En 1ère année de BTS, j’ai dû trouver un stage — rien d’étonnant jusque là — et donc envoyer les fameuses lettres de motivation pleines d’enthousiasme.
Seulement deux jours plus tard, une petite entreprise en plein centre-ville voulait me rencontrer, moi, jeune étudiante sans aucune expérience (je me suis renseignée : le baby-sitting passé a regarder la télé ne compte pas vraiment).
Après un entretien plutôt normal, on me dit que c’est bon, je suis prise et pourrait faire mon stage en fin d’année.
Des bruits de couloir un peu inquiétants
Mes deux mois de stage furent instructifs, responsabilisants et dans une ambiance plutôt détendue. Le patron n’était pas souvent là, et personne ne pouvait dire où il se trouvait (un peu étrange dans une structure de 6 salariés, mais bon, je n’ai pas trop cherché a comprendre).
J’entendais bien parler parfois de problèmes de trésorerie, de primes non versées à certaines compagnies, mais le problème était toujours minimisé devant moi.
Lors de ma dernière semaine, le Saint Graal arrive : je suis convoquée chez la direction, on me veut en CDD ! Champagne, trompette et cotillons, j’ai un boulot !
« Il a recommencé, il est parti et il manque 35 000€ »
Pourtant ce mois de juillet c’est l’horreur : dès la première semaine, la comptable arrive en larmes, en disant qu’« il a recommencé, il est parti en Belgique et il y a un trou de 35 000€ dans la compta ». « Quoi ? il a recommencé ? », s’insurge une des commerciale. Euh recommencé quoi ? Puis 35 000 € ? Et comment ça la Belgique ? JE NE COMPRENDS RIEN.
Et là, c’est le gros déballage : mon super job d’été est un plan pourri, le patron a déjà fait de la prison, était sous le coup d’une interdiction de monter une entreprise, et il pioche régulièrement dans la comptabilité de la boîte. Douche froide. Ça fait 5 mois que les salaires sont versés en retard, et non seulement il ne reste rien, mais TOUS les soldes sont dans le rouge et avec beaucoup de zéros !
Sans salaire, comment faire ?
Le mois continue, le chef reste cloîtré dans son bureau et refuse tout dialogue, les appels des créanciers, fournisseurs, partenaires se font de moins en moins courtois, de plus en plus fréquents et menaçants. Que peut faire un salarié dans cette situation ? Rien. Au risque de se voir licencier pour faute grave : abandon de poste…
Le patron (vue d’artiste)
Évidemment, ton entourage te dit « Ah bah je sais pas comment tu fais, venir travailler pour rien là, pour la gloire moi je pourrais pas ! Et le patron, j’sais pas comment tu fais pour lui adresser la parole ! » : merci du soutien ! Il y a une part de vérité là-dedans, mais je ne pouvais rien faire, rien dire.
Tous les jours, je voyais mes collègues pleurer, annuler leurs vacances, ne pas savoir comment continuer à faire plaisir aux enfants… Pas de salaire, ça veut aussi dire pas de nourrice : une fois, une employée est venue travailler avec son fils, pour montrer son « mécontentement », mais le patron n’a pas réagi.
Déjà en redressement judiciaire, nous n’attendions qu’une chose : la liquidation.
Direction les prud’hommes
Vous vous en doutez, fin juillet nous n’avons pas eu de salaire. L’entreprise a fermé, les locaux ont été bouclés. En août, pas d’amélioration ; c’est là que nous avons décidé d’attaquer aux prud’hommes.
Nous avons eu la chance de voir notre demande traitée en urgence : notre audience a eu lieu mi-septembre. Le patron était là. Stressé ? Angoissé ? Honteux ? Que nenni ! Il est venu en jean, décontracté et sans avocat !
Ok, il n’a pas versé les salaires, ok, « peut-être qu’une ou deux fois » il s’est servi dans la trésorerie… M’enfin, les conditions financières sont dures pour tout le monde ! (Oui, il est sérieux.)
Personnellement, j’avais un avocat qui a pu faire la plaidoirie, mais une amie en apprentissage n’a pas eu cette chance ; elle a dû se débrouiller seule, et croyez-moi, avec le stress, tout le tribunal qui te regarde et le patron qui sourit, c’est pas évident.
En novembre, un virement des prud’hommes, et basta
L’audience dure 10 minutes, et rien. Strictement rien.
Tu dois attendre 3 semaines pour recevoir un courrier qui te dit que « nous avons l’honneur de vous annoncer que le tribunal des prud’hommes a tranché en votre faveur concernant l’affaire XDFR125 »… Et donc ?
Monsieur machin doit vous payer. Ah. Et comme c’est un escroc et qu’il est insolvable ? Bah faut attendre. Merci monsieur le juge. J’attends alors.
Ah enfin un appel ! Oups, c’est l’avocat qui veut ses 200€ (oui je l’ai vu 10 minutes, et je ne connaissais pas ses honoraires, j’ai voulu me crucifier par la suite).
J’ai fini par recevoir un virement du montant de mon salaire mi-novembre ; contrairement à ce qu’il y avait écrit sur l’acte, on ne m’a jamais remboursé les frais de justice, ni les frais supplémentaires.
Mes collègues ont dû faire divers prêts afin d’assurer la rentrée scolaire des enfants, de pouvoir rembourser le crédit de leur maison, ou juste de pouvoir manger.
Voyons le verre à moitié plein, pour conclure : vivre ça pour ton premier emploi c’est pas mal… ça ne peut que mieux se passer pour le suivant !
Et toi, quelle est ton expérience avec les prud’hommes ?
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Les Commentaires
Je n'ai pas trop bien compris. Même s'il est difficile de trouver du travail en France, je me dis que je n'accepterai pas d'aller travailler sans salaire, et qu'au bout de quelques semaines de ce traitement, je démissionnerai. Mais est-ce que ma démission serait une "faute grave"?? Voilà c'est le point que je n'ai pas saisi, je ne suis pas très expérimentée et pas très au fait de la législation...
Merci !