Vous en avez marre que l’imaginaire de votre garçon ne soit nourri que de récits valorisant la masculinité toxique ? On a déniché pour vous une petite pépite : Patatouille ! Un matin chez Solal surgit Pat, un monstre poilu qui a de drôles d’idées sur la façon de se comporter lorsqu’on est un garçon. Heureusement, Solal va l’aider à se sentir mieux et plus libre.
À l’occasion de la sortie du livre le 12 janvier dernier, on avait rencontré son autrice Tiffany Cooper pour parler d’éducation et de représentations inclusives.
Madmoizelle. Comment vous est venue l’idée de créer Patatouille, cette bête imaginaire poilue et dégoûtante ?
Tiffany Cooper. Au départ pour ce livre, j’avais envie de créer un personnage qui représenterait le patriarcat. Donc forcément, j’ai pensé à un monstre ! Au début, je l’ai dessiné propre sur lui et avec un air gentil. Ce sont mes éditrices qui m’ont fait remarquer qu’il avait l’air bien sympathique, ce qui est un peu antinomique avec le patriarcat !
Du coup j’ai fait le test de le dessiner carrément cracra, avec les poils en pétard, des gros cernes, la gueule un peu cassée et des mouches qui volent autour de lui… et là on s’est dit que c’était beaucoup plus drôle et cohérent comme ça !
Le nom Pat m’est apparu comme une évidence un jour : Pat pour Patriarcat. Et j’ai pensé au surnom « Patatouille », parce que c’est ce que je dis à mon fils quand il fait l’imbécile. Et il faut dire que ça va plutôt bien à ce monstre !
En continuant d’éduquer les garçons de façon genrée, on entretient le patriarcat (…)
Votre livre parle des activités proposées aux garçons, de leurs vêtements, des tâches ménagères… Pourquoi avez-vous choisi de traiter ces thèmes en particulier ?
Tiffany Cooper. J’ai souhaité aborder ces thèmes là, car ce sont des situations de la vie courante où les enfants sont amenés à intégrer des notions sexistes malgré eux. Il me semblait important de dire que toutes les couleurs sont pour tout le monde, qu’on est gentil avec tout le monde (même les gens qu’on n’aime pas), que tout le monde doit participer à la maison, que tous les sports et tous les jeux sont pour tout le monde !
Ça paraît évident dit comme ça, mais quand on voit le nombre d’enfants de 6-7 ans qui pensent que le rose ou la danse ce n’est que pour les filles et que le foot et les superhéros c’est que pour les garçons, on se dit qu’il faut lire ce livre à tous les enfants dès leur plus jeune âge pour mettre fin aux idées reçues !
Ce genre de message est d’ailleurs souvent transmis par des adultes dans l’entourage de l’enfant qui ne se rendent même pas compte qu’ils entretiennent des idées sexistes. Ce livre peut donc aussi faire office de piqûre de rappel à certains adultes !
À la base, les tout petits garçons naissent innocents et sans ces idées genrées et sexistes ! Ça veut dire que c’est quelque chose qu’ils apprennent.
Pourquoi avez-vous voulu parler de normes de genre imposées aux garçons, et pas aux filles ?
Parce que du côté des filles, c’est plutôt bien assimilé déjà : tout le monde ou presque a bien compris qu’une fille peut aujourd’hui faire ce qu’elle veut. En tout cas, une petite fille qui aime le foot ou les sciences, aujourd’hui c’est valorisé.
Alors qu’un petit garçon qui aime mettre du rose, se déguiser en princesse ou faire de la danse, ça inquiète malheureusement encore beaucoup de gens ! En continuant d’éduquer les garçons de façon genrée, on entretient le patriarcat, avec les conséquences qu’on connaît : les petits garçons apprennent à museler leurs émotions, sont encouragés à faire usage de la violence et assimilent petit à petit l’idée que le féminin est négatif (« Pourquoi tu pleures ? T’es une fille ou quoi ? ») et que le masculin est positif, donc supérieur. Ce qui entretient la domination des hommes envers les femmes et toute autre minorité. C’est ça que je veux détruire à la racine.
Parce que, à la base, les tout petits garçons naissent innocents et sans ces idées genrées et sexistes ! Ça veut dire que c’est quelque chose qu’ils apprennent. Et il faut que ça cesse. Tout le monde aurait à bénéficier d’un monde plus juste et plus égalitaire.
Solal représente l’homme blanc cis hétérosexuel avant son formatage sexiste. J’ai voulu l’appeler Solal parce qu’en hébreu ça veut dire « guide » ou « Qui montre le chemin ». Pour un garçon qui refuse les injonctions patriarcales, je me suis dit que ce serait tout un symbole !
Dans Patatouille, on ne voit pratiquement pas d’adultes. Pourquoi ?
J’avoue que je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas fait exprès ! Mais c’est peut-être parce que j’ai beaucoup lu des livres Peanuts (Snoopy) et Calvin & Hobbes quand j’étais petite, où les parents sont quasi inexistants !
Ce qui m’intéresse c’est de me mettre à l’échelle de l’enfant, d’entrer dans son univers à lui. Solal représente l’homme blanc cis hétérosexuel avant son formatage sexiste. J’ai voulu l’appeler Solal parce qu’en hébreu ça veut dire « guide » ou « Qui montre le chemin ». Pour un garçon qui refuse les injonctions patriarcales, je me suis dit que ce serait tout un symbole !
Pensez-vous que les ouvrages jeunesse renforcent des normes de genre oppressives, ou du moins n’en font pas assez pour promouvoir l’inclusivité ?
Ça a longtemps été le cas, oui. Notre génération a baigné dans des histoires de valeureux chevaliers (blancs) qui partent à la guerre et de princesses (blanches et minces) qui attendent l’amour enfermées dans des donjons… Il était temps que ça change ! Heureusement, avec la nouvelle vague de féminisme, depuis quelques années on commence à voir les représentations changer et les récits devenir de plus en plus inclusifs.
Avez-vous l’impression d’observer de meilleures représentations dans les contenus proposés aux enfants en matière d’inclusivité ?
Oui, heureusement ! Grâce notamment à des maisons d’éditions comme On ne compte pas pour du beurre, qui a justement comme objectif de proposer des livres inclusifs pour les enfants. C’est pour ça que j’ai voulu publier Patatouille avec elles ! Aujourd’hui il existe de plus en plus de livres inclusifs et non genrés géniaux : Princesse Kevin, Julian est une sirène, Amour, gloire et crottes de nez, L’amoureuse de Simone, Le rouge à lèvres…
Les représentations changent dans les dessins animés aussi : Pixar a récemment sorti Alerte rouge, un dessin-animé dont l’héroïne est une petite fille asiatique qui traverse les affres de l’adolescence, et Disney vient de sortir Avalonia, qui représente entre autres un petit garçon métis amoureux d’un autre garçon ! Il était temps !
Patatouille de Tiffany Cooper aux éditions On ne compte pas pour du beurre, 14€ les 36 pages.
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Crédit de l’image à la Une : © On ne compte pas pour du beurre
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