À l’heure où je vous cause, l’heure est grave : suspendue entre la terre et les cieux, je suis quelque part au dessus du Brésil dans un avion pris dans des turbulences presque apocalyptiques. Après dix-sept heures de voyage et une demi-heure de sommeil, je ressemble à une zombie et je fais peur aux enfants.
Profitant de mon insomnie, je m’en vais vous expliquer pourquoi les aéroports sont des lieux de vice et de perdition, et pourquoi, dans bien des cas, la trottinette et le ballon dirigeable sont préférables à l’avion. C’est parti Jackie.
Les adieux larmoyants
Il est toujours un peu difficile de laisser derrière soi des proches (parents, poisson rouge, doudous, amis imaginaires – rayer mentions inutiles) quand on part pour un long bout de temps. Le train te permet de les voir faire mine de courir derrière ton wagon, le bateau te permet de les voir agiter des petits mouchoirs blancs. Mais il est plutôt risqué de courir derrière un avion, et il est tout aussi utile d’agiter un petit mouchoir blanc à l’aéroport que de préparer Ribéry à l’agrégation de grammaire – aussi, tu devras les laisser derrière une ligne, et les voir leeeeentement s’éloigner, t’abandonnant à ton sort.
Si tu es forte et courageuse, partir sans te retourner tu pourras. Mais si, comme moi, tu n’as aucune volonté, tu sangloteras et remonteras la file à rebrousse-poil pour dire au revoir une fois encore aux tiens, sous les sarcasmes et les quolibets des autres voyageurs. La tristitude.
Les contrôles de sécurité
Quiconque a déjà pris l’avion sait que « contrôles de sécurité » rime avec « perte de toute dignité ».
Si tu as de la chance, tu passeras victorieusement cette épreuve sans te faire palper le séant pour voir si tu n’y caches pas une bombe artisanale.
Si tu n’en as pas, tu devras te déchausser et montrer au monde entier tes chaussettes Dora l’Exploratrice, subir une fouille poussée et affronter le regard d’autres voyageurs qui te regardent avec l’air de dire « Meurs, pourriture terroriste ».
De plus, si tu as l’âme d’une rebelle et que tu transportes des objets dangereux, tels que de la laque ou des ciseaux à ongles, on t’en dépossèdera sans le moindre état d’âme. Détourner un avion avec un ciseau à ongles ou un flacon de laque ?
Sérieusement ? Je donnerais très cher pour voir des terroristes en herbe s’attaquer à un équipage avec des armes aussi dangereuses.
D’ailleurs, je soupçonne les douanes d’un trafic international de trafic de ciseaux-à-ongles-extorqués-à-d’innocents-voyageurs : c’est là la chose qui permettrait d’expliquer leur interdiction.
Les correspondances
Peut-être es-tu fille d’émir qatari, et n’as-tu jamais connu que les sièges moelleux de la première classe. Peut-être me lis-tu au fond d’un jacuzzi quelque part dans les Bahamas, en te demandant pourquoi les gens préfèrent l’avion au jet privé.
Mais si ce n’est pas le cas, tu sais peut-être que pour ne pas payer un billet une demi-fesse, il te faudra endurer maintes correspondances : si, par exemple, tu as la folle idée d’aller à Sidney, il te faudra passer par la perfide Albion, Hong-Kong, puis la Papouasie-Nouvelle Guinée pour voir enfin ton premier kangourou.
Faire une correspondance, c’est aussi connaître la joie du manque de communication entre les aéroports : à Londres, par exemple, on m’a fait poireauter une demi-heure dans une petite salle lugubre en me disant que « pour l’Argentine il faut un visa mademoiselle, vous n’en avez pas, vous allez rentrer en France ».
Pendant ces trente trèèèèès longues minutes, je voyais déjà mes parents me dépecer pour avoir payé un billet pour rien, et imaginais le nombre d’années de psychanalyse qu’il me faudrait pour oublier la tristesse d’un départ manqué.
Résultat des courses ? La dame-de-l’aéroport s’était plantée en beauté, et je n’ai pas même eu le temps de prendre un whisky pour oublier. La vie est une chienne.
Les valises
Si tu as victorieusement survécu aux épreuves de l’enregistrement, du contrôle de sécurité, du décollage, du môme qui t’a filé des coups de pieds en se curant le nez pendant tout le vol, du « repas » servi à bord (sans le régurgiter sur le môme sus-cité), c’est que tu es forte. Très forte.
Mais il te faudra survivre à une dernière épreuve avant de (choper un cancer de la peau) te dorer la pilule au soleil : j’ai nommé la récupération-des-bagages. Tu te masseras autour de la chenille qui les délivrera, avec une demi-heure de retard ; une horde de voyageurs est là, prête à mordre et/ou à tuer pour récupérer sa valise le plus vite possible. Coups de pieds, de coudes, insultes en allemand, énucléation tout est permis : pour survivre à cette difficile épreuve, il te faudrait un heaume, mais manque de chance, les douaniers t’ont piqué le tien.
La bouffe
Corollaire : l’alcool en vol, tout aussi déconseillé.
Parlons bien, parlons bouffe. Peut-on décemment dire que les morceaux de plastique carbonisés que l’on te sert à bord d’un avion sont comestibles ? Je ne pense pas.
De plus, comment une compagnie peut-elle, sans être rongée par le crime ou le remords, ne proposer qu’UN SEUL REPAS en SEIZE HEURES DE VOL ? À l’heure où je vous parle, mon estomac est en train de s’auto-digérer et je regarde le plastique des accoudoirs avec appétit.
D’ailleurs, moi présidente de la république, j’obligerai les compagnies aériennes à mettre en place un buffet comportant fontaine de chocolat, foie gras et champagne à volonté. Votez pour moué, c’est pour le bien de l’humanité.
Et toi, quelles sont les petites choses qui te donnent envie d’éviscérer ton prochain dans l’avion ? Raconte-nous tout. Bisous bisous.
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Les Commentaires
Il y a quelques années, j'ai fait un Orlando-Francfort en passant par Toronto avec ma mère. Au moment du check-in, il y avait deux files, une pour la classe éco (qu'on aurait dû prendre mais très très longue) et la file 1ère classe, qu'on a finalement choisie puisque personne n'attendait. Et on s'est alors retrouvé en 1ère classe dans l'avion. On en a bien profité, mais ensuite on l'a regretté car ils n'avaient pas prévu de bagages en correspondance. C'est-à-dire que nos valises ont tourné à Toronto sur le fameux tapis, alors qu'on était déjà dans l'autre avion vers l'Europe... Le pire, c'est que j'avais vu ma valise quand ils l'ont descendue de l'avion à Toronto. Quand on est arrivé à Francfort, on a attendu longtemps devant le tapis, sans jamais voir nos valises. Il a fallu 1 semaine pour la récupérer, en plus c'était à Nouvel An donc les fêtes et tout ça a retardé encore plus. J'ai déprimé pendant une semaine !
En ce qui concerne les adieux larmoyants, je pars dans une semaine et demi pour 4 mois aux USA, j'appréhende le moment où je vais devoir dire au revoir à mon copain...
Au niveau des contrôles, j'ai testé le Venezuela, je crois qu'on ne peut pas faire pire !