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Actualités France

Le jour où mes élèves se sont retournés contre moi #PasDeVague

Sarah est prof d’allemand dans une petite ville. Une année, elle a perdu le contrôle sur une classe et n’a obtenu aucun soutien de sa direction.

Je m’appelle Sarah et je suis professeur d’allemand en collège. Ça fait sept ans que j’enseigne.

J’ai toujours voulu faire ça. J’aime bien le contact avec les enfants, il n’y a pas de routine, on côtoie tout le temps de nouvelles personnes.

Une année rendue compliquée par un élève perturbateur

Il y a quatre ans, j’ai vécu une année très compliquée à cause d’une classe de 4ème.

C’était une classe de 30 élèves, dont deux élèves ne parlant pas français, quatre élèves en décrochage scolaire, et un élève arrivé en cours d’année après avoir été exclu du collège voisin.

Cet élève a sabordé le semblant d’autorité que j’avais réussi à obtenir tant bien que mal. Dès que j’avais le dos tourné, il jetait des cartouches d’encre à travers la salle, accrochait des trombones au plafond, vidait des bombes de déodorant…

Sous les encouragements des autres élèves.

Je l’ai signalé une première fois à la direction qui n’a pas réagi. J’ai rencontré sa maman, enseignante elle aussi.

D’après elle je n’avais pas la bonne méthode avec son fils, qu’elle disait surdoué et incompris.

#PasDeVague : l’absence de soutien de la direction aux profs en difficulté

En mai, il a commencé à jeter des cerises pourries sur les murs derrière moi, et sur mon bureau. Je ne voyais pas comment continuer à faire cours dans ces conditions.

À bout, je suis de nouveau allée voir la principale qui m’a dit que je ne savais pas m’y prendre avec les élèves.

D’après elle, s’ils se comportaient ainsi c’est parce qu’ils ne voyaient pas l’intérêt de mes cours. Elle m’a conseillé d’écrire au tableau l’objectif de chaque séance, comme si cela allait rétablir l’ordre, alors que mon unique objectif était de survivre à chaque heure dans cette classe sans craquer.

L’élève a été exclu de ma classe une semaine, il est revenu ensuite et j’ai terminé l’année tant bien que mal.

Des professeurs seuls face aux difficultés témoignent suite à #PasDeVague

Ce que je constate, c’est surtout la grande solitude qui a été la mienne, et celle de mes collègues en parallèle.

Quand on est prof et que ça se passe mal avec des élèves, on a l’impression que c’est de notre faute : on n’en parle pas forcément.

Mais à la fin de l’année, lors d’un conseil de classe,

nous avons tous lâché ce que nous avions sur le cœur au sujet de cette classe. Ça n’a pas été bien reçu par la principale.

Elle s’est retrouvée devant les délégués des parents d’élèves, qui étaient choqués qu’on n’ait rien mis en place pour rétablir l’ordre.

Le fait est qu’elle était aussi démunie que nous et que du coup elle n’a rien fait.

Si elle avait tenté quelque chose et que ça n’avait pas marché ça aurait prouvé qu’elle n’avait pas d’autorité…

Ne voulant surtout pas que ça s’ébruite et que ça nuise à la réputation de l’établissement, les enfants de ces deux parents d’élèves ont été changés de classe.

#PasDeVague : plus de soutien pour les profs

Finalement, l’élève perturbateur a quitté le collège l’année suivante.

Je n’ai jamais revécu de situation semblable mais j’ai toujours sur le mur derrière moi la trace des cerises pourries. Chaque fois que je la regarde je me rappelle de ne plus jamais me laisser faire comme ça, et de ne plus jamais accepter de ne pas faire de vague.

Depuis je pense que nous avons clairement développé la communication entre collègues, on parle plus de nos relations avec les élèves, ça aide même si ça prend beaucoup de place.

Cependant, je suis pour ma part dans une petite ville, avec des élèves issus de milieux variés. Je ne suis pas dans une académie trop compliquée mais si on se sent si peu soutenu, si tous les cours se passent de cette manière… je ne sais pas comment on peut gérer ça.

J’ai eu envie de témoigner sur #PasDeVague parce que pour une fois j’ai le sentiment qu’on nous écoute.

J’aimerais que ces retours soient pris en compte pour qu’on soit davantage soutenus par la hiérarchie, la direction.

Je demeure persuadée qu’il faudrait mieux former les personnels de direction sur la manière de gérer les incidents, car souvent ils sont aussi démunis que nous.

Peut-être aussi qu’ils pensent à leur évolution de carrière, d’où la volonté de ne pas faire de vague…

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À lire aussi : Pourquoi le métier de prof inspire-t-il de moins en moins de monde ?


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Les Commentaires

8
Avatar de Nausicaa26
27 octobre 2018 à 23h10
Nausicaa26
Alors je vais témoigner de ce que moi, j'ai vu: j'ai 7 années de carrière en LP. Les années qui ont posé problème sont les 5 années qui ont suivi mon année de stage. Je me suis retrouvée en zone que je qualifierais pudiquement de difficile, dans la banlieue d'une grande ville, où, comme tous les jeunes collègues, j'ai été envoyée.
J'ajouterai que le témoignage de la collègue dans l'article m'a fait sourire. Je ne nie pas que ça doit être inconfortable, et je suis heureuse qu'elle ait repris le dessus, mais en lisant la suite vous comprendrez peut-être pourquoi ce sourire.
Je ne chercherai pas à rétablir une chronologie des événements, je n'en ai pas envie, ce n'est pas avec plaisir que je vais décrire un certain nombre de faits qui m'ont marquée, vu que je veux juste passer à autre chose. Mais je le fais car les choses doivent vraiment changer, et que pour cela, il faut témoigner, sortir du devoir de réserve et dire les choses. Un certains nombre d’événements ont eu lieu dans mon établissement actuel, que je considère comme tranquille, bien géré et que j'adore (ainsi que la plupart des élèves qui sont vraiment attachants).
-Dans mon ancien établissement: tu excluais, on te ramenait les élèves qui avaient un grand sourire. Bah oui, on ne peut les exclure que s'il mettent en danger quelqu'un. Peu importe qu'ils insultent copieusement d'autres élèves, faisant monter la tension jusqu'à ladite bagarre. Débutante, je n'ai pas osé m'opposer au retour des élèves. La première fois que l'on m'a fait cela dans mon nouveau lycée j'ai dit, NON, et je m'y suis tenue Je n'ai pas besoin d'exclure souvent, mais ça arrive.
-Avant ces vacances, un CPE me conseille d'aller poser une main courante pour menaces. En effet, un élève m'ayant traité de femme à la sexualité dévoyée (vous comprendrez le mot utilisé) dans mon dos n'a pas apprécié que la sanction tombe (3 semaines après), il a fait le siège du bureau du CPE, puis du proviseur qui m'a également conseillé de "faire attention à moi". Donc je pense qu'à la rentrée j'aurai, dans un rapport la teneur des menaces.
- dans mon établissement sensible: un élève en liberté conditionnelle qui fout le bordel, jette tables et chaises quand se déclenche une bagarre. Il lève le doigt comme un fanatisé quand il nous adresse des reproches virulents en hurlant. Il insulte régulièrement et menace un camarade devant tout le monde (profs et élèves). Mais un des CPE veut le garder, car s'il y a un conseil de disc, et bien, il risque de retourner en prison. Il aura fallu attendre qu'il tabasse le camarade pour qu'on lui fasse signer une lettre de démission. Au camarade aussi, d'ailleurs dont la sécurité n'était plus assurée dans l'établissement. Et cet élève se distinguant par ces propos fanatiques, je vous le donne en mille, est parti dans une formation sécurité et sûreté des aéroports.
-Un élève dans la même classe qui secoue comme un pruneau un prof qui lui avait confisqué son portable. Rien. Je ne me souviens plus si c'était à cause d'un syndrome de Stockholm (assez présent dans l'EN, vous le verrez) ou parce que le proviseur n'a pas voulu réagir.
-Une bagarre qui se déclenche en classe, en tant que prof, j'essaie de séparer les élèves et me prend un coup de poing accidentel dans le ventre. Comme toujours dans ce lycée, les élèves sont exclus du cours où il y a eu bagarre, mais continuent tranquillement d'aller aux autres cours. Le lendemain il reviendront en présentant des excuses minables. Ils n'ont eu aucune sanction.
-le cpe qui m'explique que les rapports de certains profs passent "à la poubelle".
-j'essaie de séparer deux élèves qui se bagarrent dans le couloir, dont un est en sang. Je demande à celui qui est en sang: "ça va?", il me pousse contre un mur et me traite de femme à la sexualité dévoyée. On m'a fait comprendre que le rapport d'incident, on s'en foutait vu qu'on allait se focaliser sur la bagarre.
- Les bagarres générales d'élèves à la station de train où tu essaies de séparer les protagonistes en sang. J'avoue, et ce n'est pas à mon honneur, qu'une fois, je suis passée sans intervenir, me sentant totalement usée, blasée et fatiguée, en un mot, lasse d'assister toujours aux mêmes scènes de violence.
-Le fait d'être au quotidien victime de racisme et de sexisme dans l'exercice de tes fonctions et de te faire traiter de salope ou sale juive ou autre nom d'oiseau au moins une fois chaque année devant une direction qui te dis: ah bah, c'est pas vous qu'on vise, c'est le fonctionnaire, faut le prendre moins à coeur . Il n'y eut qu'une fois une réaction qui entraîna une expulsion temporaire.
-Un élève qui rentre en salle des profs et pousse violemment une collègue qui tombe par terre.
-Il me semble bien, si mes souvenirs sont bons, que c'est le même élève qui est reçu dans le bureau du proviseur. Ses parents ne veulent pas venir le chercher. Notre chef d'établissement appelle la police, l'élève repart menotté et réussit quand même à donner un coup de pied au proviseur qui tombe par terre. Aucune réaction des professeurs car d'ordinaire, le proviseur ne protège pas les profs quand ils ont ce genre de problème.
- toujours dans l'établissement sensible, mais je l'ai quitté quand on me rapporte cela. Une ancienne collègue raconte qu'un prof s'est pris une paire de ciseaux jetée dans le dos, "blague potache" pour mon ancien chef d'établissement.
-dans mon nouvel établissement: la nouvelle prof d'Anglais qui débarque à qui un élève joignant le geste à la parole demande combien c'est la pipe. La prof effarée changée d'établissement, tout le personnel qui ne l'a pas en face à face pédagogique soutient l'élève qui est manifestement dans une situation difficile.
- dans les toilettes une fille qui fait des fellations aux mecs, c'est filmé (zone sensible)
-le shit dans les faux plafonds (une fois)
- le lycée gazé à la lacrymo (un nombre incalculable de fois), un jour évacuer une élève qui commence à faire une crise d'asthme sévère, vite, vite. (zone sensible)
-je me souviens d'une rentrée ou un élève fait tomber devant moi quelque chose de son sac. Je le ramasse, il s'agit d'un couteau. Rien. (zone sensible)
Bon, j en ai un plein carnet des comme ça. Malheureusement, ne l'ayant pas sous le nez je ne peux tout vous communiquer et ceci explique aussi 'imprécision de certains événements.Et beaucoup d'incidents sont tombés dans les limbes de mon oubli, parce que pour avancer, faut oublier parfois.

Autre chose, je ne m'attarderai pas sur la misère matérielle, affective qui me révolte profondément, misère que j'ai côtoyée chez les élèves dans la zone sensible et qui est toujours de mise dans mon nouvel établissement bien géré (élèves qui dorment dehors, en foyer, orphelins, mineurs ou majeurs isolés etc) qui peut expliquer aussi parfois le manque de repères de ces ados et leur fragilité.
Sachez juste que je suis aussi contre les policiers à l'école. Je trouve que c'est risible d'annoncer cela et de supprimer des milliers de postes dans l'EN.
Sachez aussi que j'attribue le climat de violence qui régnait dans mon ancien établissement au chef d'établissement qui était laxiste, à la masse, peut-être atteint d'une certaine forme de lâcheté: couplé à un environnement violent, ça ne donne rien de bon.
Un proviseur qui est en partie évalué sur le nombre d'incidents qu'il présente: ça ne donne non plus rien de bon. Quand on dit aux infos qu'il y a 400 et quelque incidents graves en France par an et que ce chiffre est stable, je me gondole, sachant que ce sont les PROVISEURS qui choisissent de faire remonter ou non les incidents à la hiérarchie, et que cette hiérarchie, je le répète, se base en partie sur les incidents pour les évaluer
Sachez que je vais aujourd'hui au travail avec le sourire parce que j'aime mon métier et la plupart de mes élèves. Sachez que ce que je vois dans ce nouvel établissement "tranquille" n'a aucun impact sur moi, car j'ai vu tellement plus grave.

Sachez, ceux qui entrent dans le métier, qu'un adolescent est mathématiquement dans la recherche des limites et qu'il risque de mal tourner si vous n'en mettez pas. Il a besoin, pour être sécurisé, qu'on en pose (prof proviseur) car malheureusement, il n'en a pas toujours à la maison (s'il en a une, car ce n'est pas toujours le cas). Si vous n'êtes pas strict dès le début en instaurant des règles et des rituels (contrôle cahier,lever la main pour parler, pas couper la parole, appeler les parents pour un rendez-vous quand l'élève est insolent ou dépasse vos limites), il ne faudra pas vous étonner que ce soit Bagdad: et ne vous laissez pas avoir. Quand ils débarquent dans un établissement, ils sont toujours gentils AU DEBUT et ils observent . Ayez confiance en vous, vous avez des têtes bien pleines et bien faites, plein de connaissances à leur communiquer dans la joie (ce n'est pas antithétique avec les limites), alors vous agissez pour leur bien, et ce sentiment doit vous donner confiance en vous! Et ça arrive à tout le monde de se faire bordéliser de temps en temps: quand on est malade, fatigué...on n'est pas des super héroïnes ;D
Allez voir les cours des collègues qui sont bons (peu importe la matière), observez leurs entretiens avec les parents (l'air de rien dans un coin dans la salle des profs), leurs appels aux parents, et apprenez sur le tas.
Moi, je suis allée voir longtemps les cours d'une petite bonne femme mince qui mène à la baguette des classes 100% grands gaillards.
Cessez de vous laisser culpabiliser par l'ESPE qui préfère vous dire à quel point c'est de votre faute si c'est le bordel car vos cours sont mal faits et vous culpabiliser quand vous posez des limites , si vous ne marquez pas votre territoire (ma classe= mon territoire=mes lois=règlement intérieur adapté) , ça ne marchera pas, à moins que vous ayez une super classe ou des gens apathiques (ce qui n'est guère stimulant). Sachez aussi qu'un adolescent a besoin de souplesse et d'écoute, car ils sont tous différents et parfois l'humour ça fonctionne aussi pour régler les (petits) conflits, ou une discussion coeur à coeur à la fin d'un cours (quand un élève a l'air triste par exemple ou déprimé, l'élève se confie et on peut les aider). Un élève a besoin aussi de beaucoup d'autres choses que je ne développerai pas, car ce n'est pas le sujet.

Je vous souhaite bon courage à toutes et réussite dans ce métier formidable mais difficile ;D
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