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Peut-on discuter du sommeil de nos enfants entre parents, sans se taper dessus ?

Un dîner entre amis peut rapidement tourner au vinaigre quand vient le moment de parler du sommeil des enfants. Pourquoi ce sujet est-il si crispant pour les jeunes parents ? Est-il possible d’échanger sereinement sur le sommeil de ses enfants ?

Nombreux sont les jeunes parents qui comptent leurs heures de sommeil nocturne sur les doigts d’une seule main, entrecoupées de plusieurs réveils de leur progéniture. La fatigue accumulée par la privation de sommeil affecte négativement tous les domaines de la vie, et plus cela dure, plus le sujet devient crispant. Peut-on, alors, écouter d’autres parents se réjouir des bonnes nuits de leur bébé, sans avoir envie de leur faire manger une couche sale ?

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Un sujet de tension pour les jeunes parents

Pourquoi le sommeil des enfants est-il autant sujet à tensions ?

« Le manque de sommeil c’est une torture, au sens propre du terme. La souffrance, forcément ça crispe ! » explique Manon Berteraut, consultante sommeil 0-5 ans (@premierecouche sur Instagram). « Et c’est un cercle vicieux, la fatigue entraîne l’impatience, le manque de discernement, l’absence d’empathie et de recul, la colère, la lassitude, des idées plus ou moins noires, etc. Alors quand on ne dort que par tranche de 45 minutes depuis 3 ans et qu’on lit qu’un autre parent est fatigué parce que son bébé de 2 mois s’est réveillé une vingtaine de minutes cette nuit, il y a de quoi rire jaune. »

Faut-il, pour autant, faire une gradation du malheur, dans cet univers de nuits fractionnées ? « En soi, tout parent est légitime dans sa fatigue, un bébé ce n’est pas que les nuits. Mais pour s’en rendre compte, il faut retrouver son discernement, sa capacité à prendre du recul et son empathie. Et ça, quand on manque de sommeil, c’est impossible. »

Des parents pour qui le sujet est à éviter, même des années après

Pour Sarah, le sujet du sommeil est sensible, et même si son fils dort aujourd’hui mieux, « ça reste un trigger. Mais c’est fragile, une mauvaise nuit et je suis de nouveau très sensible. Avec ma meilleure amie, par exemple, on peut parler de tout sauf du sommeil de nos enfants, parce que sa fille dormait très bien, elle sait qu’il faut éviter le sujet. » Elle choisit donc à qui elle en parle, « et même avec les parents qui ont des enfants qui ne dorment pas, ça tourne souvent au concours de « qui est le pire », je préfère donc ne pas en parler ».

Laure choisit également de ne jamais aborder le sujet elle-même, tant il la tend :

« Si on me parle d’un enfant qui dort bien, je me ferme. Je ne parle sincèrement de cela que si je tombe sur des gens qui galèrent et stressent, pour les rassurer et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls. Je sais que ça peut faire du bien d’avoir de la reconnaissance face à ce que l’on traverse. »

Pour Anne, qui redort bien depuis quelques années, le sujet reste aussi douloureux : « Je ne sais pas ce que j’aurais eu besoin d’entendre, car tant qu’on ne le vit pas, on ne peut pas comprendre. Qu’on me dise « ça passe, tout passe » n’était absolument pas réconfortant, ce qu’on aurait voulu savoir, c’est quand ça passerait ! » Aujourd’hui, elle vit toujours cela comme un échec, « le fait d’avoir un enfant qui ne dormait pas a, en partie, conditionné le fait de ne pas en faire de deuxième ».

Lucie a, elle, eu l’impression d’avoir un bébé anormal, car tous les autres enfants autour d’elle ont toujours bien dormi :

« C’était difficile d’en parler. Et ce qui m’énervait le plus, c’était les remarques du type « Je ne sais pas comment tu fais, moi je n’aurais pas pu », comme si j’avais le choixOu encore les injonctions, « Un enfant, ça dort seul dans sa chambre », « Faut pas dormir avec le bébé, ça lui donne de mauvaises habitudes », quand dormir avec mon fils était le seul moyen de dormir un minimum. J’ai toujours une pointe de jalousie quand j’entends parler d’un bébé qui dort bien. ».

Et d’autres qui arrivent à se réjouir

Pour Laetitia, sortie des nuits courtes depuis quelques années, se réjouir lorsque les bébés des autres dorment bien n’est plus une difficulté. « Je suis sincèrement contente pour eux, je sais comme ça peut être dur donc tant mieux pour ceux chez qui c’est facile ! Même lorsque mes enfants se réveillaient la nuit, le sujet n’était pas trop sensible. J’évitais juste les personnes, souvent d’un certain âge, qui venaient me dire à quel point il était anormal que mon bébé de 2 mois tète encore la nuit. »

Léna est également contente pour les parents d’enfants qui dorment bien. Et de son côté, elle évite d’aborder le sujet avec des parents d’enfants qui dorment mal. « J’essaie surtout de ne pas me plaindre de mes mauvaises nuits à des gens qui vivent ça au quotidien. Je suis à l’aise d’en parler avec des parents qui ont des nuits globalement correctes comme nous. Par contre, je suis un peu mal à l’aise quand les parents utilisent des justifications bizarres à leurs bonnes nuits, par exemple « il dort bien parce qu’il n’est pas allaité« . »

À lire aussi : Il paraît qu’il ne faut JAMAIS réveiller un bébé qui dort. Mais c’est fiable ou pas ?

Bien qu’étant toujours aux prises avec des nuits parfois hachées et courtes, Cécile n’en est pas traumatisée, et ne ressent pas de jalousie face aux autres parents. « J’en parle sans problème avec n’importe qui. Quand un parent me parle de son enfant qui dort bien je me dis juste que c’est cool de voir que ça existe, que ce n’est pas un mythe, mais parce que je suis bien consciente que ce parent a juste de la chance. C’est la loterie. J’aimerais simplement avoir de la compassion face aux nuits pourries quand j’en parle, de la compréhension, et pas de conseils surtout. »

Clémence se sent également capable de parler sommeil à tous, du moment que le sujet n’est pas pris à la légère, et que les parents de bébés qui dorment bien sont conscients de leur chance :

« Je suis même contente pour eux, parce que c’est toujours ça de pris pour faciliter la parentalité ! J’ai toujours considéré qu’il était normal que les petits dorment mal, et du coup ce sont plutôt les bons dormeurs qui me paraissent hors-norme. Et comme ça dépend en très grande partie de l’enfant, je n’ai aucun souci, tant que le parent n’essaye pas de s’attribuer le mérite de ce bon sommeil. »

Alors, comment apaiser les discussions autour du sommeil ?

Quand son enfant dort bien, doit-on garder cette information pour soi ? Manon Berteraut n’est pas de cet avis, « Mais il y a des façons d’en parler, et surtout, on choisit à qui on en parle. Avec des amis, on peut d’abord demander si le sujet est sensible. Je sais que pour certains, ces précautions sont démesurées, mais quand on sait que la privation de sommeil peut provoquer un syndrome de stress post-traumatique, ça fait réfléchir. »

Et quand son enfant dort mal, il faut également sélectionner avec qui on aborde ce sujet délicat. « À en parler à tous, on peut facilement se prendre des conseils non sollicités, de la culpabilisation, ou à l’inverse, provoquer du ressentiment chez quelqu’un qui pensera vivre pire. Mais c’est important de trouver quelqu’un de safe à qui en parler, parce que cette souffrance est énorme et il ne faut pas la garder pour soi », ajoute la consultante sommeil.

Et pour chacun, une prise de recul et une bonne dose de bienveillance. « Il faut arrêter de penser qu’on a tout vu, tout vécu, parce qu’on a eu un, deux, trois, X enfants. Ce qui marche chez quelqu’un ne va pas forcément fonctionner chez l’autre. Par contre, on peut écouter, soutenir si l’on s’en sent capable, ou juste compatir, c’est parfois tout ce que la personne qui souffre demandeMais le seul moyen de ne plus être jaloux, c’est que le sommeil de son enfant s’améliore. »

Du côté des mères interrogées, la reconnaissance, le soutien, la compassion, l’empathie et la compréhension arrivent également en tête des réactions attendues et souhaitées face à leurs difficultés. « On peut aussi râler ensemble, histoire de voir qu’on n’est pas les seuls dans cette galère, ou encore échanger des astuces et idées de choses à tester, j’aime avoir l’impression que j’agis, même si souvent ça ne sert à rien », ajoute Laetitia.

On peut donc parler du sommeil de ses enfants — peu importe s’ils dorment bien ou non — mais pas avec tout le monde !


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