Dès mes premiers jours en Suède j’ai senti un truc bizarre. Les gens étaient différents, ils évoluaient différemment dans les rues. Ils avaient un je ne sais quoi (que d’autres n’ont pas). J’ai fini par mettre le doigt dessus. Les Suédois-es ont l’esprit pratique.
Vous avez peut-être en tête le stéréotype du Suédois né avec le gène du design. Le bon vieux mythe IKEA quoi : des appartements nickels d’où rien ne dépasse, parfaitement optimisés du tiroir à couverts à l’étendoir à cravates. Tout serait bien agencé tout en restant simple, joli et propre. Qu’en est-il en réalité ? Et bien c’est exactement ça. Il est vrai que comparativement à nous, les Suédois-es consacrent beaucoup de temps et d’argent à l’aménagement de leur petit nid douillet. C’est compréhensible vu qu’ils y passent le plus clair de leur temps lors des longues nuits d’hiver. Admettons. Mais ça ne s’arrête pas là. Ce monde bien rangé s’étend aussi à la sphère publique. Et dans ce domaine, je peux affirmer que la France a vraiment beaucoup à apprendre de la Suède. Car oui des gens qui réfléchissent à l’organisation de l’espace public et au bien-être général de la population ça existe. Et des habitants qui respectent les lieux publics, ça existe aussi.
Première chose qui révolutionne votre quotidien en Suède : l’espace. J’ai tendance à considérer qu’un « espace » public n’en est pas un si les gens s’y entassent les uns sur les autres. Bon, ce n’est pas vraiment notre faute si la France affiche une densité de 112 habitants au km² contre 20 en Suède. Forcément nous avons davantage tendance à nous marcher dessus (particulièrement en ville). Quoi qu’il en soit, les Suédois-es ont de la place et ça se voit. Le prix du m² étant relativement peu élevé, se limiter à une boutique de 15m² n’aurait aucun sens. Résultat vous trouverez fréquemment des supermarchés où trois caddies peuvent se croiser, des places de parking pour voitures et vélos en nombre suffisant (mais qui a eu cette idée de génie ?) et de larges trottoirs. Dans les cafés on part du principe que tout le monde a un manteau (c’est brillant !) donc on met des portemanteaux à votre disposition et une « table pour deux » signifie que vous avez la place d’y manger, d’y poser votre sac et votre ordinateur et d’installer la poussette de votre bébé à côté. Et en plus elle n’est pas bancale. Amen.
Toujours en relation avec cette notion d’espace, la grande majorité de l’environnement urbain est accessible aux personnes en fauteuil roulant (ou promenant une poussette donc)
. GROS GROS BIG UP ! Et quand je dis accessible, je veux dire que les rampes d’accès, ascenseurs et escalators sont visibles et bien indiqués hein, pas cachés dans une sombre ruelle ! La mentalité suédoise est la suivante : tout le monde doit pouvoir travailler, étudier, se déplacer sans entrave. Même s’il y a sûrement encore des progrès à faire en rase campagne, les passages piétons des grandes villes sont équipés de signaux sonores pour les non-voyants et le bouton pour signaler sa présence FONCTIONNE réellement et fait passer le petit bonhomme au vert (je n’ai jamais compris comment les ingénieurs français concevaient les leurs mais on est tous d’accord pour dire que c’est la plus grosse arnaque du siècle, non ?). Enfin aucun bus ne se voit affubler de cette stupide barre au milieu des portes qui empêche les poussettes et fauteuils de passer. Comment ? Du bon sens vous dites ?
Enfin, non seulement les espaces sont vastes, aérés, verts (la nature occupe une place primordiale en Suède, on y reviendra) mais également bien aménagés. Des poubelles d’abord. Partout. Intérieur, extérieur, dans les bus et les trains. De 36 sortes différentes (on recycle !) et rarement pleines. Le métro est propre (il n’existe qu’à Stockholm mais il vaut le détour : chaque station est décorée par un artiste), tout comme les toilettes publiques qui ne manquent jamais de papier (c’est magique). Le mobilier urbain est à la fois sobre, fonctionnel, confortable, voire étiqueté développement durable. Beaucoup de choses sont traduites en anglais pour les étrangers et quand ce n’est pas le cas vous vous en sortirez avec des pictogrammes limpides. Petite digression pour comparer : mettez-vous deux secondes dans la peau d’un non-francophone qui veut acheter un ticket de métro à Paris. Sous réserve que le guichet soit fermé et/ou que la personne qui s’y trouve comprenne mal l’anglais (90% des cas de figure au bas mot), c’est tout bonnement impossible : le distributeur ne propose pas de traduction en anglais ! Et on parle de PARIS, la capitale mondiale du tourisme !!! Sérieusement, qui a conçu ces automates ? Certainement pas un Suédois.
Ceci est une station de métro. À la cool.
Bref, évoluer dans les rues suédoises est facile et agréable mais le sens pratique des architectes n’est pas la seule raison à cela. Pourquoi ça marche ? Parce que personne ne tague, personne ne brûle les poubelles, personne ne pique les fleurs dans les jardinières publiques, personne ne laisse son chien s’oublier au milieu du trottoir. L’espace commun est un lieu de partage et les Suédois-es font du vivre-ensemble une valeur fondamentale (j’aurai l’occasion d’en reparler). Je sais bien que les plus grosses incivilités sont le fait d’une minorité de personnes mais ça me fait toujours un peu de peine de me dire « Tiens, c’est trop cool ça mais ça ne serait pas possible en France car ce serait sali, dégradé, volé en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire ». Par exemple les fauteuils dans les halls des gares, le piano à queue en libre-accès dans mon université, les bibliothèques improvisés (sur le principe « tu apportes un livre / tu empruntes un livre ») et de manière générale tout ce qui est mis gratuitement à la disposition des gens. Ces initiatives existent mais sont bien plus rares en France.
Alors à ton avis que faudrait-il faire en priorité pour améliorer le quotidien français : la conception des lieux publics ou le comportement des passants ? Es-tu à la recherche d’un univers finalement assez aseptisé ou te sens-tu plus à l’aise dans un café surpeuplé, bruyant, un peu crasseux mais peut-être plus authentique ?
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Les Commentaires
Tu me fais penser qu'on a été choqués à plusieurs reprises au restau aux États-Unis de voir des gens laisser la moitié, voire plus, de leur assiette. Je ne l'ai pas vu tout le temps, mais assez souvent pour que ça me surprenne vraiment.
Je me souviens particulièrement d'un restau en Floride, je regardais un peu mes voisins parce qu'on était tous sur la même table (restau japonais avec grandes tables/barbecue), d'un côté il y avait des touristes mexicains, de l'autre des américains, les américains ont emporté la moitié de la nourriture restante en doggy bag mais par contre, alors qu'un groupe comme l'autre avait recommandé des bières et des sodas, ils les ont laissés, entamés au mieux aux 3/4, voire pas du tout, j'étais hallucinée (pourtant ils avaient payé) !
Mais maintenant que j'y réfléchis je l'ai vu beaucoup plus souvent sur les boissons que sur la nourriture (du fait sans doute qu'on peut l'emporter sans souci, ce qui est super), à croire que ça paraît "moins grave". Bon, après, vu les verres parfois énormes qu'on nous servait, j'avoue que quelques fois j'en ai laissé un peu aussi, mais pas tout un verre, et surtout voir des gens recommander une boisson pour en boire seulement une gorgée, je ne comprends pas Et je l'ai vu encore plus quand les boissons étaient à volonté.
Pour les journaux, il y a tous ceux gratuits à Paris (et dans toutes les grandes villes de France) en libre-service (20 minutes, Métro, Direct Matin, etc) et je n'ai jamais vu personne en prendre deux.
Je pense que quand les choses sont en libre-service comme ça, hormis des cas particuliers, la plupart des gens (quelque soit leur nationalité) sont assez reconnaissants et respectueux pour ne pas oser "casser" le système.
Sinon j'ai trop envie d'aller en Suède