Merci mille fois à toutes les personnes qui ont témoigné : je n’ai pas pu citer tout le monde, mais je vous ai tou-te-s lus et ça m’a beaucoup aidé !
Il y a quelques semaines, le Fappening bousculait l’Internet : des téléphones de stars avaient été piratés et des photos à caractère sexuel ont été dévoilées à la face du monde par un hacker.
À cette occasion, on en a appelé à nos lectrices et lecteurs pour essayer de comprendre nos comportements face aux sexpics : pourquoi on en fait, pourquoi on n’en fait pas, comment réagit-on quand on en reçoit, ou qu’on en voit et puis, bien sûr, pourquoi est-ce que la plupart du temps, les photos montrant des femmes célèbres faisaient vraiment beaucoup plus parler d’elles ?
Globalement, ce dont nous a fait prendre conscience le Fappening, c’est du caractère récent de cette habitude et de la friabilité de la sécurité. Parce que, certes, nous pauvres anonymes ne sommes pas concerné-e-s par des hackers en quête de clichés compromettant montrant des stars. Mais tout de même : ça rappelle qu’aujourd’hui, plus que jamais, il reste souvent quelque part une trace des photos que l’on prend avec nos smartphones.
Pourquoi envoyer des sexpics
Mais alors qu’est-ce qui incite les gens à envoyer des photos à caractère sexuel à une de leurs conquêtes ou leurs conquêtes du moment ? Qu’ils s’agissent de gens avec qui on entretient une relation sur plusieurs plans, ou des plans purement sexuels. Ça fait partie d’une sorte de jeu, de parades amoureuses et/ou sexuelles, une possibilité de séduire supplémentaire… Erwan, par exemple, aime bien en envoyer à ses partenaires ou à ses « plans-fesses », comme il dit si bien, et aime tout autant en recevoir, même avant la rencontre physique avec les principaux intéressés :
« J’ai des partenaires sexuels différents assez fréquemment et l’échange (c’est toujours sur un principe d’échange) de photos sexy est une étape courante et consentie avant la rencontre (dans le cas de rencontres par sites internet). Le côté je check la marchandise avant de la consommer me gêne toujours un peu mais c’est tout à fait compréhensible. J’aime en général avoir des photos du visage, du corps en général. Mais pas de zooms sans intérêt ni contexte sur le torse, le pénis ou les fesses, parce que personnellement ça ne m’excite pas. »
Dans ce cas particulier, il s’agit donc principalement d’excitation associée à une constatation d’attirance à but sexuel, mais d’autres aiment également en envoyer à leur moitié. Pour cause de relations à distance, mais pas toujours…
Les personnes qui aiment envoyer des photos de nu ont-ils plutôt tendance à envoyer des clichés « mis en scène » de leur corps magnifié et/ou dans sa globalité, de parties du corps subtilement sexuel ? Eh bien pour vous en tout cas, c’est pas tranché-tranché. Certains et certaines ont été formel-le-s dans leur témoignage : les gros plans sur l’appareil génital, ce n’est pas toujours leur tasse de thé, comme Richard :
« En général, je préfère de loin une photo artistique qui met en valeur la beauté du corps dans sa globalité. Si un vagin est excitant, ce n’est pas non plus joli au sens premier. Je préfère de loin aller sur Bonjourmadame.com que sur you**** (je ne prétends pas non plus ne jamais aller sur des sites pornos, ce n’est juste pas une priorité). »
Ou bien Marine*, qui a une légère préférence pour une photo de son partenaire « dans sa globalité ».
« J’aime [recevoir] les deux, je préfère recevoir les photos de mon partenaire dans sa globalité quand même en majorité car je le trouve beau et donc j’ai envie d’en voir le maximum, mais j’aime bien aussi voir « l’effet » que je peux procurer. Généralement je préfère en plus petite dose pour ce genre de photo. »
D’autres aiment bien les deux, mais pas au même moment… Tout dépend du contexte, de l’effet qu’on cherche à faire dans le slip/la culotte de l’autre. Lucie explique :
« En fait ça dépend surtout de mon niveau de flemme et du temps disponible: par exemple, si je suis chez mes parents et que donc on risque à tout moment de m’appeler je vais envoyer vite fait un gros plan parce que ça marche toujours, sinon j’aime quand même mieux faire un petit effort de mise en scène. »
Pour Lou, en revanche, une photo de parties ne l’enchante guère…
« Une photo de ses attributs sexuels me choquerait plus qu’elle me ferait plaisir. Ce serait comme essayer de faire l’amour sans même passer par les étapes où on se cherche, et les préliminaires. Il pourrait m’envoyer une photo de lui en train de faire pipi, ça me ferait le même effet. »
Les avis divergent (vergent) tellement que, comme pour tout ce qui concerne la sexualité, on comprend l’intérêt de la communication : certains recevraient une photo de vagin ou de pénis avec beaucoup de plaisir et d’excitation, d’autres trouveraient ça drôle, d’autres n’en auraient rien à péter, d’autres seraient choqués… Les sextos, finalement, c’est encore mieux quand on se met d’accord avec le partenaire.
Se dévoiler en photo, ok, mais… y a-t-il des précautions à prendre ? En réfléchissant bien, j’ai toujours envoyé soit des photos avec des parties de mon corps nu, mais sans ma tête, soit ma tête en mode chagasse, mais sans partie du corps nu.
Une amie a une autre technique : n’envoyer que des photos à teneur sexoche qu’à ses partenaires qui lui ont déjà envoyé des photos de ce genre, pour avoir un moyen de répondre à d’éventuelles menaces futures de dévoiler les siennes par un « j’te rappelle que je peux faire pareil ».
Chacun a sa technique (enfin, chacun qui a un peu peur de la vie qu’auront ces photos une fois envoyées). Erwan fait depuis quelques temps preuve de « prudence », ou du moins n’envoie pas forcément les mêmes choses selon les personnes :
« Ce sont souvent des photos assez variées : sexe, corps nu, avec ou sans visage (c’est un détail assez important finalement, ça m’a déjà causé quelques ennuis alors maintenant je me méfie et en fonction du destinataire, je n’envoie pas de photos où l’on distingue parties intimes et visage en même temps). »
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Pourquoi ne pas envoyer de sexpics
Crainte de potentielles représailles d’ex vengeurs ou vengeuses, ou de prêter notre téléphone à un pote qui s’amuse à regarder les photos, on doit parfois trouver quelques subterfuges pour s’assurer d’être à l’aise avec ces envois… Et ces peurs-là font justement partie des arguments des non-envoyeurs de sexpics.
Car même quand on assume nos corps et nos envois de photos de nu dans un contexte souvent sextuel (envoyer des textos à caractère sexuel), ça ne signifie pas qu’on accepterait que ces photos soient vues par d’autres personnes. Une photo à caractère sexuel est envoyé à/aux destinataire-s de notre choix. Si elle est vue par d’autres personnes à qui on n’a pas choisi de les envoyer, c’est de la violation d’intimité (qu’on soit connu ou anonyme n’y change rien : c’est de la violation d’intimité).
Léa* a choisi de ne pas envoyer de sexpics, pour plusieurs raisons : la peur qu’ils tournent (comme elle a déjà vu se produire pour d’autres) :
« Je n’en envoie pas, parce que depuis que je suis au collège, j’ai toujours entendu parlé de personnes qui avaient fait tourner des photos de filles nues ou qui se trouvaient dans des situations gênantes (une fois rendues publiques, en tout cas).
[…] Du coup, à cause de ces histoires, je n’ai jamais fait confiance à mes petits copains concernant la prise de photos dans l’intimité et ça devient encore pire avec les nouvelles technologies, surtout à cause de ce foutu “Cloud” dont personne ne comprend le fonctionnement et de tous les sites comme Facebook qui conservent les informations de ses utilisateurs sans qu’on puisse les supprimer définitivement. »
Spencer n’était pas prête à voir l’engin de Michel en photo.
Fabien n’a jamais envoyé de
selfie nu de lui non plus :
« Cela ne m’est jamais arrivé et je doute que cela se fasse parce qu’à l’heure actuelle j’estime qu’on est jamais sûre à 100% que la relation soit éternel et je n’ai pas envie que dans une envie de vengeance, une femme utilise ces photos. Sans parler de cela, un accident est vite arrivé (une tierce personne fouille le téléphone, envoi par erreur). »
Pour d’autres, la raison de leur absence d’envoi de selfie-nu est plus pragmatique, dirons-nous : il/elle n’en ressente pas le besoin actuellement dans leur relation, à l’image de Carine* qui voit assez souvent son partenaire mais n’a pour autant pas de problème avec l’idée :
« Non, je vois mon copain assez régulièrement. De ce fait je ne vois pas l’intérêt de lui envoyer en photo ce qu’il connait déjà par coeur, et qu’il reverra dans, tout au plus, deux jours. En revanche je n’exclue pas cette éventualité pour une relation à distance.
Dans le cadre de mes études je serai certainement amenée à partir à l’étranger et dans cette configuration, la possibilité d’envoyer des photos de moi nue à mon partenaire est envisageable. Pour moi c’est une manière de garder allumée « la flamme de la passion éternelle ».
Pourquoi regarder celles des célébrités ?
Les photos de nu de célébrités piratées ne nous sont pas destinés (en tout cas, pas dans mon cas, mais après peut-être que tu connais très intimement Chris Evans ou Scarlett Johansson, j’en sais rien).
Parfois, un sexto avec son/sa partenaire nu-e est excitant parce qu’on sait qu’il nous est destiné à nous et rien qu’à nous. Alors pourquoi regarder un truc qu’elles ont envoyé à quelqu’un d’intime ?
Certaines des personnes qui ont témoigné penchent plus pour l’explication de la curiosité. C’est en tout cas le cas, entre autres, de Chimene*, bien qu’elle concède avoir été gênée :
« Les fois où je suis allée voir des photos de ce style c’était sans distinction de genre je pense mais pour un homme de toute façon c’est vraiment plus rare de tomber dessus.
En y réfléchissant je pense que je suis moins gênée de voir des photos d’hommes. Peut-être que je m’identifie plus aux femmes ou simplement que j’ai moins l’impression que c’est dégradant pour un homme, on le juge moins à mon avis, tout ça fait que pour la célébrité de sexe masculin, je suis moins gênée de les regarder. Cependant ma curiosité est la même envers les deux sexes. »
Carine* n’a jamais regardé de photos de célébrités nues dévoilées à leur insu. Pourtant, elle est convaincue qu’elle aurait plutôt tendance à regarder celles montrant des femmes. Rapport à la curiosité, et parce qu’elle pense qu’elle se comparerait…
« Je pense que j’ai une curiosité plus accrue envers les photos de femme, même si je ne regarde pas les photos. Premièrement parce que ce sont de ces photos que l’on entend le plus parler, et puis j’ai un regard plus critique sur le corps d’une femme, notamment vis-à-vis de mon propre corps. Si je regardais ces photos, je passerai mon temps à comparer le corps de la personne avec le mien. »
Mais il y a aussi le côté fascinant qu’on peut éprouver pour des stars. C’est par exemple ce qu’il s’est passé pour Sébastien, avec une actrice célèbre :
« Les rares fois où ça [regarder des photos de nu de célébrité] m’est arrivé, ça a été lorsque que j’ai été fasciné par une actrice à tel point que j’ai envie d’en savoir le plus possible sur elle. »
Et il est vrai qu’il n’y a rien de plus intime et qui donne, j’imagine, plus l’impression de connaître une star en profondeur que des photos qu’elle destinait à son/sa partenaire sexuel-le.
C’est bien pour ça que c’est une violation de l’intimité de la part du hacker (et à moindre échelle de la part de ceux qui regardent les photos) que de les avoir dévoilées. Loin de la fascination, Agnès explique l’intérêt pour ce genre de photos par une sorte de désacralisation des stars : on réalise qu’elles sont sexuées, qu’elles sont comme nous, même si leur quotidien a l’air un peu plus pailleté que le nôtre :
« Je pense que l’idée de voir une star nue désacralise son image et la fait redevenir une personne normale qui, comme nous, envoie des photos persos, loin des poses habituelles des tapis rouges. On est presque rassuré de voir qu’à eux aussi il arrive des merdes (se faire voler des photos). »
Mais pourquoi est-ce qu’on (« on » comme « le monde », pas comme « nous personnellement ») fait tout un flan des photos qui fuitent de femmes connues et beaucoup moins de celles des hommes, même s’ils sont tout aussi connus ?
Doit-on y voir du sexisme ? Les selfies de mec à poil ont plutôt tendance à passer pour un truc potache quand elles commencent à tourner (surtout dans le cadre du collège ou du lycée), les selfies de filles à poil les cataloguent plus souvent dans le rang des filles libérées (et sera souvent associée à des noms d’oiseaux).
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Ce qui ne devrait poser de problème À PERSONNE. Mais il n’y a qu’à voir le nombre de gens qui jugeaient Jennifer Lawrence pour avoir pris et envoyé les sexpics, comme si ça les regardait qu’elle ne soit pas uniquement la fille bosseuse et rigolote qu’elle est à l’écran ou en interview. Léa* résume bien ce contraste dans la perception des photos de nu :
« Je pense que ce genre de problèmes résulte malheureusement de la société sexiste dans laquelle nous sommes. Un mec qui montre une photo de son zizi à ses potes c’est marrant, un mec qui montre une photo de lui à poil à des filles c’est marrant, mais une fille qu’on voit nue sur une photo, c’est une salope. Et ça c’est pas normal. »
Non, ça ne l’est pas, normal. Personne n’a plus ou moins le droit que quelqu’un d’autre de se montrer nu à qui il/elle a envie.
Et personne ne devrait être montré nu à quelqu’un à qui il n’a pas choisi de se montrer nu, non plus.
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*Le prénom a été modifié
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