Précédemment dans #62jours : Contre vents et marées, ajuste tes voiles
« Demain est un autre jour » m’a-t-on souvent répété. Demain, c’était surtout l’inconnu, et en même temps, une forme de continuité. C’est le lien entre le présent et le futur, celui qu’on peut presque atteindre. C’est sans doute pour ça qu’on lui refile tout ce qu’on ne fait pas dans la journée.
Demain, pour moi, c’est tantôt une excuse pour procrastiner, tantôt une menace d’échouer. C’est parfois un déni, parfois un espoir.
Je crois que j’ai toujours vu demain comme une feuille blanche, sur laquelle je projetais une infinité d’idées et d’émotions en permanence.
C’est pour ça que je n’arrivais pas à vivre dans le moment présent : je pensais à demain. Quand ça va pas, je me dis que demain sera meilleur. Et quand demain me promet une montagne de travail et de pression, je me dis qu’après demain, ça ira mieux.
Je n’étais pas la meilleure version de moi-même lorsque je m’évitais systématiquement au présent.
Je travaille pour mon avenir (et j’oublie de vivre au présent)
J’ai commencé cette fuite dès mon plus jeune âge, quand j’ai enregistré que je travaillais à l’école « pour mon avenir ». Je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais apparemment, ça m’emmènerait quelque part.
L’avenir, c’était à la fois une motivation et une menace : c’est suffisamment loin pour se permettre des écarts, et suffisamment flippant pour rester dans le rang.
L’avenir, c’est déjà l’inconnu, alors s’écarter du chemin qui emmène déjà vers l’inconnu, j’te raconte pas l’angoisse…
C’est comme ça que j’ai commencé à me projeter sans arrêt dans le futur, plus ou moins proche. C’est une véritable fabrique à angoisses : je ne sais pas ce qui m’attends, j’imagine le meilleur et le pire, et tous ces scénarios provoquent en moi des vagues d’émotions — que je ne savais absolument pas gérer.
Je regarde derrière moi (et j’oublie d’avancer)
Autre espace-temps, autre piège : mon penchant pour la nostalgie. Là, je crois que c’est plutôt un mal générationnel : avoir 20 ans et être déjà nostalgique, j’étais pas la seule dans ce cas.
Plus le temps passe, et plus je regarde celui que j’ai déjà parcouru. Nostalgie, regrets, là aussi, le passé génère chez moi des émotions auxquelles je ne savais pas réagir.
Un film sur les années collège peut me faire pleurer comme une madeleine, juste parce qu’il fait remonter mes propres souvenirs.
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L’avenir me paralyse et je m’enlise dans mes souvenirs
J’ai passé le plus clair de mon temps entre ces deux écrans : le passé, et l’avenir. D’un côté, la nostalgie des jours heureux me fait regretter des temps où la vie me semblait moins compliquée.
Les étés passés dans le hamac que j’avais accroché dans les branches du cerisier, assez haut pour pouvoir passer inaperçue entre ses feuilles, tout en cueillant ses fruits sans avoir à me lever…
D’un autre coté, mes projections d’avenir retiennent mes élans. C’est particulièrement évident dans mes relations aux autres : je décide, en quelques minutes d’une première rencontre, que je n’ai aucun avenir avec telle ou telle personne, sur la base d’environ très peu de choses, juste mes propres élucubrations.
J’habite pas dans la même ville, j’ai pas le même parfum de glace préféré, on n’a pas la même ref’ ciné, c’est souvent un détail insignifiant, mais je les collectionne…
Je renonce à ce que je pourrais vivre maintenant au nom d’un avenir hypothétique, qui n’a de réalité que dans mes propres projections.
En #62jours, j’ai remis le temps dans l’ordre
Tu parles d’une révolution, et j’en suis la première surprise : cet été, j’ai remis le temps dans l’ordre.
J’ai cherché le moment présent, et je l’ai trouvé exactement sous mes yeux, au tempo de ma respiration.
Je sais y revenir par le souffle chaque fois que mes pensées m’emmènent demain ou hier, et que les émotions que ces pensées génèrent m’enlisent dans ces univers.
Je reviens au présent, à ce que je suis en train de vivre, et je m’éloigne de ces scénarios chronophages, énergivores.
Quand la nostalgie vient poser son voile devant mes yeux, tel un mauvais filtre Instagram, je ne résiste pas : je laisse les pensées et les émotions venir, mais je ne les laisse plus m’affecter, comme de la glue. Je les laisse me passer dessus comme une averse lave les trottoirs.
J’ai arrêté de vivre contre la montre, pour remettre le temps dans l’ordre :
- Le passé, c’est le coffre-fort de mes souvenirs, le classeur d’archive de mes leçons.
- L’avenir, c’est l’écrin de mes rêves et de mes espoirs.
- Le présent, c’est l’endroit où je vis. Où tout ce que j’ai à faire ou à dire a de l’importance, c’est l’endroit où j’ai du pouvoir sur moi, et sur l’avenir.
Demain était un leurre. Aujourd’hui, c’est le jour qui compte, parce que c’est celui que je suis en train de vivre.
Il m’aura fallu tout un été, à me forcer à penser chaque jour à moi, au moins assez pour écrire un #62jours, pour me faire prendre ce réflexe : aujourd’hui est un jour qui compte. Demain attendra.
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