On reproche beaucoup de trucs à Internet : d’être un nid à trolls, de rassembler des gens aux idées nauséabondes, de chercher à tout monétiser (big up à Facebook qui ne vous montre plus les publications madmoiZelle)… Dans un article très intéressant (mais un peu long : prenez une chaise ou profitez de votre trajet dans les transports), Rue89 a interrogé Antonio Casilli, enseignant en sociologie à Télécom Paris-Tech, sur la questions suivante : « Peut-on encore aimer Internet ? » — malgré tout, malgré ou pour les changements qu’il amène dans le quotidien. Et la réponse est oui.
En fait, les reproches qui sont faits à Internet aujourd’hui ne datent pas d’hier. Selon le chercheur, ils ont au moins 15 ans ! Par exemple, Antonio Casilli explique :
« En sociologie de l’Internet, on se pose depuis longtemps une question à laquelle on ne trouve pas de réponse cohérente : Internet nous enferme-t-il dans nos croyances ou nous ouvre-t-il à l’autre en nous exposant à une variété d’expériences et de trajectoires de vie qui nous enrichit ? »
En gros, est-ce qu’Internet ne fait que nous rapprocher des gens qui ont les mêmes opinions que nous (via des forums, des réseaux sociaux, des algorithmes), ou au contraire, nous permet de nous confronter à des personnes que l’on aurait jamais rencontrées sans lui ? Sans doute un peu les deux !
(Et pour le vérifier, il suffit de vous inscrire sur notre merveilleux forum)
Le Web n’est peut-être pas un lieu parfaitement démocratique, mais il a ouvert la fenêtre au débat :
« C’est un peu grâce à Internet si on considère comme souhaitable l’« empowerement » citoyen, la transparence, l’ouverture des données, la rupture d’équilibres hérités du 19ème siècle »
Le chercheur parle aussi de l’importance des commentaires, qui selon lui sont encore trop considérés comme « à part » de l’article : au lieu d’attendre l’approbation ou la critique des lecteurs, ne faudrait-il pas envisager une autre moyen de leur permettre de s’exprimer ? Parce que leur avis n’est pas sans intérêt :
« Même les commentaires méchants contiennent parfois des graines d’enrichissement ou de changement de perspective qu’il ne faut pas sous-estimer. »
D’ailleurs, selon Antonio Casilli, Internet ne détruit pas la communication : celle-ci prend juste d’autres formes, comme le like, le poke ou le tweet, que l’on apprend à maîtriser. Toutes les critiques que l’on peut faire à Internet ne sont pas injustifiées, bien sûr : le chercheur évoque d’ailleurs le problème de la surveillance, ou encore l’économie du partage (type Uber ou Airbnb), qui n’est en fait pas si utopique et équitable qu’elle en a l’air.
Pour autant, Antonio Casilli considère qu’on peut penser l’évolution de l’Internet de manière positive, et mettre en avant les petites initiatives, le « […] foisonnement de petites choses très intéressantes. Et je ne parle que de ce que je connais, qui est minuscule par rapport à ce qui existe ».
Antonio Casilli : Peut-on encore aimer Internet ?
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