— L’image d’illustration est tirée du film Hôtel Transylvanie 2
La peur de perdre son téléphone, ou pour être plus précise, la peur d’être séparé•e de son téléphone porte le doux nom de nomophobie — une contraction de no mobile-phone phobia qui en English a donné nomophobia. Et comme on aime l’originalité en France, on a juste francisé le mot.
Le peur d’être séparé•e de son téléphone porte le nom de nomophobie.
Selon Wikipédia (qui comme chacun•e le sait est une source incontestable…), la nomophobie est donc « liée à la peur excessive d’être séparé de son téléphone mobile ».
Déjà permets-moi de critiquer l’usage du mot « excessif », sous-entendu dans le mot « phobie » mais qui ne figure pas sur toutes ses définitions… mais montre bien l’opinion générale (enfin…celle des gens pas concernés) pleine de perplexité, voire de mépris, quant à cette angoisse, pourtant très logique.
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Parce que oui, cette angoisse repose sur des conséquences logiques de l’utilisation du smartphone, trop souvent balayées d’un revers de main par certaines personnes. Elle est aussi très cohérente, puisqu’il existe un sentiment de dépendance* au téléphone dont 78% des 18-25 ans souffriraient, selon une étude IFOP réalisée en 2013.
*Attention, il ne s’agit pas d’une dépendance au sens clinique du terme (comme une addiction), mais plutôt d’un ressenti de la part des personnes interrogées dans l’étude.
Un smartphone, ça coûte un bras !
Je vais être honnête… j’ai mal au porte-monnaie quand je vois le prix que m’a coûté mon smartphone, et pourtant il fait partie des bas de gamme.
Mais il n’empêche que se balader avec l’équivalent de quelques centaines d’euros dans la poche, ça peut créer du stress, et pas qu’un peu, surtout quand tu sais pertinemment que tu n’as pas la thune pour le remplacer si on te le chope, si tu le perds ou si tu le pètes.
Moi quand je surveille mon smartphone.
C’est d’ailleurs l’une des principales craintes des personnes qui possèdent un smartphone, puisqu’elle occupe la première place du podium (ex-æquo) et concerne 40% des personnes interrogées, toujours selon l’étude IFOP (page 12).
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Aux arguments de mauvaise foi et aux avocats du diable qui te diraient que tu peux te racheter un téléphone avec « ton argent de poche » ou tes revenus, tu peux leur répondre que 38% des jeunes de 18 à 24 ans perçoivent des aides sociales pour joindre les deux bouts financièrement.
Un chiffre qui grimpe à 63% pour celles et ceux ne vivant plus chez leurs parents, selon une étude de l’INSEE de 2014… En terme de niveau de vie, on connaît mieux.
Donc autant dire que le téléphone, c’est l’un des rares luxes qu’il nous est possible d’avoir, sans pour autant avoir les moyens de le remplacer.
Ton smartphone sert à TOUT
À téléphoner, à échanger des messages, à prendre et à stocker des vidéos et des photos, à regarder des trucs sur Internet, à checker tes mails, à jouer, à écouter de la musique, à t’organiser, à t’orienter, à te donner l’heure, à te réveiller… Bref, ça sert à plein de trucs de la vie quotidienne et sociale.
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Sauf que c’est contenu dans un seul appareil. Donc là où avant, quand tu perdais ton téléphone, tu perdais majoritairement les numéros de ton répertoire… maintenant c’est aussi comme si tu perdais ton iPod, ton PC, ta console, ton réveil, ton carnet avec des messages de tes potes et tes idées perso, ton agenda, ton moniteur de sport, ton GPS — entre autres.
Et vu le stress que peut représenter le vol ou la perte d’un seul de ces objets, c’est tout à fait cohérent que cette angoisse soit décuplée quand il s’agit de ton smartphone.
L’avantage de centraliser les données est aussi le principal désavantage. Comme avec une liseuse, plus besoin de te trimballer mille romans de 500 pages… mais par contre tu peux tous les perdre d’un coup si tu casses ledit appareil.
Le téléphone est aussi un objet de la vie privée, c’est en tout cas comme ça qu’il est perçu par ses possesseur•ses. Et parmi les angoisses liées à la perte du téléphone, l’étude IFOP recense que 31% d’utilisateur•trices craignent que l’on puisse « accéder à des éléments privés (messages, photos) ».
40% des utilisateur•trices de smartphones sont inquiets à l’idée de perdre leur répertoire de contacts.
40% sont également inquiets à l’idée de perdre par la même occasion leur répertoire de contacts, ce qui fera peut-être taire les mauvaises langues qui clament à qui mieux mieux que le smartphone n’est pas utilisé comme un téléphone.
Parce que voilà, ce n’est pas parce que les utilisateur•trices reconnaissent la polyvalence de cet outil qu’ils/elles en oublient sa fonction essentielle.
Le smartphone est un marqueur social
Un aspect parfois oublié de la nomophobie dans les études, c’est l’importance sociale du téléphone. Comme l’expliquait Catherine Lejealle, sociologue spécialiste du digital et professeure à l’ISC Paris, dans un précédent article sur la peur de passer un coup de fil, le mode de communication est aussi un marqueur de génération.
Et notre génération (Y et Z) apprécie le smartphone car il permet à la fois des formats plus ludiques de communication, mais aussi des échanges moins intrusifs, mais pas que… Il y a également une véritable dimension sociale dans cette façon de faire.
Car le smartphone te permet d’être synchrone avec le reste de tes potes et d’échanger des informations au moment où tu les vois passer.
Comme l’explique la sociologue, dans un autre article sur les écrans et le sommeil, l’information est avant tout un moyen d’amorcer une conversation. L’important n’est donc pas d’approfondir l’information mais de savoir qu’elle existe et d’en parler.
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Donc, en étant incapable d’utiliser notre smartphone parce qu’il est perdu, volé, cassé, bref inutilisable, toi et moi on se coupe involontairement de nos pairs, ce qui pourrait donner la sensation d’affaiblir notre lien social avec les autres.
Personnellement, il m’arrive d’oublier mon smartphone chez moi, et de me demander plusieurs fois dans la journée si aucun de mes proches ne va essayer de m’appeler ou de me contacter.
Et autant la perspective de rater un rendez-vous téléphonique me paraît être un risque maîtrisé, autant la possibilité de passer à côté d’un échange avec quelqu’un qui m’est cher m’angoisse. En quoi cette inquiétude est moins légitime qu’un sentiment d’isolement plus « classique » ? Pourquoi la nomophobie serait-elle perçue comme une forme d’exagération ?
En quoi cette inquiétude est-elle moins légitime qu’un sentiment d’isolement plus « classique » ?
Après tout, ce n’est pas la première fois qu’un progrès technique nous rend dépendant•es. Déjà, à l’Antiquité, Socrate pensait que l’écriture pourrait avoir des effets pervers, comme celui de nous rendre moins performant•es à mémoriser des choses et donc dépendant•es des écrits.
Pour autant, l’écriture s’est installée et le monde ne s’est pas écroulé. Et personne ne penserait à se moquer de quelqu’un qui a besoin de prendre des notes pour se souvenir de quelque chose… Alors, on dit qu’on arrête de tourner la nomophobie en ridicule ?
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Les Commentaires
La plupart des données de smartphones peuvent être synchronisés aujourd'hui (tous tes contacts enregistrés sur ton compte google par exemple). Pour les données comme les photos : des sauvegardes. Pour la vie personnelle : activer les options de verrouillage du téléphone (même si c'est pénible de déverrouiller son téléphone tout le temps).
Globalement je pense que le vrai problème est le prix (qui va avec que le "ça sert à plein de choses" vu que si t'as l'argent, tu en rachètes un et tu te poses pas la question).
J'ai pas spécialement peur de perdre mon smartphone (bon déjà ça fait pas longtemps que j'en ai un), ça serait chiant, mais bon. Tous les appareils que l'on utilisait avant l'ère des smartphones fonctionnent toujours chez moi (mon MP3 du lycée, un bon vieux réveil de chevet, un GPS tomtom, une vielle nintendo 3Ds première génération...) et j'ai toujours mon vieux Nokia avec 2 semaines d'autonomie. Donc ce serait pas un drame non plus.
Du coup je pense que le problème est justement de mettre trop de choses importante dans un seul objet physique qui peut disparaître.