Mon Coca/Nutella à MOI
À moins de vivre sur une autre planète tu as dû te rendre compte que Coca-Cola proposait depuis quelques semaines des bouteilles personnalisées avec ton prénom dessus. C’TE CLASSE.
Bien entendu si tu n’es pas sur la liste des 150 prénoms les plus attribués en France tu peux aller bouder après avoir vandalisé le rayon en vain.
Charles-Jack n’est pas très content qu’il n’y ait pas de bouteille de Coca pour son fils Hodor-Henri.
C’était déjà bien mais ce n’est pas tout pour le moment. Ainsi, que tu sois un prénom oublié, que tu n’aimes pas le Coca (oui les extra-terrestres existent, ils ont même infiltré la rédac) ou que tu souffres d’une double-addiction au sucré tu peux désormais te rabattre sur le Nutella.
La marque propose aux clients qui ont liké la page Facebook « Nutella France » (rien n’est gratuit en ce bas monde) de personnaliser l’étiquette d’un pot classique de 825 grammes en remplaçant le logo « Nutella » par leur prénom, pourvu qu’il tienne en 9 caractères (ce qui exclut donc « jadorelhuiledepalme » ou « viveladeforestation » c’est ballot). Apparemment l’étiquette est expédiée sous 2 à 3 semaines (donc j’imagine qu’il faut aussi communiquer son adresse)
Je voulais tester « scarabées » mais la prévisualisation n’a pas l’air d’accepter les accents.
Faire du neuf avec du vieux
D’accord, on aime voir notre prénom partout. Si ça met du soleil dans la vie des gens, amen (au vu du nombre de personnes qui se photographient avec leur bouteille de Coca ces derniers temps, on ne peut pas nier que ça rend les gens heureux). En plus c’est gratuit — ou presque, puisque dans le cas de Nutella tu dois quand même vendre ton âme et tes données Facebook au diable.
En revanche je ne trouve pas le principe très novateur. La customisation ou personnalisation c’est une vieille recette qui marche depuis un bon million d’années. Qu’est-ce qui change cette fois?
Tout a commencé avec le peignoir brodé offert à ta naissance, puis ça a continué avec tes fournitures scolaires de rentrée et tes petites culottes avant chaque séjour en collectivité. Jusque là, admettons : l’intérêt d’écrire ton prénom c’était d’éviter que ces objets ne soit perdus, partagés ou échangés à tout va.
Même chez Starbucks, les gobelets griffonnés à ton prénom (ou à une approximation de ton prénom) ont une utilité. Comme il est possible de commander une boisson ultra-personnalisée il vaut mieux éviter de confondre les gobelets de deux clients : personne n’a envie de se retrouver avec le Frappucino-supplément-trop-de-cannelle-tue-la-cannelle du voisin.
La fameuse histoire du gobelet qui s’appelait Vagina (vagin) au lieu de Virginia…
Nombreuses sont les marques qui se sont essayées à la personnalisation :
- Mc Donald avec son opération « My Burger » (en Allemagne) qui permettait de créer sa recette de burger sur un simulateur en ligne. Les recettes plébiscitées par les internautes étaient ensuite réalisées dans les restaurants de la marque.
- Desperados avait donné à ses clients la possibilité de mélanger différentes saveurs pour créer une bière unique. Il était également possible de modifier l’étiquette de la bouteille
- En dehors de l’alimentaire, un tas de marques proposent la personnalisation de chaussures (Nike), lunettes (Atol) etc.
Dans tous ces exemples, même si la customisation du packaging est parfois possible (Starbucks, Desperados) on reste dans une forme de marketing participatif où c’est le produit qui est avant tout personnalisé. On choisit sa recette, ses lacets, ses montures de lunettes bref, on se crée un produit sur-mesure.
Là où la démarche de Coca-Cola et Nutella est différente c’est que seul l’ajout du prénom constitue une nouveauté par rapport au produit classique. La recette reste inchangée. On est donc en présence d’un produit « personnalisé » bien que complètement standardisé. Paradoxe ?
La mass-clusivité ou la personnalisation de masse
La mass-cluvisité (ou personnalisation de masse ou mass-customization en anglais) est une technique marketing utilisée par les marques ultra-diffusées face à la concurrence des marques distributeurs (qui proposent elles aussi des produits standardisés mais bien moins chers). Pour compenser leurs prix plus élevés, Coca-Cola et Nutella jouent ainsi la carte émotionnelle pour renforcer le lien marque-clientèle. Le sentiment d’exclusivité n’est donc plus réservé aux clients du luxe.
L’opération a un fond sympathique (même si, bien sûr, elle ne serait pas mise en place si elle n’était pas rentable pour l’entreprise qui l’organise). Malgré tout je ne suis pas certaine qu’elle convienne pour toutes les marques. Ce qui me laisse perplexe dans la personnalisation de masse par Coca et Nutella c’est que les campagnes de communication des deux marques insistent particulièrement sur la valeur du partage et de la convivialité. En proposant des produits ultra-individualisés n’y a-t-il pas là un message contradictoire?
Avec ses étiquettes à prénom le slogan de Coca semble se transformer en « Viens partager un Coca entre amis mais chacun sa bouteille » (quid de la bouteille de 2l qu’on fait tourner ?).
Tandis que chez Nutella on s’éloigne de l’idéal du petit-déjeuner familial harmonieux puisqu’il n’est plus question de faire pot commun. Comme le montre cet extrait d’un article présentant l’opération :
« Cela permet quand même de faire un cadeau gourmand, ou tout au moins faire régner la paix dans les familles, car chaque enfant pourra personnaliser son pot avec l’étiquette de son prénom. Plus de disputes ! »
Voilà c’est dit, nous en sommes arrivés au point où pour éviter les disputes chaque enfant doit avoir son pot de Nutella. Il est beau le partage !
Personnalisation ? Personnification, plutôt !
En fait je ne suis tout bonnement pas sûre qu’on puisse parler de personnalisation dans le cas de Coca-Cola et Nutella. À la rigueur le terme de personnification me semble plus adapté puisque tu deviens littéralement une bouteille, ou un bocal.
La personnalisation, selon moi c’est davantage participer au développement d’un nouveau produit, faire preuve de créativité, ajouter sa touche personnelle (ou avoir quelqu’un qui le fait pour nous, comme dans le luxe). Cela peut être une expérience intéressante pour le consommateur qui au-delà de l’aspect ludique a parfois réellement envie d’un produit qui correspond à ses moindre attentes.
Mais si le marketing de mass-clusivité se limite à un étiquetage de prénom, j’ai bien peur qu’on en fasse vite le tour. À moins que nous ne soyons tous d’incorrigibles égoïstes… ce qui n’est pas exclu (il n’y a qu’à voir le plaisir que nous prenons à écrire notre prénom dans la soupe avec les pâtes-alphabet).
Avoir son prénom sur un objet « perso » (une brosse à dents, un souvenir de vacances), pourquoi pas ; pour les produits consommables de la vie quotidienne, je trouve que c’est pousser le bouchon un peu loin. À quand le papier toilette et les chewing-gums qui seront à toi et rien qu’à toi ?
C’est MON Yop et bientôt y aura MON nom dessus.
Les Commentaires
Oui c'est ça, je les avais commandés par paquets d'1,5kg. MAIS PAS DE CACAHUETE !!!!
Je ne repasserai pas commande car j'ai été déçue(mais les invités avaient l'air contents quand même )