Avec à sa tête une nouvelle présidence depuis l’éviction du juge des enfants Édouard Durand, la Commission sur les violences sexuelles faites aux enfants a dévoilé lundi 5 février sa nouvelle composition et ses missions élargies. Sans pour autant rassurer les associations de protection de l’enfance.
Après plusieurs semaines de flou quant à son avenir, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) nouvelle mouture a enfin fait son retour lundi 5 février. Désormais présidée par Sébastien Boueilh, fondateur de l’association Colosse aux pieds d’argile, épaulé dans sa tâche par la pédiatre-légiste Caroline Rey-Salmon, l’instance a dévoilé sa nouvelle composition et sa feuille de route.
Moins de recueil de la parole des victimes de violences sexuelles
À la lutte contre l’inceste, qui était la principale fonction de la CIIVISE présidée par le tandem formé par le juge des enfants Édouard Durand et l’ancienne responsable associative Nathalie Mathieu, la commission va désormais devoir étendre son activité à d’autres missions : la prostitution des mineures, la lutte contre la cyberpédocriminalité, les mineurs handicapés ou encore les mineurs auteurs de violences.
Pourtant, assure Sébastien Boueilh, « il n’y a pas de rupture avec la CIIVISE 1 ». « On a repris le mot d’ordre ‘on vous croit’ en le complétant avec ‘on vous accompagne’ pour montrer le côté opérationnel de la CIIVISE 2 », a-t-il ajouté à l’issue de la première réunion de la commission, qui s’est déroulée sous l’auspice de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Les 39 nouveaux membres de cette CIIVISE ont aussi été dévoilés. Parmi ce collège « pluridisciplinaire et transversal », des magistrats, avocats, policiers, soignants, et membres des associations Colosse aux pieds d’argile, Face à l’inceste, l’Enfant bleu ou encore e-Enfance.
Le nouveau président de la CIIVISE a par ailleurs déclaré que l’instance aura pour principale mission de « suivre la mise en œuvre des 82 préconisations » que développait le rapport de la CIIVISE 1 en novembre 2023, en concertation « avec les différents ministères ». Pour le moment cependant, très peu ont été reprises et appliquées.
« Nous travaillerons sur le pilotage et le déploiement du plan de formation destiné aux adultes au contact des enfants », a déclaré le fondateur de Colosse aux pieds d’argile, qui a également annoncé qu’un « questionnaire à destination des mineurs victimes » va être élaboré afin qu’il soit « déployé à l’échelle nationale et à destination de toutes les personnes qui accompagnent les victimes mineures ». Le but étant d’« affiner la prévention » en mettant en lumière « les freins rencontrés dans leur parcours ».
Il n’est pas question, en revanche, de poursuivre les réunions publiques à travers la France, initiées par la précédente direction de la commission, et qui avaient permis le recueil de 27 000 témoignages. Pas d’annonce non plus sur les dispositifs mis en place ces dernières années, comme la plate-forme d’écoute spécialisée ou le site internet destiné à recueillir la parole de victimes de violences sexuelles.
« Maintenant, à l’action ! », a déclaré Sébastien Boueilh, pour qui la CIIVISE doit entre dans une « phase opérationnelle », avec pour priorités « l’accompagnement et la formation sur le terrain ».
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Déception et méfiance des acteurs de la protection de l’enfance
Si Catherine Vautrin a déclaré à l’AFP qu’elle accordait sa « confiance » à la nouvelle présidence de la CIIVISE pour « insuffler un nouveau regard et poursuivre le travail déjà engagé », c’est loin d’être le cas de nombreux acteurs de la protection de l’enfance.
En décembre dernier, douze membres de la CIIVISE avaient annoncé leur démission dans la presse pour protester contre l’éviction du juge Durand et de sa vice- présidente Nathalie Mathieu et pour mettre en garde contre un « changement de doctrine » de l’instance.
La première interview qu’avait accordé Sébastien Boueilh sur RTL, en compagnie de l’ancienne secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel, ne les avait pas rassurés, ce dernier ayant déclaré que « la CIIVISE doit d’être dans une approche globale, non clivante et non genrée ».
La nomination à ses côtés de Caroline Rey-Salmon, pose aussi question selon les acteurs de la protection de l’enfance. Membre de la CIIVISE à sa création en 2021, la légiste et pédiatre en avait démissionné en 2022 par opposition à une préconisation portée par la direction de la commission : celle de rendre obligatoires les signalements par les médecins.
La médecin-légiste a aussi tenu des propos ambigus concernant le « syndrome d’aliénation parentale », un pseudo-concept non-validé scientifiquement, mais toujours mobilisé dans les cours de justice pour décrédibiliser la parole des enfants victimes de violences.
D’ailleurs, si la nouvelle direction assure que les préconisations de la CIIVISE 1 seront mises en œuvre, certaines comme l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs ou l’obligation de signalement par les médecins seront « débattues », a promis la vice-présidente Caroline Rey-Salmon.
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