Elle aurait dû être opposée à Martin Schulz, le président du Parlement européen. Il est allemand mais parle couramment le français, la langue n’était donc pas un problème.
Un problème de compétence
Martin Schulz est un expert du fonctionnement de l’Union Européenne, il était bien placé pour répondre à Marine Le Pen, elle-même députée européenne, même si elle se rend rarement au Parlement.
La présidente du Front National a refusé de débattre avec Martin Schulz, « trop pugnace » selon ses mots rapportés par Jean Quatremer, le correspondant de Libération à Bruxelles.
Le Petit Journal prenant l’antenne à 20h25, soit une vingtaine de minutes avant le coup d’envoi de l’émission Des Paroles et Des Actes, Yann Barthès a ouvert son édition du 10 avril en interpellant directement la régie de France 2, en diffusant des messages à l’écran pour attirer l’attention des journalistes.
Le Petit Journal est allé interviewer Martin Schulz pour lui demander quelles questions il aurait posées à Marine Le Pen. Bon prince, Yann Barthès offre gratuitement les images à la production de France 2 – « c’est gratos ! » martèle-t-il, allant jusqu’à retirer le logo du Petit Journal pour incruster celui de France 2 et de l’émission DPDA.
Deux questions sont proposées au service politique de France 2 :
- Pourquoi Marine Le Pen est-elle en train de s’allier au parti d’extrême droite hongrois, qui prévoit dans son programme de recenser tous les Juifs présents au Parlement européen et dans le gouvernement ?
- Si elle est réélue, Marine Le Pen compte-t-elle prendre la tête du groupe parlementaire d’extrême droite, et donc siéger assidûment et s’impliquer davantage au Parlement européen ?
Deux excellentes questions si vous voulez mon avis, surtout la première, car cette alliance m’intrigue.
L’invité à la carte ?
Martin Schulz ayant été décommandé, c’est finalement Alain Lamassoure qui a assuré la contradiction de Marine Le Pen sur le sujet de l’Europe. Il est député européen, et
très impliqué auprès des groupes fédéralistes européens.
Même si M. Lamassoure est expert des questions européennes, il n’avait pas le répondant de Martin Schulz – raison pour laquelle Marine Le Pen a accepté de débattre avec le premier, mais a refusé le second.
La dernière partie de soirée accueille un débat politique dans DPDA. C’est un député socialiste qui viendra contredire Marine Le Pen dans le « débat des valeurs », Yann Galut, que David Pujadas présente comme étant l’auteur d’un livre sur le Front National :
« Si on vous a invité à débattre avec Marine Le Pen, c’est que vous avez écrit le guide anti-FN – »
Marine Le Pen lui coupe alors la parole :
« C’est un petit peu aussi parce que personne d’autre n’a voulu au PS, faut quand même être honnête ! Comme quoi vous êtes courageux ! »
Non, David Pujadas ne contredira pas Marine Le Pen : il ne rappellera pas à l’antenne que la présidente du Front National a récusé son contradicteur sur le débat consacré à l’Europe.
Il ne relève pas du tout la provocation : Marine Le Pen peut laisser entendre que ses contradicteurs n’ont pas « le courage » de l’affronter, alors que c’est elle qui n’a pas le courage de répondre au président du Parlement européen sur les questions…européennes.
Une ironie qui n’a pas échappé à certains téléspectateurs :
« Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes »
Nul doute que le journaliste a eu vent de l’interpellation de Yann Barthès, puisqu’il justifie à l’antenne du choix des invités :
« Ça fait partie du rapport de confiance : personne ne dicte sa loi à quiconque ici, et comme partout ailleurs, quand on organise un débat politique, un face-à-face, c’est entre deux personnes consentantes, a expliqué David Pujadas. On ne peut pas forcer quelqu’un à dialoguer et cela quel que soit l’invité. »
Fort bien M. Pujadas. On ne vous demande pas d’orchestrer un pugilat stérile entre deux personnes qui refusent de dialoguer, ce n’est pas le reproche qui vous est fait. (Même si parler de « pugilat stérile » me rappelle au souvenir d’un face-à-face Le Pen/Mélenchon, il n’y a pas si longtemps…)
On vous reproche d’avoir offert à Marine Le Pen une tribune sur un plateau, sans assurer la contradiction, en la laissant dérouler son discours.
Si Marine Le Pen refusait de débattre avec Martin Schulz, vous pouviez tout à fait reprendre à votre compte les questions que le député européen lui aurait posées, après tout, n’est-ce pas là le rôle du journaliste ?
En plus, fallait pas chercher bien loin, Martin Schulz vous avait fait vos fiches dans l’après-midi, il suffisait de le lire :
Et toi, quelles sont TES questions ?
L’émission DPDA est visible en replay sur le Pluzz. As-tu regardé l’émission ? Quelles questions aurais-tu posé à Marine Le Pen ? À propos de l’Europe ?
- Quels sont les éléments de son discours avec lesquels tu es d’accord, et pourquoi ?
- Quels sont les éléments de son discours que tu entends autour de toi et auxquels tu ne sais pas répondre ?
- Quels sont les éléments de son discours que tu ne comprends pas ?
Posez-moi vos questions ! La campagne électorale pour les élections européennes ne fait que commencer, dites-moi quelles sont vos questions sur le fonctionnement et les enjeux de l’Union Européenne, j’essaierai d’y répondre dans de futurs articles !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
De plus, ce n'est pas la 1ère fois que qu'elle fait sa difficile dans cette émission.
Le 23 février 2012, elle était invitée à débattre avec Jean-Luc Mélenchon et elle l'a refusé en direct sous prétexte que Mélenchon n'était pas un candidat sérieux et a critiqué France 2 parce le débat "ne répond pas aux attentes des Français" et que la chaîne ne faisait que de la "politique spectacle". Ce à quoi Mélenchon lui fait bien remarquer : "Quand vous tombez sur un contradicteur qui n'est pas complaisant, c'est fini, vous n'êtes plus là". Apparemment Jean-Luc Mélanchon lui avait été imposé (elle avait demandé un membre de l'UMP) et donc qu'elle aurait eu un traitement différent des autres invités. On avait également pu constater pendant toute l'émission qu'elle n'avait répondu à aucune question, que ce soit de la part des journalistes ou analystes; elle a préféré faire des digressions et se plaindre d'être une victime des médias et de la classe politique.
Donc, c'est sans doute pour éviter cette précédente situation embarrassante qu'elle a refusé de débattre avec Martin Schulz.