“En tant que parent végan·es, on a moins le droit à l’erreur que les autres parents.” Donia, 32 ans et mère d’un garçon de 16 mois, sait ce qu’il coûte de choisir une alimentation végétale pour son enfant. Au moindre rhume, la société pointera le véganisme comme source de ses maux… “On fait tout pour qu’il soit le moins malade possible, témoigne-t-elle. On ne mange que du fait maison. Et notre fils est en bonne santé.”
Il suffit pourtant de taper “enfant végan” sur un moteur de recherche pour trouver des articles alarmistes publiés par des médecins ou des médias français : “des risques dramatiques”, “une véritable maltraitance”, “attention aux carences”. Régulièrement, la presse rapporte également des décès d’enfants végan·es, en soulignant le lien (supposé logique) entre leur alimentation et leur mort, comme le magazine ELLE, qui titre en juillet 2019 “Mort d’un bébé : les parents végétaliens devant les Assises”.
“On stigmatise souvent les alimentations végétales pour le risque de carences qu’elles pourraient engendrer mais ce risque existe tout autant au sein de la population omnivore”, clarifie d’emblée Marie Gabrielle Domizi, diététicienne et présidente de l’Onav (Observatoire national des alimentations végétales).
Des bénéfices pour la santé
En France, les enfants végan·es subissent des discriminations dans le milieu médical, dans les crèches et à l’école. Fin 2024, une fille d’un an et demi a perdu sa place en crèche “en raison de son alimentation végétarienne”, relate le média 20 minutes. La crèche a également émis une “information préoccupante”, à la demande de la PMI (Centre de protection maternelle et infantile), qui considère que ce régime est “trop restrictif”.
En réalité, une alimentation végétale peut être adoptée dès la naissance, sans danger pour l’enfant si elle est équilibrée, disent les scientifiques et soignant·es spécialistes du sujet. Elle serait même bénéfique pour sa santé, notamment cardiovasculaire.
En 2016, l’Académie de nutrition et de diététique, une association internationale de nutritionnistes, s’est positionnée sur le sujet :
“L’alimentation végétarienne bien planifiée, y compris végétalienne, est saine, adéquate sur le plan nutritionnel et peut être bénéfique pour la prévention et le traitement de certaines maladies. Cette alimentation est appropriée à toutes les périodes de la vie, notamment la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance, l’adolescence, (…).”
En France, il n’existe pas de recommandations nutritionnelles officielles pour les enfants végétarien·nes (qui mangent des produits laitiers et des œufs) et les enfants végétalien·nes, également appelé·es végan·es (qui excluent tous les produits animaux). Le 13 mars 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a enfin publié des repères alimentaires spécifiques pour les personnes végé, mais elles ne concernent que les adultes…

Manque de formation des soignant·es
“Je n’ai pas trouvé de médecin spécialiste de l’alimentation végétale pour suivre mes enfants”, souligne Émilie Leblanc, une femme végane de 39 ans, mère d’une fille de 20 mois et d’un garçon de 5 ans. Alors, elle s’est formée elle-même au sujet et a créé un compte Instagram, puis un site internet, et enfin une formation à destination des autres parents végé. “Je travaille avec une diététicienne française spécialisée dans l’alimentation végétale”, précise la créatrice de contenu aux 5700 abonné·es sur Instagram.
Car oui, il existe bien des soignant·es spécialistes en France, comme la diététicienne Marie Gabrielle Domizi, citée plus haut, ou le médecin nutritionniste Jérôme Bernard-Pellet, co-fondateur de l’APSARes (Association de Professionnels de Santé pour une Alimentation Responsable).
Fréquemment interrogé·es dans les médias, tous·tes deux dénoncent les conflits d’intérêt qui lient certains médecins à l’industrie agroalimentaire et influencent leurs positions sur l’alimentation végétale. D’autant que les professionnel·le de santé manquent de formation sur le sujet, pointe Marie Gabrielle Domizi : “Pour les diététiciens et diététiciennes, les régimes végan et végétarien ne sont pas intégrés dans leur cursus initial, ce qui les oblige à se former de manière autonome.”
À ce sujet, Émilie Leblanc mentionne la création récente du diplôme universitaire (DU) “alimentations végétariennes”, par la Sorbonne à Paris.
Impossible de manger végétal à l’école
À savoir : les enfants végan·es (comme les adultes) doivent absolument se supplémenter en vitamine B12 car c’est la seule vitamine “qui se trouve exclusivement dans les produits d’origine animale”, précise la diététicienne Marie Gabrielle Domizi. D’autres éléments, comme l’iode, le calcium, le fer, le zinc et les omégas 3, sont à surveiller, mais on peut les trouver dans les produits végétaux.
Et les protéines, systématiquement pointées par les personnes omnivores ? “C’est un faux problème car il suffit de manger à sa faim pour couvrir ses apports”, tranche le médecin Jérôme Bernard-Pellet. “Mes deux enfants sont en bonne santé et grandissent bien, affirme Émilie Leblanc. Mon fils a même un taux de fer élevé !”
Mais comment faire à la crèche ? À l’école ? Les parents (surtout les mères, qui prennent en charge 70% des tâches domestiques) doivent fournir les repas de leurs enfants végan·es ou bien les recevoir à la maison à midi, pour éviter la cantine. Car il est impossible de bénéficier d’une alimentation 100% végétale, à l’école publique, en France : “Les collectivités mettent des produits laitiers dans tous les repas”, pointe Émilie Leblanc.
En attendant un changement sociétal, certains parents s’organisent pour contrer la végéphobie ambiante : “Je suis en train de former un groupe de famille véganes en Île-de-France, via les réseaux sociaux, explique Donia, mère d’un enfant de 16 mois. Quand notre fils va grandir, il va comprendre qu’il ne mange pas comme tout le monde. Ce serait bien qu’il soit avec d’autres enfants qui partagent le même mode de vie.”
Les ressources pour aller plus loin
Livres
- Bébé veggie, Ophélie Véron (éditions La Plage)
- Veggie Kids, Sophie Cottarel, Marie Laforêt et Ophélie Véron (éditions Alternatives)
- Nourrir son enfant autrement, Sandrine Costantino (éditions La Plage)
Sites web
- vegan-pratique.fr (par l’association L214)
- vegetarisme.fr (Association Végétarienne de France)
- vegecantines.fr (par l’AVF)
- lonav.fr (Observatoire national des alimentations végétales)
- vegeclic.com (par l’Onav)
- petitmaisveggie.com (par Émilie Leblanc)
- alimentation-responsable.com (Association de Professionnels de Santé pour une Alimentation Responsable)
Réseaux sociaux
- @petit_mais_veggie sur Instagram (par Émilie Leblanc)
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