Sur Twitter, sur Facebook, dans mes mails, dans la vraie vie, chez le coiffeur ou chez la boulangère, un seul sujet de conversation semble occuper les gens : la météo. Il fait froid, il pleut, il fait trop chaud, on va avoir un orage, il va faire mauvais ce week-end, on se croirait en Novembre, chouette temps pour la Toussaint, Joyeux Noël, mets tes moufles, hydrate-toi, mets un chapeau, ferme les volets, saute en rond en tapant dans tes mains, voilà les remarques et les conseils judicieux que j’ai pu recueillir en une semaine seulement (un intrus se cache dans cette liste, sauras-tu le retrouver?).
Le pire, c’est que j’y participe volontiers, donnant de l’importance à cette obsession publique pour les mouvements des nuages et des précipitations au-dessus de nos têtes. Comme si pouvoir faire la meilleure vanne sur notre été pourri pouvait conjurer le sort et faire enfin jaillir le soleil, comme si on faisait un concours d’ironie sur les centilitres de nos pluviomètres. La météo, le temps, voilà des choses qu’on ne maîtrise pas, et sauf à organiser un happening « Soufflons tous dans la même direction le même jour à la même heure pour repousser les cumulonimbus », on ne changera rien à notre condition de petit être soumis à la Nature, celle qui est plus forte que toi comme Sega.
Mais pourquoi nous laissons-nous emporter sur le terrain de la conversation météorologique comme nos grands-mères ou tous ces inconnus relous qui nous abordent sans avoir rien d’autre à dire que « Belle journée hein » ? Sauf exception, nous ne sommes pas des légumes, nous ne sommes pas des plantes, nos vies ne dépendent pas d’un ratio calculé lumière/humidité, nous survivons au grand hiver glacial grâce à nos lampes d’éveil et aux néons dans l’open space. Alors pourquoi l’été nous rend il si chlorophylle ?
L’idée que l’été est une récompense
On est finalement tous des animaux savants. A quelques variations près, on fonctionne assez bien sous le mode de la carotte et du bâton. Si l’hiver est souvent vécu comme bâton, avec sa grippe rituelle, sa trachéite récidivante, ses mouchoirs mouillés amalgamés au fond de nos poches, ses glissades intempestives le long des trottoirs verglacés, l’été est une carotte suprême. Combien de fois murmurons nous « Vivement les grandes vacances » comme si nous étions encore au collège ? Combien d’heures passées en plein mois de février à glander sur nos albums de juillet dernier, lorsque tout n’était qu’apéro, piscine, et protection 50 aux UVB ? Combien d’heures volées à nos patrons ou à nos études en rêvassant sur la possibilité d’un départ soudain et quasi-gratuit sous le soleil exactement, grâce aux sites de voyages discount et autres propositions de dernière minute déclassées ?
Le soleil donne, la même couleur aux gens, gentiment…
On a beau vouloir imiter l’été en hiver, c’est toujours une déception. On peut aller à la piscine quand il fait 3° dehors, mais qui ne craint pas l’effet stalactite des cheveux à peine séchés sous le séchoir crachotant des vestiaires ambiance sanatorium des années 70 du bassin municipal ? On peut faire des UV, mais qui a vraiment envie de voir transformer son teint en couleur sac à main de vieille bourgeoise, cuir vieilli garanti ? On peut faire péter le barbecue électrique dans la cuisine et servir des verres de rosés cheap aux invités, mais à part parfumer tout son deux-pièces senteur agneau-de-la-garrigue et choper des brulures d’estomac aux sulfites, ce n’est jamais la même chose qu’en été. Le soleil, mais surtout le temps que l’on prend pour vivre, pour être avec les autres, pour profiter des choses, lors de nos congés, donne une couleur supplémentaire aux événements, aux aliments, à notre peau, et ce qui est vécu comme une véritable malédiction en hiver peut devenir un moment charmant quand il fait 30°.
La théorie de la dépression saisonnière
Selon certains psychiatres et autres chercheurs honorables, nos humeurs seraient en directe relation avec la luminosité ambiante. Au Canada, on estime que 18% de la population est impactée par la « dépression saisonnière », avec des symptômes comme une grande mélancolie, une tristesse accrue, un besoin de sommeil plus important, et un désintéressement global pour le monde extérieur. C’est le manque de soleil, et donc de lumière naturelle, qui empêcherait la fabrication de l’hormone du bonheur, la sérotonine. On traite cette forme de dépression avec de la luminothérapie, grâce à des lampes spécialement équipées pour reproduire le spectre lumineux du soleil, et ca semble fonctionner pour 85% des patients concernés. Cela expliquerait nos coups de mous et autres chouineries hivernales, mais cette théorie est remise en cause : en Islande, le soleil brille seulement 3 heures par jour pendant plus de 3 mois, et pourtant, le taux constaté de dépression saisonnière dans la population est minuscule. Il ne faut pas être médecin pour constater que le froid, la pluie, la neige et ses conséquences sur les transports, nous rendent souvent grognons en hiver. Alors l’été, on s’attend à aller mieux, naturellement, comme si la lumière rendait tout plus facile.
On est plus beaux l’été
Je présente par avance mes excuses les plus sincères aux adeptes du teint pâle et diaphane, mais globalement, les gens sont plus jolis l’été. C’est peut-être encore un réflexe préhistorique, venu du fin fond de nos cavernes, mais quand les filles et les garçons commencent à ressembler à des fruits trop mûrs, on a généralement plus envie de les cueillir. La qualité de la peau change aussi sous l’effet des UV, les imperfections disparaissent ou se cachent sous le hâle, et puis comme on a bien compris les messages santé, on s’occupe plus de nos épidermes, on se tartine de crème et on se protège. Fini le millefeuille fond de teint, poudre et blush, on abandonne le vanity case de 3 kilos pour se laisser respirer les pores, enfin. Notre garde-robe subit elle aussi un rétrécissement drastique : fini les énormes doudounes Bibendum, les pulls qui grattent, les bottes fourrées et autres Huggs anti-flirt, les collants qui marquent la taille et les écharpes de trois mètres. On est plus légers l’été, et ça fait du bien.
Coquillage et crustacés vs le reste du monde
Cette année, à part les chanceux du Sud ou de la Corse, notre été ressemble plus à une répétition pleine de foirages qu’à l’été merveilleux dont on a rêvé. Mais finalement, est-ce que ca compte vraiment, le temps d’ensoleillement, la possibilité de se faire frire comme un hamburger sur une plage abandonnée ? Les festivals les plus cools ont lieu l’été, et les moments les plus folklo sont ceux qu’on passe dans la boue à manger des sandwiches merguez, pas ceux où l’on erre dans une maxi-dress immaculée sur une ile verdoyante, comme dans une clip de Loana sous acide. Et si l’été n’était finalement pas une suite de considérations statistiques ou de nécessités imposées par notre imagination nourrie à la publicité et aux images modifiées ? Si l’été, c’était juste un peu quand on voulait, quand on le décidait, ce moment spécial où l’on se donne le droit de faire la sieste après le déjeuner, de lire des conneries, de glander avec ses potes ou sa famille, sans aucune contrainte de temps, sans aucun devoir à rendre, sans aucun réveil à programmer ?
Les Commentaires
Je déteste avoir froid et je suis vraiment déprimée quand les jours raccourcissent. L'absence de soleil affecte vraiment mon moral.
Et puis j'aime pas devoir m'habiller chaudement. Parce que je trouve rarement les vêtement chauds jolis et j'aime pas cette sensation d'être enfermée dans mes fringues et d'avoir une capacité de mouvement réduite.
Bref, le froid et la grisaille me dépriment et là je commence sérieusement à saturer, ça fait des mois qu'il caille et qu'il fait dégueulasse...
Je veux du soleil, par pitié, je vais craquer.