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Société

Petit éloge du bordel : dites bye bye à Marie Kondo et allez boire des bières

Et si on oubliait cette année le grand ménage de printemps ? Acceptez de vivre dans le bordel, et tout ira mieux.

À l’heure où les intérieurs parfaits s’affichent sur Instagram, épurés, rangés, lumineux, avec rien qui dépasse, si ce n’est un bouquet de fleurs séchées érigé nonchalamment sur une table, j’ai envie de vous parler du bazar et de ses bienfaits.

On nous propose par-ci par-là des techniques pour des grands ménages de printemps (coucou Marie Kondo), et Madmoizelle n’y coupe pas non plus. C’est bien normal !

Mais voilà, j’ai des jumeaux de 15 mois, qui retournent un appart bien rangé en 5 minutes chrono. Alors à quoi bon se fatiguer ? J’ai appris à lâcher du lest. Et peut-être feriez-vous bien d’en faire autant.

chezmoi
Chez moi, bazar minimum. Oui, mon chat est très beau. (photo personnelle)

C’est assez tentant de faire le vide, de se renouveler un peu au changement de saison… mais c’est bien du bordel que je compte vous parler, de ses avantages ! Et surtout du temps gagné pour faire d’autres choses : lire, boire des coups, s’occuper de ses enfants, dormir… se vautrer et se rouler dans le tas de jouets/serviettes mouillées/livres jonchés au sol chez soi, tel Picsou dans ses pièces d’or. J’exagère un poil.

Picsou
(© Picsou)

Bree van de Kamp, sors de ce corps !

On a toutes — presque toutes, ne généralisons pas — en nous une petite Bree Van de Kamp qui voudrait s’exprimer, qui ramasse la chaussette qui traîne par terre sans même y penser, qui se dit : « tiens, si je rangeais les placards de la cuisine », et qui époussette (j’adore conjuguer ce verbe !) deux-trois meubles dès qu’elle a cinq minutes devant elle.

Pourquoi ? Difficile à dire, mais c’est sans doute principalement dû à une bien longue histoire patriarcale, où les femmes étaient exclusivement chargées de l’entretien de toute la maison.

Elles endossent ce rôle de petits anges du foyer depuis des siècles. Même si le ménage n’est pas dans nos gènes ! Pas plus qu’un supposé instinct maternel ou encore la douceur (n’est-ce pas, les essentialistes).

C’est donc le fruit d’une longue histoire… La puériculture et la tenue du foyer étaient d’ailleurs enseignées à l’école aux filles au XIXe siècle.

C’est donc le fruit d’un apprentissage mais aussi et surtout celui d’une reproduction, de mère en fille. Un habitus qui deviendrait une seconde nature en somme. Des gestes, des comportements imités, mais de moins en moins égalés. Bah oui, on n’a plus envie de passer nos week-ends à récurer le sol telle une Cendrillon, en chantonnant en plus.

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La la la la, j’adore nettoyer le sol. (© Cendrillon/Disney)

« Tuer l’ange du foyer » pour profiter de la vie

« Une maison propre est le signe d’une vie gâchée », comme l’écrivait Mona Chollet dans Chez Soi. J’adore cette phrase. Très inspirante. Elle pourrait être écrite dans une cuisine avec des lettres en bois un peu patinées collées au mur. Mais d’ailleurs, pourquoi les gens inscrivent-ils des mots sur leurs murs ? Ils ont peur d’oublier peut-être ?

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Photo non contractuelle. (© Esty)

Pour en revenir à nos moutons (de poussière, lol), le rangement et le ménage, ça prend du temps et c’est du temps que l’on ne consacre pas à autre chose.

Virginia Woolf, autrice féministe de génie, conseillait aux femmes artistes de tuer l’ange du foyer afin de se consacrer à leurs œuvres. Effectivement, difficile de tout faire ! Elle écrivait dans Profession for women (Des Professions pour les femmes) :

« Le premier devoir d’une femme qui veut écrire est de tuer la fée du logis en elle»

Sans aller jusqu’à vouloir écrire un chef-d’œuvre, consacrer moins de temps au rangement permet de s’amuser, de profiter un peu plus de la vie, comme l’écrit également l’autrice Titiou Lecoq dans Libérées :

« Or que dit le bordel dans mon salon ? Qu’on a bouquiné, qu’on a joué, qu’on a construit une cabane, qu’on a préféré regardé un film plutôt que de remplir les papiers administratifs qui traînent.

Que dit mon panier de linge sale qui déborde ? Qu’on a été au square et que les enfants se sont roulés dans la boue, qu’on a fait de la peinture, qu’un biberon au chocolat a giclé dans un moment d’énervement, qu’on a eu du boulot, qu’on est sorti, qu’on n’a pas eu le temps de faire tourner une machine. »

Le bordel dit beaucoup de choses, mais jamais que vous êtes une mauvaise personne.

Contre Instagram et ses images culpabilisantes

À quand une avalanche de comptes Instagram avec du bazar ? Certes, ça fait moins « rêver » mais ça ferait beaucoup de bien au moral.

Les images inatteignables d’intérieurs nickel où la couleur du body du bébé rappelle le doux ton pastel du tapis peuvent foutre un sacré coup au moral, quand on est mère et qu’on arrive tout juste à assurer les besoins primaires de ses enfants : manger, dormir et être propres (et avoir des câlins).

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Chez moi. Instagram versus la réalité (photo personnelle)

C’est une quête vaine que de toujours recommencer les mêmes tâches. C’est un travail invisible, encore trop pris en charge par les femmes dans les couples hétérosexuels, mais aussi dans toute la société.

Rappelons qu’encore actuellement les femmes s’occupent à 70% des taches domestiques et parentales. Et quand elles ont la possibilité de déléguer ce travail, l’on sait que ce sont souvent à des personnes précaires qui se chargent de ces services. Il serait plus que temps que les hommes prennent leur part…

Alors essayons de sortir les images d’Instagram de nos têtes (de la mienne comprise) et de ne pas avoir honte d’inviter des amis quand tout n’est pas nickel, d’aller boire des bières en terrasse l’esprit libre alors qu’une montagne d’assiettes est empilée dans l’évier.

Je ne suis pas pour la prolifération des bactéries, rassurez-vous, mais bien pour un intérieur qui vit au gré des activités, des jeux et moments partagés, et cela implique nécessairement une certaine dose de bordel.

Je fais la maligne, mais je ne suis pas seule à gérer mon intérieur ! Je suis pas mal « aidée » (c’est un euphémisme) — avec mille guillemets — dans le ménage et le rangement. Et surtout moi aussi, j’aime le côté feng shui des intérieurs épurés. C’est un work in progress dont je vous parle.

J’arrive de plus en plus (surtout depuis que j’ai des enfants et que je n’ai pas le choix) à lâcher du lest. Je peux regarder mon salon où il est parfois difficile de se déplacer tant il y a du bazar par terre, sans aucune crispation. Une maison où il y a de la vie ne peut pas ressembler à un intérieur d’instagrammeuse, alors acceptons gaiement le bordel !

À lire aussi : Et si on taxait les hommes qui n’en foutent pas une ? La proposition de Sandrine Rousseau fait vivement réagir


Les Commentaires

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Avatar de Tuna
29 mars 2022 à 21h03
Tuna
Team rangement et ménage ici aussi (mais je n'ai pas d'enfants donc ça changera peut-être). Je comprends l'injonction à faire le ménage (surtout pour les femmes qui doivent être des fées du logis en toute circonstances) et j'approuve le message de lâcher un peu du lest si on se sent submergé.
Après comme plusieurs Madz avant, je suis moins d'accord sur l'opposition "bordéliques qui kiffent leurs vies vs psychorigides qui perdent leur temps à faire le ménage". Perso je profite de mon ménage pour téléphoner à ma famille, écouter des podcast ou des audiolivres ou me remettre un film doudou que j'aime bien. En général je passe un bon moment, et de toute façon comme je fais ça assez régulièrement ça ne me prends jamais trop de temps à la fois non plus. Du coup je ne suis pas forcément d'accord avec l'aspect "perte de temps du ménage " mais c'est très personnel (de base je n'aime pas regarder des films ou écouter la radio sans rien faire de mes mains par exemple).
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