À l’approche des beaux jours et des selfies doigts de pied en éventail, un bon paquet de gens n’ont qu’une seule chose en tête : afficher des avant-bras couleur caramel, chasser les mois d’hiver à coup de monoï et éblouir leurs congénères par une mine ambrée. Mais chez moi c’est le même scénario qui se répète. Le tube de l’été a beau être un mélange de zouk, d’électro et d’arrières-trains remuant en rythme, le mien est et sera toujours… un tube de Biafine.
Je débute et conclus chaque été par un magistral FAIL. Le faciès rouge, je ne suis que peaux mortes et brûlures. Recouverte de crème solaire, je reste telle que j’ai été conçue : aussi colorée qu’une statue de marbre.
Pourtant, cette année, j’ai eu une illumination. Cette année, je ne tenterai pas d’atteindre l’impossible. Cette année je ne bronzerai pas.
Mon corps, ce troll
Petite, il m’arrivait de prendre quelques couleurs. C’est à partir de mon adolescence que ma peau a changé. Elle m’a annoncé que ça allait bien cinq minutes, que le derme cuivré était réservé aux habitants de Dorne. Elle pensait sans doute me faciliter la vie, me rendre plus digne et fière…
Ma peau avait sans doute oublié qu’en 2014, la poudre de riz n’est plus le fond de teint à la mode.
Face à l’exposition de cuisses galbées, luisantes, magnifiées à coup de X-Pro II, j’ai rarement su résister à l’appel des rayons lumineux. Je voulais ne pas être la fille qui se fond dans le sable, tel un crustacé attendant sa proie. Je m’imaginais devenir celle qui secoue sa crinière, tenant sa planche de surf dans une main tandis qu’elle remonte son maillot trop lâche, laissant entrevoir son sillon inter-fessier, de l’autre.
Oui, j’ai été élevée par FilleTV.
En fait, je vis un éternel recommencement. Tous les ans, je sens que ça va être la bonne. Je me prépare psychologiquement. J’achète les meilleures produits censés me protéger tout en me dorant l’épiderme. Je m’expose aux heures qu’il faut, comme il faut. J’ai enfin un petit résultat. Je remercie les dieux par une danse du soleil à base de roulade dans l’herbe (en évitant les abeilles butinant les pâquerettes). Je suis heureuse. Et puis j’enfile mon bikini, je vais sur la plage et, inévitablement, je passe pour une troglodyte.
Malgré tous mes efforts et avec l’aide de toute la cosmétique et des pilules miracles, je suis toujours la naïade la plus blanche du rivage.
Capitaine Flamme, tu n’es pas…
Le principal problème de ma peau, c’est qu’elle ne sait pas être modérée. Elle ne passe jamais par des stades intermédiaires. Si je passe plus d’une quinzaine de minutes au soleil sans m’être tartinée de crème, je me transforme en torche humaine. Je passe d’Otaria à Reptincel en moins de temps qu’il faut pour lancer une attaque Éclair.
Crois-moi, enfiler régulièrement mon costume de Ghost Rider façon feu de la Saint Jean n’est pas de tout repos ! Je ne peux plus dormir couchée sur le ventre, ni sur le dos, ni sur le côté… c’est presque aussi chiant que quand je portais ma force-extra orale. Je mets en place un périmètre de sécurité vis-à-vis de toute menace externe, comme les griffes de mon chihuahua ou un encadrement de porte dont j’aurais mal calculé la largeur.
Si ça continue comme ça, je vais finir par dévorer des coquilles d’oeufs.
Malheureusement, le teint de crabe ébouillanté n’est pas non plus à la mode en 2014.
Eh merde.
Like the legend of the Phoenix
Cette année j’ai enfin compris qu’il ne servait à rien de lutter contre Mère Nature. S’il est impossible pour un lombric de devenir papillon, je ne pourrai jamais être plus gracieuse qu’un Burning Man sur le sable fin. Au fond, tant que je ne finis pas carbonisée, y a pas mort d’homme !
Du coup, j’ai enfin réussi à me caser au fond du crâne que c’était pas si mal d’avoir la peau pâle, qu’au lieu de vouloir à tout prix y remédier, je ferais mieux de mettre cet aspect de mon corps en valeur, d’apprendre à m’habiller et me maquiller en conséquence. Surtout, je devais apprendre à lever la tête et à me rendre compte que je ne suis pas la seule à arborer un teint de porcelaine sur le sable chaud !
Et si le problème reste encore et toujours le regard et les réflexions d’autrui, à base de « cachet d’aspirine », j’ai décidé de faire un travail sur moi-même pour tenter de ne plus y prêter attention.
C’est toujours difficile d’entendre « Ah, voilà les Irlandais en vacances » ou « C’est un crime d’exposer de telles escalopes de dinde », mais je prie très fort pour que les mentalités changent et qu’on finisse par arrêter de vouloir changer nos gènes à tout bout de champ.
En attendant, je file m’acheter une ombrelle pour me la jouer vintage et je vais refaire mon stock de crème solaire. J’ai un été à passer en paix avec mon épiderme.
Décalégouada hou hou.
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