À l’heure où des Bretons mal peignés défient les lois anti-Covid pour teufer dans des hangars, la France hurle, tape du pied sur la chaussée, condamne ces fêtards invétérés, oubliant qu’il y a des problèmes plus prioritaires à résoudre.
Oui, cette fête sauvage sous forme de scandale hexagonal, de même que le réchauffement climatique et autres élections américaines, détournent l’attention collective de la vraie menace de ce début d’année 2021 : le retour de celle dont on ne doit pas prononcer le nom…
La ballerine, qu’est-ce que quoi ?
Avant de donner dans la complainte stylistique, il convient d’effectuer un rapide flashback.
Nous sommes en 1932 et un certain Jacob Bloch, Australien audacieux — au goût néanmoins douteux — passionné par l’univers de l’opéra, crée à Londres les premiers chaussons de danse améliorés, qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de… de… putain j’arrive même pas à en écrire le nom.
« Allez ma vieille, ferme les yeux et pense à l’Angleterre » : il s’agit de la ballerine.
D’abord dédié aux danseurs et danseuses professionnelles, l’objet aussi plat et ludique que l’étagère TROFAST d’IKEA se démocratise au 21e siècle au point de couvrir tous les pieds des femmes, des modeuses aux mamies.
Je me rappelle qu’au collège, il était de bon ton d’arborer une paire de ballerines matelassées avec un sac Longchamp — d’une taille suffisamment importante pour y ranger ses cahiers, mais pas trop non plus, pour ne pas risquer de couvrir la ceinture D&G shoppée à Marrakech pour la modique somme de 10€.
Comme tout le monde (à Levallois-Perret), j’avais jeûné pour m’offrir le premier accessoire ainsi que le second, dans l’espoir de voir ma cote de popularité augmenter.
Mes ambitions ont bien sûr été totalement freinées par une moustache de malamute et une coiffure de lévrier afghan. J’étais déjà un peu chienne à l’époque…
Mais bref, revenons-en à nos moutons.
Depuis cette période bien sombre de ma vie scolaire et de la mode, la ballerine a enfin eu droit à la réputation qui lui était due : celle d’hérésie. Et a ainsi été mise au placard.
Malheureusement, la mode, adorant transformer ses abominations passées en objets de convoitise, a décidé de remettre la ballerine au (mauvais) goût du jour…
En effet, les souliers de l’enfer sont d’abord apparus sur le défilé Chanel pendant la Fashion Week printemps-été 2020, puis de nouveaux sur les défilés automne-hiver 2020/2021.
Et si 2021 était finalement pire que 2020 ?
La ballerine, douloureux rappel d’une époque médiocre
On pensait que la ballerine était morte avec le mulet et la claquette à fourrure, mais force est de constater que le monde ne nous épargne plus rien.
Pandémie mondiale, incendies dévastateurs, réchauffement climatique, teufeurs à atebas et maintenant ballerine, que reste-t-il à sauver de cette décennie ? Quel espoir pour nos générations futures ? Celui de quatre années de collège traumatisantes où « stylée » rime avec « pue des pieds » ?
Bien sûr, vous attendez de moi
quelques arguments pour justifier ma haine de la ballerine. Et il est de ma responsabilité journalistique de vous en fournir.
D’abord, vous le savez, la ballerine agit comme le douloureux rappel d’une époque médiocre, où nos seules folies stylistiques résidaient dans la pointe d’une boucle d’oreille virus fuchsia. Cette époque où l’on se voulait rebelle à la maison en écoutant Sk8er Boi d’Avril Lavigne, et grande dame à l’école en assortissant ses pompes à un (faux) sac griffé.
Bref, la ballerine, c’est un coup de poing dans le ventre de notre adolescence, un objet qui n’aurait pas été plus douloureux s’il avait été parsemé de clous pleins de tétanos.
La ballerine, désuétude et répugnance
La ballerine a pour moi la saveur d’un sous-bois en plein été. De l’oignon, quoi. En effet, qui dit ballerine moulant les pieds dit… hallux valgus apparent ! Et il se trouve que moi, ça me bloque de voir les oignons des gens, comme d’autres ont la phobie des coudes ou des orteils qui dépassent d’une sandale. Chacun ses problèmes.
De plus, si vous habitez dans une grande ville française, vous savez que le sport national de l’Hexagone est le « molard sur sol ». Une spécialité réjouissante consistant pour une quantité astronomique de riverains à cracher tranquillement sur tous types de surfaces : trottoirs, métro, escaliers, escalators, caniveaux, pelouses et pourquoi pas intérieurs de bibliothèque (si, si, on en a été témoin) ! Le tout est d’être inventif.
Ajoutez à cette spécialité la seconde préférée des Français (la « merde de chien sur rue, sauce urine ») et vous obtiendrez une idée plus ou moins précise de ce dans quoi trempent nos pompes toute la sainte journée.
Loin de moi l’idée de traiter mes concitoyens de gros dégueulasses, mais ce qui est sûr, c’est que j’ai marché sur des sols plus propres que par chez nous.
Déjà que glisser dans une merde de chien ou un molard de vieux est sacrément dégueu quand on porte une paire de pompes à plateforme qui éloignent mes talons délicats des excréments d’autrui d’au moins cinq centimètres, imaginez que vos ballerines vous y plongent quasiment le pied dedans !
On pue des pieds, en ballerine
La ballerine est à toutes les saisons ce que l’espadrille est à l’été : un enfer olfactif.
Quiconque a déjà enfilé un tel soulier plus de 30 minutes ne pourra nier ses ravages sur la sphère ORL.
La science devrait d’ailleurs se pencher un peu sur le sujet au lieu de greffer des têtes de grenouilles sur des corps de lézards à qui mieux-mieux !
Car la ballerine ferait vraiment puer des pieds la plus délicate des Cendrillon… Même un peton râpé, lisse, pédicuré et exempt de toute mycose parviendrait à sentir le vieux cul sitôt qu’il se moule dans cette chaussure sans chaussette.
C’est comme ça. Ça fait partie des mystères de l’univers. Comme le Big Bang. Si, franchement, c’est pareil.
Alors unissons-nous contre le retour de la ballerine et souhaitons plutôt celui des baskets à talons aiguille.
À lire aussi : Mauvaise nouvelle pour les fans de « The Haunting of… » (« Hill House » et « Bly Manor »)
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires