. Son mari est mort. Ses enfants se sont cassés aux Maldives. Son chat a des problèmes intestinaux. Pour oublier la misère affective de son quotidien, Gertrude regarde Arte du soir au matin, et adore citer des noms de réalisateurs garnis de trente consonnes. Elle est comme ça.
Réplique envisageable : « Et toi, tu as entendu parler de Booba ? C’est un grand poète du XXIème siècle, tout ce qu’il y a de plus cautionné par l’académie française. Sérieux, même ma petite cousine de 13 ans connaît ses oeuvres par coeur – c’est dire. »
« Nous, à notre époque, on avait de vrais combats »
Qui te parle ? Hubert, ce fringant bonhomme grisonnant qui se prend pour un intellectuel parce qu’il a lu Sartre un soir de pleine lune. Dès que tu le croises, il te regarde d’un air méprisant et se lance dans un long monologue sur cette-jeunesse-mollassonne-pas-foutue-de-renverser-un-gouvernement.
Mais pourquoi ? Hubert a fait mai 68. Hubert le raconte à tous les repas de famille. Hubert prétend avoir été le meilleur ami de Daniel Cohn Bendit. Hubert ne perd pas une occasion de montrer à tout le monde sa cicatrice d’appendicite, en prétendant qu’elle vient d’un matraquage policier. Mais ce qu’Hubert ne sait pas, c’est que tout le monde connaît sa date de naissance — et donc le fait qu’il avait douze ans lors des événements.
Réplique envisageable : « Moi ? J’ai fait le CPE. Et le RLU. REP A SA VIEUX. »
« À mon époque, on s’habillait mieux. »
Qui te parle ? Ton oncle Jean-Quelque-Chose, celui qui porte le même pull à carreaux verts depuis 1978 et qui dégage dans son sillage une odeur lancinante de naphtaline et de moisi.
Mais pourquoi ? Jean-Quelque-Chose est de ces personnes qui rejettent en bloc tout changement, fût-il minime. Ce grand nostalgique garde un exemplaire de TOUT ce qu’il consomme — ainsi, son appartement est un véritable musée où l’on peut trouver du P.Q fait en Allemagne de l’Est et des paquets de biscuits datant des années 60. Pour Jean-Quelque-Chose, l’évolution de la mode est une hérésie : d’ailleurs, il vendrait son bras droit pour que cesse la commercialisation des baskets à talons. A-t-il raison ? L’histoire le dira.
Réplique envisageable : Parfois, le choc des photos est plus fort que le poids des mots. Aussi, tu pourras rappeler à Jean-Quelque-Chose que quelqu’un qui a porté ça…
…ou encore CE TRUC…
…ou même ces CHOSES…
… ne devrait plus avoir le droit de commenter la tenue vestimentaire de quiconque. JAMAIS.
Et toi, quelles sont les phrases-de-vieux qui te donnent envie d’aller faire un tour chez Damart avec un t-shirt estampillé La-Vieillesse-Est-Un-Naufrage ? Raconte-nous tout.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Je me rappelle d'un copain, 34 ans au compteur, qui s'était fait une crise de "mais pour qui il se prend, ce p'tit con!" quand un gamin dudit âge avait voulu le taxer d'une clope. Ça s'était terminé en distribution de baffes (qu'est-ce qu'il disait, l'autre, avec la violence éducative encore?) parce que dans les quartiers, on ne rigole pas avec le respect dû aux anciens (musclés ou armés). Moi j'étais morte de rire et je lui ai rappelé qu'à 34 ans, il faisait quand même deux fois l'âge du p'tit con malpoli.
Disons que l'âge permet, pour certains, de prendre ses distances par rapport aux bourrages de crânes qu'on nos assène à longueur de temps histoire de nous vendre qui un tee-shirt, qui une religion.
Pour le reste, la seule chose qui me désole, c'est l'effondrement de l'orthographe: c'est quand même achement pratique d'avoir une langue qu'on ne doit pas lire à haute voix pour la comprendre. Pis, c'est une chose qu'on ne voit quasi pas dans les autres pays, comme ces argots à la française qui, perso, m'ont toujours pompé le neurone.
Ceci pour clôturer mon quart d'heure mamie :-)