On en connaît tous, ces parents qui ne lâchent pas leurs enfants d’une semelle et contrôlent tous leurs faits et gestes, ce sont ce que l’on appelle des parents hélicoptères. Désir de tyrannie ou anxiété mal contrôlée, qu’est-ce qui motive ces parents un poil oppressants ?
Un parent hélicoptère, ça ressemble à quoi ?
Le terme « parent hélicoptère » a été utilisé pour la première fois en 1969, dans le livre Entre parents et adolescents du psychologue israélien Haim Ginott. Dans l’un des témoignages, un adolescent se plaint de sa mère, constamment sur son dos : « Maman me survole comme un hélicoptère et je ne supporte plus le bruit et le vent qu’elle fait. ». Ce terme péjoratif, qui décrit des parents surprotecteurs, apparaît de nouveau dans les années 1990, dans des ouvrages de sociologues et psychiatres américains, devenant ainsi un nom couramment utilisé pour désigner ce concept.
Un parent est donc dit hélicoptère s’il surveille et couve son enfant de façon intensive, un concept assez similaire à celui du « parent poule ». Ce parent surprotecteur est exigeant avec son enfant, voire perfectionniste. Il a des attentes élevées envers lui, et intervient dans tous les domaines de sa vie, sans lui laisser d’autonomie. Le parent le bride, en ne lui laissant pas vivre des expériences, par peur de ce qui pourrait lui arriver.
Mais pourquoi donc ces parents sont-ils tant dans le contrôle ? Cela s’explique en partie par la crainte d’être un mauvais parent, à qui l’on pourrait reprocher de ne pas être assez attentif, voire défaillant et négligent. Au contraire, l’illusion de pouvoir tout maîtriser leur fait se sentir bon parent.
Cette surprotection est parfois une rupture avec ce qu’ils ont connu enfant avec leurs propres parents, ou bien au contraire une répétition de l’histoire familiale. Mais c’est aussi une réaction à la pression d’une société de performance, dans un monde de plus en plus anxiogène. Le développement d’un parent hélicoptère au sein d’une famille est aussi parfois majoré par un contexte compliqué : monoparentalité ou enfant souffrant d’une pathologie chronique.
Pour Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne spécialisée dans le domaine de l’enfance, de l’adolescence et de la famille, l’anxiété est toujours à l’origine de ce comportement parental. Un parent hélicoptère serait donc avant tout un parent anxieux.
« Les peurs diffèrent en fonction des parents, mais il y a cette notion de danger, la peur que leur enfant vive des traumatismes, que cela ait des conséquences sur son développement. Cela peut venir de leur éducation, quand on devient parent, il y a un remaniement psychique mémoriel de l’enfant qu’on a été, et des parents que l’on a eus. »
Ces angoisses dictent le besoin de surprotéger son enfant, au risque de faire un burn-out parental.
« C’est compliqué d’être un parent hélicoptère, il y a de l’anxiété chronique sur tous les terrains de vie de l’enfant. Elle est parfois un peu moins forte quand l’enfant est avec le parent, ce qui fait qu’ils n’inscrivent pas leur enfant à des activités pédagogiques ou extrascolaires. Cela provoque une fatigue psychique, une hypervigilance, beaucoup se perdent dans la négativité et dans les peurs, il y a une perte d’épanouissement parental et un étouffement. Ils y pensent toute la journée et ne s’autorisent pas à faire des choses pour eux. »
À lire aussi : Le burn-out parental : qu’est-ce que c’est et comment en sortir ?
Des enfants tombés dans le bain de l’anxiété
Et pour les enfants, quels sont les risques ? Ils ont peur de décevoir leurs parents, sont peu autonomes, n’ont pas confiance en eux. Pétris d’anxiété, ils sont plus à risque de développer une dépression.
« En voulant tout maîtriser, tout contrôler, on empêche son enfant de bien se développer, et de s’épanouir. C’est finalement l’inverse de ce que voudraient ces parents. » explique Aline Nativel Id Hammou. « Les parents hélicoptère sont anxieux par rapport à ce que leur enfant pourrait vivre ou faire, ils conditionnent l’anxiété de leur enfant, qui a, à son tour, peur de beaucoup de choses ».
Les enfants intègrent ainsi l’idée qu’il y a un danger permanent. « Ce sont généralement des enfants très précautionneux, qui font attention à leur corps, à leurs attitudes, à leur comportement, mais aussi aux autres. Ils ont une forme d’empathie sociale plus accrue. Ils ne s’autorisent pas à faire ou à expérimenter certaines choses, à la fois par anxiété, et par loyauté envers leurs parents. Il y a une perte d’épanouissement et de découverte. Mais il y a aussi un petit pourcentage de ces enfants qui vont tout de même expérimenter, car ce n’est pas naturel pour un enfant d’avoir peur, ils sont plutôt dans la découverte. »
À l’école, les parents hélicoptère peuvent également entraver les apprentissages de leurs enfants. Clémence, professeure des écoles, raconte :
« Les enfants se retrouvent en conflit de loyauté, les parents défont ce qu’on fait en classe en expliquant à la maison qu’il faut faire autrement, et partent souvent du principe que leur enfant est persécuté par l’enseignant. Les enfants en pâtissent, ils sont souvent stressés, n’osent pas expérimenter de nouvelles choses, ce qui bloque pour l’apprentissage. Et les parents et les enseignants sont, eux aussi, minés par cette situation. »
Comment lâcher du lest et faire atterrir l’hélico ?
Mais alors, en tant que parent, comment réussir à se défaire de ces angoisses, pour le bien de son enfant, mais aussi le sien ? Comment accepter qu’on ne pourra jamais les protéger de tout ? Il faut avant tout faire confiance à son enfant, mais aussi aux autres adultes qui s’occupent de lui. Et comprendre qu’on peut l’aimer sans le surprotéger. Il sera plus efficace pour l’enfant d’apprendre à affronter et à surmonter les difficultés, que de les éviter. Pour cela, il est important d’écouter le ressenti de son enfant.
Il faut aussi se faire à l’idée que l’on ne peut pas être un parent parfait, c’est un objectif inaccessible et pressurisant. Celui d’être un « parent suffisamment bon », comme l’a théorisé le psychanalyste anglais Donald Winnicott, est bien plus accessible et souhaitable.
Enfin, une autre clé essentielle consiste à réussir à travailler sur ses angoisses. « La première chose est d’oser parler de son anxiété au coparent et à son entourage, ils vont aider à relativiser » conseille Aline Nativel Id Hammou. « Et il faut travailler sur sa propre histoire, l’enfant qu’on a été, l’adulte qu’on est. Quelques séances sur sa parentalité peuvent être bénéfiques, pour comprendre tout ce qu’on y met comme peurs au quotidien. Mais la peur fait aussi partie de la parentalité et on ne peut pas s’alléger totalement de ses angoisses. Il y a des peurs rationnelles, il faut se débarrasser d’au moins quelques peurs très irrationnelles. »
En voulant protéger leurs enfants, les parents hélicoptères risquent pourtant d’entraver leur développement. Pour ne pas risquer d’abîmer leur relation et leur confiance, il est donc essentiel de travailler sur ses propres angoisses parentales.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.