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Mon père est excessivement protecteur — Témoignage

Cette madmoiZelle a vécu avec un père qui l’a toujours trop protégée du monde extérieur. Au lieu de continuer à se morfondre sur son sort, elle a décidé de se sortir du cercle vicieux dans lequel elle était enfermée.

J’ai eu une enfance heureuse. Mes plus beaux souvenirs viennent de cette période de ma vie. Je me rappelle des jeux que mes soeurs et moi inventions et de l’excitation ressentie à l’idée de retrouver nos cousins et cousines lors de réunions familiales. Le passage à l’adolescence a été plus compliqué. 

Lorsque je reviens en arrière, je me rends compte que j’ai vécu une enfance et une adolescence différentes de celles des jeunes de mon âge. Moi aussi j’aurais voulu  « profiter de ma jeunesse » comme on dit, mais ça n’a pas été le cas. J’ai longtemps eu peur de l’inconnu à cause d’un père qui voulait tout décider à ma place, me façonner selon sa vision de la fille parfaite. Vivre avec un père qui vous prive de tout n’est pas tous les jours facile. J’ai mis du temps à commencer à vivre pour moi, et non plus pour ne pas contrarier ce père qui rêvait que je sois une autre.

À lire aussi : Papa, Maman, je ne serai jamais celle dont vous rêviez

Grandir loin du monde réel

Je me rappelle avoir longtemps regardé les enfants du voisinage jouer par la fenêtre. Ma famille et moi vivions dans le quartier d’une banlieue tranquille où chaque mercredi et week end d’été, les enfants s’amusaient à courir et à sauter à la corde. Pendant plusieurs années, mon père m’interdisait d’aller jouer avec les enfants des voisins dont on entendait les rires et les cris à des kilomètres.

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Lorsque que ma soeur et moi avions respectivement 11 et 10 ans, il a fini par céder à nos supplications pour que nous puissions descendre dans l’aire de jeu, mais toujours assez près de la fenêtre de notre appartement, pour que nous n’échappions pas à sa surveillance : une petite victoire pour nous.

Mon père nous a élevées en nous disant que l’extérieur était dangereux, qu’au-delà des murs de notre appartement, nous ne trouverions que des personnes différentes de nous, qui ne nous comprendraient pas.

Lorsque j’allais à l’école, je devais rentrer immédiatement après les cours. Ça n’était pas vraiment dérangeant lorsque j’étais à l’école primaire, mais au collège et surtout au lycée, mon coeur se brisait lorsque je voyais mes camarades aller au cinéma, à la patinoire ou au Fast food, sans moi.

Je me souviens qu’au début de ma scolarisation au lycée, mes camarades me demandaient souvent si je voulais les accompagner quelque part dans l’objectif de nous amuser comme tous les ados de notre âge. Je refusais toujours en sachant très bien que mon père ne serait pas d’accord. En terminale, plus personne ne me demandait quoi que ce soit, sachant par avance que ma réponse allait être négative. J’avais très peu d’amis, puisque les liens se créaient surtout lors des sorties de mes camarades.

Le peu d’amies que j’avais étaient des filles qui étaient dans le même cas que moi. On se comprenait, et on l’acceptait. Aujourd’hui, je regrette d’avoir été trop conciliante avec ce père qui avait beau m’aimer, mais qui me privait de ce que beaucoup considèrent comme les plus belles années de la vie. À l’époque, mes amies et moi pensions que nos parents avaient raison de nous enfermer, loin de l’insécurité et du danger. Je me mettais même à culpabiliser lorsque je rentrais chez moi avec du retard après le lycée, parce que j’avais trop discuté avec une amie.

Une fois à la fac, j’ai commencé à dire « non » pour la première fois. J’avais de nouveaux amis et l’opportunité de tout recommencer, d’avoir une vie où je pourrais m’épanouir au lieu de passer mes soirées et mes week end à regarder la télévision. À cette époque, mon père me laissait sortir avec mes amies (seulement des filles, car la simple idée de fréquenter un garçon était totalement inimaginable, mon père me l’interdisait formellement).

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Toutefois, je devais rentrer chaque soir avant 22 heures. Il n’y avait pas vraiment de règle établie concernant les horaires, je me rappelle juste des crises de colère de mon père qui me faisait culpabiliser de rentrer à 23 heures alors que j’étais déjà adulte :

« Tu es une fille, tu ne dois pas faire ça ! Quand tu n’es pas à la maison je ne dors pas, je suis vieux »

Les scènes étaient souvent accompagnées de larmes aux yeux et d’une voix extrêmement grave et peinée. J’essayais donc de rentrer à des heures qu’il considérait comme « raisonnable ». J’avais plus de vingt ans, donc j’inventais des raisons pour m’éclipser assez tôt aux sorties organisées par mes ami-es :

« Je dois me lever tôt demain, je travaille le week end »

Il n’y avait pas que les sorties tardives qui gênaient mon père, il y avait aussi la manière dont je m’habillais. Je n’ai pas pu mettre de débardeur avant l’âge de 16 ans environ, je ne vous parle même pas des jupes et des robes…

À mon adolescence, je me cachais dans ma cage d’escalier pour pouvoir mettre des jupes en été, jamais rien de sexy, juste une tenue avec laquelle je pourrais avoir moins chaud. Petit à petit, j’ai commencé à me battre avec mon père pour pouvoir m’habiller comme je le voulais.

J’ai été très triste de la vie que mon père m’imposait. À chaque fois que je rentrais chez moi, j’allais directement m’enfermer dans ma chambre pour éviter d’entendre ses critiques sur mes vêtements et sur l’heure à laquelle je rentrais. Son discours me faisait croire que j’avais le caractère de la pire enfant du monde, même quand je n’étais plus une enfant, d’ailleurs.

Je l’ai cru pendant des années en culpabilisant face à ses discours qui me répétaient qu’il souffrait de mon attitude « déplacée ». C’est seulement beaucoup plus tard, que j’ai compris que la situation n’était pas normale, que ça n’était pas de ma faute et que l’amour ne pouvait pas justifier le fait de ne pas laisser quelqu’un vivre normalement et faire ses propres erreurs.

Ma vie d’adulte et la peur des autres

Il faut savoir que j’ai toujours tout fait en retard. À chaque fois que je voulais commencer quelque chose, le fait d’être trop protégée par mon père m’avait empêché de le réaliser. Il est difficile de faire les bonnes rencontres quand son carnet de contact est vide.

Je me suis rendu compte qu’à chaque fois que j’avais un projet, j’étais seule pour le réaliser. À force d’avoir passé ma vie enfermée entre quatre murs, je ne connaissais personne. Au lieu de me pousser à avoir mon propre appartement et à être autonome, mon père, mais aussi ma mère, (qui d’habitude n’intervenait jamais dans les couvre-feux ou dans ma manière de m’habiller), m’ont toujours formellement interdit de partir vivre seule.

Une femme n’avait pas le droit de vivre sans homme à ses côtés, ça n’était pas respectable, il fallait que je l’accepte. Je voyais tous les gens de mon entourage vivre leur vie et s’installer dans leur propre appartement, tandis que je restais chez mes parents par peur de les faire souffrir. 

À la vingtaine, j’étais lassée de la situation dans laquelle j’étais et j’ai donc décidé d’arrêter d’obéir à tous les ordres de mon père. Mais il était trop tard, j’avais déjà développé une peur des autres et de l’inconnu.

J’étais effrayée à l’idée de monter dans le métro pour me rendre à un rendez-vous. J’essayais d’ailleurs de me rendre dans le moins d’endroits possibles et de rester sous ma couette à regarder des films sur mon ordinateur. J’allais beaucoup sur les sites de rencontre et les forums : ils représentaient le seul moyen que j’avais de parler avec les autres, sans me mettre  « en danger ».

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Mon père m’avait toujours affirmé que les rues étaient remplies de meurtriers et de voleurs. Adulte, j’étais consciente que ça n’était pas le cas mais j’avais néanmoins beaucoup de mal à faire confiance aux autres ou tout simplement à établir un dialogue.

Prendre son envol

Aujourd’hui, j’ai encore un caractère introverti, même si j’ai beaucoup travaillé pour le corriger. J’essaye de rencontrer des personnes et je me suis lancée dans une carrière professionnelle qui pousse aux rencontres.

À plus de 25 ans, je me suis ENFIN décidée à partir de l’appartement familial pour vivre ma vie. Ma soeur s’est décidée à le faire avant moi et ma mère a coupé ses contacts avec elle. Mon père et ma soeur s’appellent de temps à autres pour se donner des nouvelles.

Parfois, ma soeur se demande même s’il a changé quand il lui dit qu’il regrette la manière dont il a agi, avant qu’il ne recommence à lui demander si elle peut revenir vivre à la maison …

Je me rends compte que j’aurais pu mal tourner, haïr la terre entière, partir et ne plus parler à mes parents. Je ne l’ai pas fait parce que je me suis rendue compte que cette manière de vivre était « la réalité » de mes parents. Ils ont eu cette éducation, l’ont bien vécue, et ont pensé qu’elle était la meilleure pour mes soeurs et moi.

Malgré tout ça, mon père nous a toujours gâtées et a toujours voulu le meilleur pour nous en ce qui concerne nos études. J’ai donc appris à relativiser et à comprendre qu’il y avait des situations pires que la mienne.

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Lorsque je lui ai avoué que j’avais été malheureuse de la manière dont il nous avait surprotégées, il m’a répondu qu’il n’aurait jamais pu faire autrement et que je comprendrai son attitude le jour où j’aurai mes enfants.

Je crois que si j’ai des enfants, au contraire, je leur expliquerai que les meilleures choses de la vie se passent toujours en dehors de chez nous. Je les pousserai à explorer le monde et à voyager, parce que moi, je n’ai jamais eu l’opportunité de le faire. Et s’ils n’en ont pas envie, ils auront le droit d’être qui ils veulent être.

À lire aussi : Le meilleur père du monde offre à sa fille le plus cool des cadeaux

Aujourd’hui, je cherche mon appartement malgré les réticences de mes parents. Même si je le fais après tout le monde, je suis quand même fière d’avoir réussi à avoir une vie qui me plaît avec toutes les embûches qui ont été mises sur ma route. J’ai réussi à avoir un métier enrichissant, une vie sentimentale plutôt équilibrée, et une vie sociale qui n’a pas été trop bancale malgré un passé où je n’ai vécu qu’à moitié.

Même si mes parents ne me pardonneront sans doute jamais le fait d’avoir pris mon envol, je leur pardonne leurs erreurs et j’accepte de ne pas avoir eu des parents parfaits.

À lire aussi : Mon père m’a abandonnée… et je l’ai retrouvé à quinze ans [MÀJ]

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Les Commentaires

14
Avatar de Freehug
12 juin 2015 à 09h06
Freehug
J'ai du mal à comprendre l'attitude de ton père. Le mien, comme d'autres parents de potes, était plutôt protecteur et exigeant mais le but était clairement que je fasse de bonnes études sans trop de bêtises pour pouvoir ensuite prendre mon indépendance en évitant les problèmes financiers. Si encore tu était majeure ou à peine je pourrais entendre qu'il ne t'a pas vue grandir, blablabla (enfin ne pas laisser sa fille aller au ciné avec ses ami-e-s à 16 ans c'est quand même bizarre). Mais continuer à te traiter comme une gamine à 25 ans ?? C'est terriblement immature, qu'est-ce qu'ils espéraient ? Que tu restes leur petit bébé pour toujours ? Que tu vives toujours à la maison, à te faire dorloter alors que tu auras 50 ans et eux 75 ? Vraiment, ça me laisse perplexe... Tu en as déjà discuté avec eux ?
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