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"Photo Peter Lewicki / Unsplash"
Culture

Où sont les femmes qui écrivent des pièces de théâtre ?

Si les femmes sont aujourd’hui nombreuses à fouler les planches des théâtres français, leurs œuvres restent moins jouées et connues que celles des hommes. Et ça commence à me courir sur le haricot.

Est-ce que tu peux citer le titre d’une pièce de théâtre écrite par une femme ? Ou le nom d’une dramaturge ? Tu sèches ? Moi aussi… L’autre soir dans mon lit, j’ai mis au moins dix minutes à pouvoir en citer une : Yasmina Réza, connue par sa pièce Art.

Pourtant, je suis une passionnée de théâtre. J’en fait depuis des années, j’ai lu et vu des dizaines et des dizaines de pièces, j’ai passé l’option théâtre au bac et zoné au festival d’Avignon plusieurs étés de suite. Je peux citer plein de noms de dramaturges, morts ou vivants que j’admire, mais je galère à trouver dans ma mémoire une seule femme.

Pourtant, je suis capable de disserter pendant des heures sur mes autrices de romans préférées, de Jane Austen à Annie Ernaux, en passant par Benoîte Groult, Marie-Aude Murail, ou Agatha Christie.

J’ai envie que des femmes racontent leurs histoires

Alors, pourquoi est-ce que je connais si peu de femmes autrices de théâtre ? Est-ce qu’elles existent (réponse : oui, bien sûr) ? Pourquoi leurs pièces ne sont-elles pas publiées, programmées, jouées (indice : patriarcat) ? Pourquoi est-ce que ce sont surtout les histoires des hommes qui prennent vie sur scène ?

Plus les années passent et plus je ressens le besoin de lire, d’écouter et de regarder des histoires qui parlent de femmes, et j’aimerais pouvoir le faire au théâtre aussi. Alors, tu me répondras peut-être qu’il existe plein de pièces avec des personnages féminins, et ce, depuis l’Antiquité. C’est parfaitement exact, mais ces rôles ont souvent été joués par des jeunes hommes grimés en femmes (dans le théâtre élisabéthain, à l’époque de Shakespeare notamment). Et surtout, ce sont des hommes qui les écrivent.

Si certains le font avec talent (Alexis Michalik par exemple), beaucoup se contentent d’en faire des personnages secondaires, décoratifs ou caricaturaux dans une histoire centrée autour d’un héros masculin. Et ça commence à me courir un peu sur le haricot.

J’ai envie que des femmes me racontent leurs histoires, qu’elles me parlent de leur enfance, de leurs relations avec celles et ceux qu’elles aiment, de leurs combats, de leurs forces et de leurs faiblesses. Je veux voir des pièces sur la maternité, sur le rapport au corps, sur l’amitié féminine,  sur le sexisme et les violences sexuelles. Je veux entendre des voix multiples et me reconnaître… ou changer de regard.

Les autrices de théâtre ont toujours existé

En préparant cet article, j’ai mené ma petite enquête, et je suis tombée sur le travail d’Aurore Évain, metteuse en scène, autrice et chercheuse, qui a consacré ses recherches à la place des femmes dans le théâtre et à la mise en valeur du matrimoine.

Elle a notamment co-édité une anthologie du Théâtre de femmes dans l’Ancien Régime

en 5 volumes, qui montre bien que les femmes sont nombreuses à écrire des pièces de théâtre, du XVIème au XIXème siècle, comme Marguerite de Navarre en 1530 ou Mme de Staël-Holstein en 1811.

Grâce au travail d’Aurore Évain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn, je vais pouvoir lire ces œuvres et peut-être les voir sur scène, car certaines d’entre elles sont jouées en ce moment, comme Le Favori écrite par Mme de Villedieu et programmée en mai au Théâtre de l’Épée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes.

Si les autrices de théâtre existent donc depuis des siècles, leurs œuvres sont souvent tombées dans l’oubli (ou y ont été poussées sournoisement). Comme dans de nombreux domaines, leur travail a été invisibilisé, oublié, voire carrément attribué à des hommes de leur entourage !

Moins de 15% d’autrices programmées

En France, de la Renaissance à nos jours, Aurore Évain explique qu’un corpus total de plus de 2.000 autrices a pu être reconstitué, mais que seules 38 d’entre elles sont entrées au répertoire de la Comédie-Française depuis sa création. Elles étaient 17 sous l’Ancien Régime, 13 au 19e siècle et 5 au 20e siècle. Entre 1959 et 2000, aucune femme n’est entrée au prestigieux répertoire de la Comédie Française, alors que c’est une époque importante pour les luttes féministes et l’émancipation féminine.

J’ai regardé le programme de la saison 2018-2019 à la COmédie-Française, et je n’y ai trouvé que 3 pièces écrites par des femmes sur 23 spectacles programmés (soit 13% de la programmation).

Pour ne pas rester sur ces chiffres déprimants, j’ai compilé une liste de pièces écrites par des femmes d’aujourd’hui, certaines que j’ai vues et aimées, d’autres que j’aimerais beaucoup voir. J’espère que cela te donnera aussi des idées.

Sélection de pièces écrites par des femmes à voir sur scène

  • Boobs et Mauvaises Mères, deux créations de la Lovely Compagnie. La première pièce parle du cancer du sein, la seconde de la maternité, et on navigue sans cesse entre le rire et les larmes, grâce à des autrices et comédiennes de talent. C’est grinçant, déjanté, parfois absurde et avec des chansons qui te restent dans la tête. Pas de nouvelles dates programmées pour l’instant, hélas.
  • Saigon, écrit et mis en scène par Caroline Guiela Nguyen. La pièce se passe dans un restaurant, à la fois à Saigon en 1956 – à la veille du départ des derniers Français d’Indochine- et à Paris en 1996, alors que la fin de l’embargo américain laisse entrevoir un retour possible au Vietnam. En tournée à Albi, Marseille, Caen en avril-mai, et à Paris en juin.
  • Speculum de Delphine Biard, Flore Grimaud et Caroline Sahuquet. Une pièce qui parle de la gynécologie, de son histoire et du féminisme. Les trois autrices et comédiennes ont enquêté pendant trois ans pour écrire ce spectacle où elles interprètent une cinquantaine de personnages différents, dont des pontes de la gynécologie. À voir à Paris jusqu’au 4 mai à la manufacture des Abbesses.
  • Les Suffragettes écrite par Camille Pouget. Mi-pièce de théâtre, mi-comédie musicale, ce spectacle raconte l’histoire de deux jeunes anglaises au début du XXème siècle qui rejoignent le mouvement des femmes qui demandent le droit de vote. À voir au théâtre Darius Milhaud à Paris les mardis d’avril ou lors d’une des deux dates supplémentaires de mai.

Et toi, tu as des œuvres de femmes à me recommander ? Viens les partager dans les commentaires !


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