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Santé

Mon père est aveugle — Témoignage

Le père de Mathilda est aveugle, et ça ne l’empêche pas d’être épanoui, ni d’avoir une très belle relation avec sa fille, bien au contraire !

C’est la journée mondiale du braille ! L’occasion de (re)découvrir cet article.

Article initialement publié le 30 mars 2015.

J’ai toujours connu mon père aveugle. Je dis bien aveugle, et pas « non-voyant », car c’est le mot qui convient, et il ne faut pas avoir peur de l’utiliser. Parce que vous allez voir, ce n’est pas si terrible ! À vrai dire, mon père, c’est un peu un super héros !

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Grandir avec un père aveugle

Mon père n’est pas aveugle de naissance, c’est arrivé suite à un accident, une dizaine d’années avant qu’il ne rencontre ma maman, et donc avant que je ne voie le jour.

Je ne me souviens pas du moment où j’ai compris que mon père n’y voyait pas. Je pense que cela s’est fait progressivement. Je savais qu’il fallait parler pour attirer son attention, lui tenir la main pour le guider dans un lieu inconnu, ne pas laisser de jouets dans son passage, qu’il n’avait pas besoin d’allumer la lumière… mais je ne réalisais pas bien ce qu’était son handicap. C’est vers mes 6 ans que j’ai commencé à comprendre qu’il lui manquait un sens ; je faisais des expériences pour mieux le comprendre, comme me déplacer les yeux fermés dans la maison.

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De mon point de vue d’enfant, il y avait des avantages à cette situation. Lorsque ma mère partait de la maison en disant à mon père que je devais ranger ma chambre, je lui assurais que c’était fait et jouais tout l’après-midi, avant de tout ranger en urgence quand j’entendais ma mère rentrer. J’étais avant tout une enfant comme les autres.

Car si un père aveugle oblige à avoir des responsabilités très tôt, je ne les ai jamais ressenties comme un poids. Mon père avait des compétences d’adultes, et moi des compétences de voyante, et nous nous complétions. Un échange de services en quelque sorte.

étreintes brisées enfant père aveugle

Quand il venait me chercher à la sortie de l’école, je lui donnais des indications sur ce que je voyais, mais c’est lui qui connaissait l’horaire du bus, qui savait à quel arrêt il fallait descendre, et qui veillait à ma sécurité. Étant prof de maths, c’est d’ailleurs lui qui m’aidait pour mes devoirs scientifiques, même pour la géométrie ! Je lui décrivais la figure, et il arrivait très bien à la visualiser. C’est également lui qui m’a appris à me servir d’un ordinateur. Étonnant, non ?

En grandissant j’ai pu lui rendre d’autres services, comme lui faire à manger, l’aider avec son ordinateur, ou encore le conduire à un rendez-vous. Et lui a toujours parfaitement joué son rôle de père ; l’éducation et les conseils passent très bien par la parole.

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Comment il se débrouille dans la vie ?

Je vous disais au début que mon père était un peu un super-héros : il faut dire qu’il est très autonome. Il a appris lors de sa rééducation à se déplacer dans un lieu à l’aide de sa canne, à lire le braille, à gérer toutes les activités du quotidien. Il n’a jamais pris de chien-guide (ce qui me décevait étant enfant), mais comme il a une bonne oreille, sa canne lui suffit.

À lire aussi : Je suis famille d’accueil pour les futurs chiens guides d’aveugles

Il a repris son travail d’enseignant, avec un•e assistant•e pour écrire au tableau et lui lire les copies. Il s’est mis à l’informatique avec synthèse vocale, et a commencé à enseigner l’utilisation de cet outil à d’autres aveugles et malvoyants. Il lit beaucoup, en braille et plus récemment avec des formats audio.

Grâce à lui j’ai d’ailleurs découvert que les livres audio sont très appréciables aussi pour les voyants. Ces dernières années les synthèses vocales arrivent sur les smartphones, et l’avenir apportera certainement d’autres technologies pour faciliter leur quotidien.

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Le regard des autres

Tout au long de ma vie, j’ai été confrontée à des réactions très variées de la part des personnes à qui j’en parlais. Les gens sont souvent surpris, ils ont des questions mais n’osent pas toujours les poser.

Souvent quand je dis que mon père est aveugle, on me répond « Non, c’est vrai ? ». Cette réponse m’amuse beaucoup, je vois mal comment je pourrais dire ça pour plaisanter ! À part cela, on m’a quelquefois demandé si ça ne me faisait pas « bizarre » d’avoir un père aveugle. Étant donné que je l’ai toujours connu ainsi, non. En plus de mon paternel, certains de ses amis qui sont aveugles et je les vois depuis que je suis toute petite, donc c’est vraiment quelque chose de très commun pour moi, alors que la plupart des gens n’ont pas cette habitude. Je comprends leur surprise, même si je m’en amuse gentiment.

Je n’ai rencontré que rarement des personnes ayant une attitude vraiment stupide face au handicap, la palme revenant à mon ancien voisin qui, voyant mon père passer dans le jardin, s’est exclamé « Mais, vous marchez ?! »… Il lui a répondu qu’il était aveugle, mais qu’il avait des jambes !

La plupart des questions « bêtes » révèlent juste l’ignorance de beaucoup de gens sur ce handicap, et après avoir rigolé un peu de la question, je leur explique comment mon père fait pour être autonome. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité écrire cet article. Certaines personnes ont des réactions de pitié, et elles ont tort, car mon père est quelqu’un d’épanoui, qui s’implique beaucoup dans tout ce qu’il fait, et je crois qu’il est heureux.

Une relation très riche, et un papa en or

Je me suis rendue compte une fois adulte de la qualité de la relation que j’ai avec lui, et je pense que son handicap l’a rendue encore plus riche. Beaucoup de choses passent par la parole, et on a une bonne communication. Il faut dire qu’on partage de nombreux points communs, scientifiques sportifs que nous sommes, alors on échange beaucoup sur mes études, sur des articles qu’on a lus, sur le monde…

On fait des randonnées ensemble, on court. Car oui, il peut faire tout ça : il randonne avec deux bâtons, uniquement guidé à la voix, et on court avec un lien autour du poignet. Il peut faire tellement de choses, en fait, je pourrais vous en parler pendant des heures !

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Ma seule frustration, c’est de ne pas pouvoir lui montrer certaines choses, comme mes photos, ou les vidéos où je danse. Mais ce n’est pas si grave, je lui décris toujours tout ce que je peux, et le reste il l’imagine.

Un jour il m’a avoué la crainte qu’il avait eue de n’être qu’un « demi-papa », mais pour moi c’est tout l’inverse. C’est un père formidable, il est toujours là pour moi, et j’ai beaucoup d’admiration pour lui. Il m’a appris que malgré les difficultés de la vie, on peut rebondir et se reconstruire. C’est un modèle pour moi, et je l’aime énormément.

À lire aussi : Christelle, bénévole à l’Association nationale des maîtres de chiens guides d’aveugles – Portrait

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Les Commentaires

4
Avatar de Iris.T
2 avril 2015 à 13h04
Iris.T
Oh la la mais ton témoignage est magnifique ! Tellement touchant que ça m'en a mis la larme à l'oeil dis donc
Je trouve ça trop beau de voir comment les gens peuvent surmonter leur handicap et continuer à profiter de la vie comme tout le monde, un modèle ton papa !
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Voir les 4 commentaires

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