Mon père est la personne que j’admire le plus. Il est pour moi, tout simplement, un modèle.
Il est né en 1936 d’un père venu de Grèce pour renforcer la main d’oeuvre française pendant la Première Guerre Mondiale et d’une mère commerçante tout droit venue de Constantinople, tous les deux juifs. On comprends tout de suite le problème. Dès son plus jeune âge, il a été balloté de ville en ville pour fuir l’occupation nazie, survivre aux dénonciations et aux bombardements, s’est fait faire de faux papiers et créé une nouvelle identité, un nouveau comportement. Il arrivait qu’on le fasse voyager pour faire passer des grenades aux résistants. Je le considère comme un survivant. Il a principalement été élevé par sa mère mais aussi par les gens qui le cachaient, comme les hommes d’Eglise d’un pensionnat jésuite, mais il se faisait aussi mettre des claques par ses camarades.
Après la guerre…
La guerre lui a volé son enfance et lui a montré des choses qu’on ne devrait pas connaître à 6 ans, comme la maturité, la force, la haine, la séparation, la connerie humaine. Après la guerre, le manque de repères a pris le dessus sur la joie, plus de nouvelles des amis, plus de nouvelles de la famille. Il alors réalisé que l’amour était ce qu’i y avait de plus important.
Il a rencontré ma mère au resto, jusqu’ici rien de plus bana – sauf que ma mère est schizophrène. Sa manière de faire face à la maladie mentale et son amour pour ma mère m’ont toujours un peu touchée, il a fait énormément de sacrifices pour elle qui ne lui ont pas été forcément rendus mais ce qui lui importe le plus est de donner de la tendresse car il considère le reste comme secondaire.
Il m’a eu à 57 ans, son âge a été pour moi au début difficile à assumer face à mes camarades de classe ou mes amis mais j’ai appris plus tard que l’âge n’avait absolument aucune importance, et qu’il fallait aimer les gens pour leurs choix et leur vécu.
Lui et moi
Ma relation avec mon père est un véritable tunnel d’échange culturel. Il m’a transmis mes passions pour la photographie mais aussi pour le jeu comme le poker ou le backgammon. En retour je partage ce que je connais sur les nouvelles technologies (ce qui a fait de lui un accro de l’ordinateur !), le théâtre, la politique, le sport, l’Histoire, en bref, nos discussions sont plutôt riches.
Je l’admire particulièrement pour sa patience, son courage et sa gentillesse, sa capacité à agir et prendre des décisions rapidement. Je le vois le plus souvent comme un confident car il donne les meilleurs conseils au monde. J’aime particulièrement lorsque je lui expose un problème personnel et que le lendemain il m’annonce naturellement la solution avec toujours la même phrase : « j’ai réfléchi dans la nuit ».
C’est grâce à lui que j’ai appris ce qu’était la force au travers de mes échecs mais aussi de ma vie quotidienne et ça m’a aidée à surmonter des évènements inattendus. Il m’a toujours encouragée dans mes choix et mes projets ce qui m’a permis d’assumer complètement ce que j’étais et ce que je voulais devenir.
Bien que nous soyons très proches, il garde sa vie privée assez secrète. Notre relation a aussi un revers : nos disputes explosives qui apparaissent aussi rapidement qu’elles repartent.
Mais ce qui est compte le plus pour nous sont les petits moments de bonheur partagés : une glace devant Desperate Housewives, un conseil avisé, un but des Bleus, une blague…
Aujourd’hui mon papa de 76 ans se porte comme un charme et il bouge dans tous les sens tous les jours, mais il m’arrive aussi d’avoir peur que, comme ça, du jour au lendemain, on me le reprenne. C’est ce qui fait partie de mes angoisses les plus intimes, ce que je n’ai jamais osé lui avouer, par peur de le rendre triste parce que je préfère voir son sourire.
Même un peu édenté.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires