Je n’ai quasiment aucun souvenir d’enfance avec mon père : même s’il était présent dans la vie familiale, tout s’est effacé, sauf peut-être les cris et les larmes.
L’alcoolisme de mon père… et notre famille
J’ai compris très jeune, grâce à ma mère qui n’a jamais voulu nous cacher la maladie, à ma sœur et moi. Mon père était — ou plutôt est — alcoolique. Une maladie dont, malheureusement, on ne guérit jamais vraiment.
Quand je suis entrée dans la période de l’adolescence, entre les petits tracas de ma vie de collégienne et la vie à la maison, ça n’a pas été de tout repos.
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L’alcoolisme est une addiction qui pourrit une famille bien comme il faut. Il y a le doute, le secret et le tabou : personne ne sait et personne ne veut savoir.
Malgré tout, ma sœur et moi avons eu une enfance heureuse grâce à une mère dotée d’une force incroyable et à la volonté de fer.
Quant à notre relation avec mon père, qui est une personne très introvertie de nature, elle était quasi inexistante. Je ne comprenais pas ce qu’il faisait chez nous et pourquoi on ne partait pas.
Puis ma mère a osé. Elle a demandé de l’aide, l’a bousculé, s’est énervée : il fallait qu’il se soigne sinon elle partirait. Elle a mis dix-huit ans à le faire, puisqu’il s’est soigné mais a rechuté un bon nombre de fois.
Alors notre histoire s’est construite au rythme des phases de dépression et d’alcoolisme lourd de mon père pendant lesquelles aucun dialogue n’était possible — seuls les cris avaient parfois un impact.
Une relation père-fille très difficile
Ça a été violent, psychologiquement violent. Ça m’a détruite, mais ça je ne m’en suis rendu compte qu’après mon départ de la maison, à dix-huit ans, quand j’ai moi-même dû faire face à la dépression après toutes ces années de souffrance.
Après avoir tenté de montrer à tous que j’étais la plus forte et que ça ne m’affectait pas, c’est moi qui ai sombré.
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Puis la vie a fait que le foyer familial s’est déconstruit. Suite à ça, deux choix s’offraient à moi : couper les ponts à jamais et laisser le passé et les souffrances derrière pour avancer, ou continuer à essayer de créer un semblant de relation père-fille — lien qui n’avait jamais existé jusqu’alors.
Aujourd’hui, je le vois régulièrement, autour d’un café ou d’un repas. Il y a et il restera toujours une énorme gêne, un mur entre nous deux, car on ne pourra effacer les mots, les paroles dites lors de violentes disputes.
J’ai essayé de me mettre en tête que « c’était la maladie qui parlait », de pardonner, d’oublier, mais c’est impossible. C’est ce qui m’a forgée, c’est mon passé, mon histoire, et c’est en partie ce qui a fait de moi celle que je suis aujourd’hui. Alors non, je n’oublierai pas.
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En conclusion…
Notre relation est très basique, ce n’est pas vraiment celle qu’un père entretient avec sa fille. Je lui donne des nouvelles car c’est important pour lui et je ne veux pas qu’il se sente seul et délaissé. Nous ne parlons toutefois plus du passé, et quand je vois qu’il a bu, je m’éclipse. Je ne vis plus avec lui alors c’est simple. C’est lâche, mais simple.
Peut-être qu’un jour il trouvera la force de résister, il se rendra compte du mal qu’il a causé — mais j’en doute. Je ne suis plus en colère, c’est juste dommage qu’une belle personne se détruise et fasse souffrir son entourage à ce point. Mais comme je l’ai dit, c’est une maladie, une maladie souvent très mal acceptée et comprise.
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Les Commentaires
J'ai l'impression d'avoir "beaucoup mieux vécu" l'alcoolisme de mon père que d'autres madz. Avec lui pas d'insultes ni de violence. Quand il boit il devient incohérent et s'endort petit à petit, ca pourrait être pire. Il ne fait pas non plus trop de choses stupides comme conduire en état d'ébriété. Ce n'est jamais arrivé ou alors je ne l'ai jamais su.
Mon père est quelqu'un de formidable et c'est la personne que j'aime et admire le plus au monde. Il est drôle, sociable et extrêmement intelligent. C'est un père exemplaire. C'est pour ca que j'ai eu du mal à comprendre comment il en était arrivé là, à se bourrer la geule tous les soirs pour pouvoir dormir un peu. Une personne intelligente aurait du pouvoir éviter ca non ? Il en a fallut du temps pour que je comprenne que l'alcoolisme est une maladie qui peut tous nous toucher, y compris les meilleurs d'entre nous. Mon père est intelligent, mais il est triste aussi et je pense que c'est pour ca qu'il boit.
J'ai mis dès années à me rendre compte qu'il était malade. Il a l'image d'un bon vivant, et la frontière entre un bon vivant et un alcoolique peut être floue. Ou alors je ne voulais pas le voir ? J'ai l'impression que ma famille et ses amis font la politique de l'autruche.
Je souffre de le voir comme ca et je m'en veux d'avoir fermé les yeux pendant si longtemps, voir encore aujourd'hui. J'en parle de temps en temps avec lui mais vu que j'habite à l'étranger ces discussions sont rares. Et quand je rentre en France je n'ose pas aborder le sujet parce que je ne veux pas gacher le peu de moments que l'on passe ensemble.
C'est très dure d'aborder le sujet, bien qu'on en parle toujours de facon posée (mais on finit inévitablement par pleurer ensemble). Dans notre famille on ne parle jamais vraiment des choses importantes. Je m'en veux tellement ! Je suis probablement la personne qui a le plus d'influence sur lui mais je ne fais pas assez. Et maintenant je suis si loin...
J'ai peur des coups de téléphone. Qu'on m'annonce son hospitalisation ou pire... Il ne prend pas le volant bourré mais je sais que parfois il sort dans cet état. Rien que de l'imaginer traverser la route comme ca m'angoisse. Et je suis si loin...Si quelque chose arrive je ne pourrai pas l'aider ou simplement être là.
Avant de partir à l'étranger j'étais allée aux Alcooliques Anonymes, mais du côté des proches (Al-Anon). Il y a des réunions spéciales pour eux (peut être pas partout en revanche...). Je crois qu'il y a plus de détails sur le site Al-Anon, si ca peut en aider certaines...
Courage à toutes !
Pardon pour le long post, j'en parle très peu d'habitude.