Chaque semaine dans Célib, des personnes de tous genres nous racontent les joies et les questionnements de leur célibat, qu’il soit choisi ou subi. Rencontre avec Patricia, 38 ans.
- Prénom : Patricia
- Âge : 38 ans
- Lieu de vie: en Île-de-France
- Orientation sexuelle et/ou romantique : hétérosexuelle
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Je suis célibataire depuis quinze ans et sans relation ni amoureuse ni sexuelle depuis dix ans. Je me considère presque comme une célibataire « radicale », sans amourette ni coup d’un soir depuis dix ans !
Mon premier amour a été à 17 ans et il en avait 30 à l’époque, en couple et avec enfants. Donc j’étais sa maîtresse, pas idéal pour commencer sa vie amoureuse… Aucun problème de consentement mais j’étais néanmoins jeune et sans expérience. Cela s’est terminé avec le goût amer que certains hommes ne tenaient pas leur engagement, étaient peu fiables. Le peu d’autres histoires se passaient toujours de la même façon : j’étais séduite et tellement flattée que l’on daigne s’intéresser à moi, que j’acceptais tout et m’oubliais complètement. À 28 ans, après quelques relations d’un soir entrecoupées de plusieurs mois d’abstinence sentimentale et sexuelle, j’ai commencé à me demander pourquoi je m’infligeais cela. Je commençais à écouter des discours féministes et aussi de développement personnel, et j’évoluais doucement mais sûrement vers une meilleure estime de moi, ou en tous cas une meilleure écoute de mes attentes.
Comment décririez-vous votre célibat ?
Je vis ma vie de célibataire plutôt tranquillement ces dernières années. Comme beaucoup de jeunes femmes, je me suis demandé ce qui clochait chez moi, car je n’ai vécu aucune sollicitation ou rencontre durant mon adolescence. J’ai vite compris que j’occupais souvent le rôle de « bonne copine », celle que les copines emmènent avec elles en soirée pour se rassurer et que les copains désignent comme la fille « cool », mais avec qui ils ne sortiraient jamais. Je me rappelle qu’à l’époque cela m’a beaucoup blessée, mais c’est un état de fait. Qui plus est en tant que femme noire en France, on ressent qu’on ne fait pas partie des premiers choix.
Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ou familiale ?
Non, car j’ai fait en sorte que cela n’en ai pas. J’ai coupé les ponts ou fait comprendre au fil du temps à celles et ceux qui ne comprenaient pas mes choix qu’ils n’avaient pas leur place dans ma vie. Mes amis me connaissent bien, la plupart depuis plusieurs années. Comme je suis aussi exigeante en amitié qu’en amour, j’ai su et eu l’opportunité de m’entourer de personnes bienveillantes. Cela a été un travail de longue haleine, maillé de déceptions mais aussi de rencontres intéressantes. Ce « tri » me permet de conserver un certain équilibre dans ma vie.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur votre moral, au quotidien ?
Oui cela peut parfois être pesant au quotidien. Plus que le célibat, c’est le choix de la solitude – je vis seule – qui me pèse. Il faut penser à tout, quand on est malade – fût un temps, je ne m’autoriserais pas à l’être, ce qui m’a rendu plus malade –, il faut conserver suffisamment d’énergie pour aller ou appeler le médecin, passer chercher ses médicaments à la pharmacie… C’est une charge mentale dont on ne peut se délester auprès de personne. Néanmoins il y a parfois des petites et de grandes victoires à essayer d’accomplir les choses par soi-même. Surtout quand on se rend compte dans son entourage ou dans la société qu’être entouré n’apporte parfois pas davantage d’aide malheureusement.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Oui, comme voyager, entreprendre, prendre des risques vus comme inconsidérés. L’an dernier, j’ai dû dépenser une somme importante par rapport à mes revenus pour un projet personnel. Je pense que si j’avais eu une famille, notamment avec enfants, cela aurait été déraisonnable, à la fois de mon point de vue mais aussi par mon conjoint, et à raison. Mais c’était important pour moi, je suis heureuse de pouvoir faire des choix pas uniquement d’un point de vue économique, mais parce que cela me fait envie.
À l’inverse, pensez-vous qu’être célibataire vous empêche de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?
Auparavant non, mais maintenant que je souhaite entreprendre des projets plus chers et plus « conventionnels », je me rends de plus en plus compte que la société est basée sur un modèle favorisant les couples et les familles, en tous cas en France. Je souhaitais accéder à la propriété, acheter une petite maison en province – car mon travail le permet –, une trop petite pour une famille avec enfants. Mais les banques ne suivent pas, car pas suffisant de fonds propres garantis. La redescente sur terre est un peu brutale, mais je suppose que c’est le prix à payer de ma liberté de ces dernières années et encore maintenant.
Le lieu géographique où vous vivez a-t-il un impact sur votre rapport aux relations amoureuses ?
Je vis à proximité d’une grande ville donc à l’époque où je voulais faire des rencontres, ce n’était a priori pas un problème. Après, ce n’est pas pour autant que j’en faisais donc tout est relatif.
Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ?
Non plus du tout. C’est même tout le contraire. J’ai longtemps crû que LA rencontre arriverait sur le tard, quand les hommes que je recherchais seraient plus matures (divorcés !). Mais si je veux être honnête, je pense que c’est trop tard. J’ai pris des habitudes de célibataire et surtout de solitaire : même lors de soirées ou de week-ends entre amis, j’arrive de plus en plus rapidement à saturation. J’ai besoin de retrouver le calme et la sérénité de mon appartement, mes affaires, mon environnement… Cela me désole un peu mais je le constate de plus en plus. Plus j’avance dans le temps, plus le besoin de me retrouver seule avec moi-même est prégnant. La seule compagnie que je supporte sur le long terme… c’est celle de mon chat car pas le choix !
Je n’utilise plus non plus d’applications de rencontres. Il y a eu du Meetic, du adopteunmec.com. Je me disais à mes amies à l’époque que c’était « pour vérifier que la machine fonctionnait toujours ». Je suis assez critique avec la « moi » de cette époque car finalement c’était plus pour correspondre à ce que l’on attendait de moi que mes propres attentes. Il y a parfois des rechutes notamment à l’approche des fêtes de fin d’année mais je désinstalle tout au bout de quelques jours tellement je trouve l’entreprise vaine.
Comment décririez-vous votre rapport aux rencontres ?
Je crains que je me décrivais mal et que j’étais incapable de sélectionner quelqu’un qui m’aurait intéressée. Je cherchais un double de moi au masculin, aimant les mêmes choses, riant aux mêmes choses… Cela ne pouvait donc conduire qu’à l’échec.
Aujourd’hui, je ne ressens plus de pression car j’ai choisi de m’en affranchir et parce que j’ai la chance d’avoir un entourage soucieux de mon bien-être actuellement.
Le célibat amoureux a-t-il un impact sur votre vie sexuelle ?
Ma libido me fiche la paix, cela n’a jamais vraiment été un problème ayant eu des règles compliquées et très tôt (hémorragiques), il y a fort à parier que cela a joué.
Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Étrangement, je l’ai surtout ressentie au travail, donc là où je ne pouvais choisir les personnes que je côtoie, contrairement à ma vie personnelle. Des remarques sur le fait que je sois « toujours célibataire à mon âge », qui plus est sur le fait que je n’ai pas d’enfant et n’en souhaite pas. Surtout de la part de femmes. Beaucoup de personnes ont besoin de faire rentrer les choses, les gens dans des cases. Il y a aussi le personnel médical qui n’est pas toujours bienveillant avec des phrases du genre « si vous êtes homosexuelle, vous pouvez le dire, je suis quelqu’un de très ouvert »… mais pas suffisant pour entendre que je préfère être célibataire.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur vos finances ?
Il y a l’accession à la propriété qui est difficile, voire impossible actuellement en France. Comme j’ai fait le choix d’être célibataire, mes revenus sont moins importants que ceux de certaines familles où il y a deux adultes ayant un revenu. Le budget vacances est souvent plus important même si j’ai remarqué une différence sur un point : les AirBnB par rapport aux chambres d’hôtel. Les hôtels ont toujours facturé à la chambre alors que les AirBnB le sont par rapport aux nombres d’occupants ! Du coup souvent plus économique de partir au moins en duo avec un copain.
Quels sont vos projets pour le futur ? Le célibat a-t-il un impact sur ces envies et ces projections ?
Je vais devoir revoir certaines de mes prétentions en termes de projets… ou changer mes projets. Je suis embarquée dans une carrière professionnelle qui me convient bien mais je sais d’avance que mes revenus ne vont guère augmenter dans les prochaines années, en raison de ce choix. Je n’ai pas encore trouvé de solution miracle pour améliorer mon confort de vie, c’est un terrain qu’il me reste à investir. Je continuerai de voyager mais je vais ralentir sans doute le rythme afin de pouvoir augmenter mon pécule.
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Les Commentaires
C'est comme si le célibat était toujours présenté comme un “moment difficile à passer”. Quand le célibat des hommes est considéré comme temporaire, le célibat féminin est perçu comme une sanction. S'il n'enlève rien à l'homme, il peut enlever à la femme la possibilité de maternité, sa “destinée sociale”... Les valeurs à l'œuvre sont implicitement toujours les mêmes, comme si l'objectif était toujours de réussir à “se caser”. Trouver l'amour , trouver l'âme sœur , refaire sa vie, tellement d'injonctions qui nous sont transmises depuis l'enfance...