Ils et elles étaient 114.000 selon l’AFP, réparties dans plus d’une centaine de rassemblements et manifestations à travers toute la France ce 17 juillet. L’opposition à l’extension du pass sanitaire a provoqué un vif élan de contestation parmi ceux et celles qui refusent de se faire vacciner contre le Covid-19.
Ce n’est pas le manque de moyens humains et financiers dans les hôpitaux publics (alors que se dessine déjà une quatrième vague d’épidémie) qui scandalisent ces manifestants.
Non non, elles ont défilé en scandant haut et fort que non, ils ne sont pas des « QR codes », en dénonçant la « ségrégation » dont ils risquent d’être victimes, la « dictature » qui porte atteinte à leur liberté, à grands coups de comparaisons entre les dirigeants politiques actuels, et Hitler ou Ceausescu.
Carrément.
On a frémi de colère devant la récupération sans vergogne de slogans féministes et pro-choix par des hommes affichant lors de ces manifestations des pancartes « Mon corps, mon choix », ou encore parlant de viol, laissant entendre que l’on peut comparer violences sexuelles et vaccins. Comme si les mots n’avaient finalement plus aucun sens, et les situations, plus de contextes.
Vous reprendrez bien un peu d’indécence pour commencer la semaine ?
Car d’autres propos, d’autres pancartes nous ont glacé le sang. C’est ce QR code en forme de croix gammée. C’est ce manifestant qui arbore un « non au pass nazitaire », cet autre qui parle d’une « rafle des non-vaccinés ».
C’est ce détournement d’une photo de l’entrée du camp d’Auschwitz où l’on peut lire « Le pass sanitaire rend libre », référence claire à la phrase visible sur plusieurs portails de camps de concentration « Arbeit macht Frei »
, en français, « le travail rend libre ».
Le timing de l’indécence à l’heure de la commémoration des victimes de la Shoah
Ce 16 juillet, on commémorait la rafle du Vel d’Hiv, où 13.152 personnes, dont plusieurs milliers d’enfants, ont été arrêtées par la police française et parquées dans le Vélodrome d’Hiver en juillet 1942 avant d’être envoyées dans les camps de la mort.
Lors de la cérémonie pour la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France, qui s’est tenue le 18 juillet, Joseph Szwarc, âgé de 94 ans et rescapé du Vel d’Hiv a dit, la voix tremblante, ce que provoque en lui de tels propos : « Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point j’ai été touché. Les larmes me sont venues. »
« Je l’ai porté l’étoile, moi, je sais ce que c’est, je l’ai dans ma chair encore. »
Il a appelé à être vigilant, à dénoncer « cette vague outrancière antisémite raciste qui rôde dans les coins ».
Je ne sais pas pour vous, mais l’idée que des rescapés des camps d’extermination nazis aient à supporter la vue de quelques ignobles personnages qui se croient malins, ou pire, provocateurs, en comparant la situation actuelle avec un génocide me donne la nausée.
Et il y a aussi de quoi enrager en se disant qu’il faut que ce soit Joseph Szwarc lui-même, un survivant, qui dénonce l’indécence de tels actes.
Des comparaisons bien trop banales
De tels amalgames empêchent même d’entendre les doutes légitimes soulevés par certaines personnes concernant la vaccination ou l’extension du pass sanitaire.
D’ailleurs, ces allusions, aussi abjectes soient-elles, ne sont pas nouvelles dans l’espace médiatique français. « Il faut absolument mettre un signe distinctif comme on a fait avec les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale », clamait en toute désinvolture Jean-Marie Bigard en mai dernier pour justifier son opposition au vaccin.
Une outrance, une provocation, qui aujourd’hui sont là, démultipliées et reprises par des individus qui ne voient pas le problème à se comparer aux victimes d’un génocide. Il ne s’agit pas là de négationnisme ou de révisionnisme, mais d’une sorte de banalisation d’un fait historique pour le plaquer sur un autre contexte comme s’il avait des similarités.
Dans un entretien à La Croix, l’historien Johann Capoutot analyse pourquoi ces comparaisons vont si bon train :
« Cette comparaison, entre le nazisme et notre situation actuelle, utilise aussi des faits historiquement établis, même si elle en tord l’analyse. Il est vrai par exemple que le nazisme est une « biocratie », c’est-à-dire un régime qui réclame un pouvoir sur la vie et prétend se battre pour la santé du peuple allemand. C’est aussi un régime de médecins, l’une des premières professions à nourrir les rangs des nazis avec l’archéologie et le droit. Et enfin un régime du diagnostic, où tout le monde est évalué en permanence et soumis à l’obligation d’augmenter ses performances biologiques, sportives et économiques. De ces éléments, des esprits retors parviennent à faire leur miel. »
Ce samedi, c’était justement des personnalités issues de l’extrême droite qui veulent se positionner en vue de l’élection présidentielle à venir (Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan) ou d’autres issues des milieux conspirationnistes (Francis Lalanne, Richard Boutry) qui ont défilé à Paris.
Quand Joseph Szwarc et les autres survivants de la Shoah ne seront plus là pour nous mettre le nez sur l’abjection qui a libre cours dans ces manifestations, il faudra faire preuve de vigilance et d’intransigeance face à celles et ceux qui usent de tous les moyens pour extrapoler des faits pour choquer et susciter la colère, qui font feu de toutes les peurs, qui attisent la suspicion et la défiance envers tout ce qui est assimilé au pouvoir.
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Les Commentaires
Mais ça reste souvent une combine de ceux qui trempent bien dans la recherche (déjà faut connaître et vu comme le site saute souvent, faut savoir le retrouver + VPN ou Thor, bref faut avoir envie ^^).
C’est quand même pas aussi accessible que le premier lien Google qui va relayer « cette étude qui dit que… ».