C’est un soulagement qui n’a pas de prix. Ce vendredi 21 juillet, le Conseil constitutionnel a validé la loi d’avril 2021 qui avait instauré un seuil d’âge de non-consentement et fait de toute relation sexuelle entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur de cinq ans ou plus son aîné, un viol.
Une question prioritaire de constitutionnalité
Le 26 mai dernier, les « sages » avaient été saisis d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ils étaient donc appelés à se prononcer sur une disposition prévue par le texte, à savoir que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans » constitue un viol, et est ainsi passible de vingt ans de réclusion.
Cette requête, formulée auprès de la Cour de cassation, est portée par deux avocats, Me Louis Heloun et Me Antoine Ory. Le premier défend un homme « actuellement mis en examen pour viol commis sur mineur avec une différence d’âge d’au moins 5 ans sur le fondement de la loi dont il demande l’abrogation » souligne la Fondation des Femmes.
Selon lui, le texte de loi bafouerait la présomption d’innocence, en « permettant de retenir la culpabilité de manière automatique ». À cela s’ajouterait, selon Me Heloun, la difficulté à prouver qu’un mis en cause avait bien connaissance de l’âge de son ou sa partenaire.
Son confrère, Me Ory, déplore quant à lui une « absence de gradation » dans la gravité des faits qui « bouleverse totalement l’échelle des peines prévues en la matière », comme le rapporte Libération.
Le Conseil constitutionnel se range du côté des associations
Craignant un terrible retour à zéro, plusieurs associations s’étaient unies pour défendre le texte de loi dans une pétition évoquant une « décision cruciale pour la protection des mineurs victimes de violences sexuelles ». Les signataires craignent par ailleurs la non-reconduction, à l’automne, des travaux essentiels de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
« Remettre en cause cette loi, c’est revenir à une situation, où, dès l’âge de 4 ans, un enfant qui avait été pénétré par un adulte devait prouver la contrainte, la menace, la violence ou la surprise », avait fustigé le texte de cette pétition, dont les signataires comptent l’avocate Camille Kouchner ou l’ancienne ministre Élisabeth Moreno.
Heureusement, dans leur décision rendue ce matin, les Sages ont finalement estimé que l’incrimination, qui n’exige pas que ces actes soient commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, n’est pas contraire à la Constitution, puisqu’elle « ne repose pas sur une présomption d’absence de consentement de la victime ».
« D’autre part, il appartient aux autorités de poursuite de rapporter la preuve de l’ensemble » des éléments constitutifs de l’infraction, souligne le Conseil, pour qui les dispositions critiquées n’ont donc « ni pour objet ni pour effet d’instituer une présomption de culpabilité ».
Concernant l’argument de disproportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel a également écarté cette critique, estimant que « le législateur, qui a entendu renforcer la protection (des) mineurs victimes d’infractions sexuelles, n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée ».
Les associations attendaient cette décision cruciale avec attention : « Aujourd’hui l’État est à un tournant historique : faire taire les victimes, ou donner un second souffle à leur parole ».
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