De la seconde à la terminale, j’ai moi aussi porté mon boulet, ou plutôt, cet élégant et discret système de torture qu’est l’appareil dentaire. Menu complet, avec bagues couleur métallique, fils raides coupant les joues, élastiques faisant craquer les mâchoires. Déjà au lycée, je me croyais has-been avec mes bagues, parce qu’il est admis en général que l’appareil dentaire est THE accessoire tendance quand on est au collège (et si on a les boutons d’acné en plus, on a tout compris). Haha. Je ne savais pas ce qui m’attendait.
Quand mon charmant orthodontiste a tout retiré à grands renforts de pinces et de roulette, j’étais libre. A moi les sourires Colgate©, à moi les garçons qui tombent comme des mouches, à moi l’assurance et la joie de vivre (bon, d’accord, j’en rajoute un peu, peut-être).
Mais voilà, le destin en a voulu autrement. Il a suffi d’un maudit sandwich mayo jambon, d’un pain frais à la croûte tranchante comme une lame pour que ma liberté dentaire s’envole. Terrible mercredi soir où ma fidèle barre de contention, bien cachée derrière mes dents du haut, a décidé de se faire la malle. Et, dans cet élan de rebellion, mes dents de devant, qui se chevauchaient dans ma plus tendre enfance, se sont mis à se grimper dessus à nouveau, impunément, devant mes yeux z’horrifiés.
Sans complexe, Betty arrive à pécho avec son appareil dentaire. Et pas qu’un peu.
Il a donc fallu agir, et vite ! Je suis donc retournée chez mon orthodontiste que je n’avais pas vu depuis tellement longtemps que son cabinet avait eu le temps d’emménager dans un complexe médical flambant neuf (y’en a qui se font plaisir !). Et là tombe le verdict sans appel de l’expert:
« Ah oui. – regard désolé – il va vous falloir un nouvel appareil. Pendant un bon mois ».
Ô rage, Ô désespoir.
Et moi de lui répondre spontanément : « Mais je ne peux pas, j’ai 22 ans maintenant moi monsieur ».
Il a bien ri. Forcément, quand on a vingt ans de plus, et surtout quand on est un professionnel des dents droites qui claquent, on ne fait pas la différence entre 12 ans et 22 ans. Enfin, apparemment. Mais moi, j’ai tourné la page du « sourire d’enfer » depuis longtemps ! Je suis à l’université, j’essaie d’être un peu respectée, et comment rester crédible en se pointant avec des wagons et des wagons de fer sur les dents (des mètres, que dis-je, des KILOMÈTRES de fer, au moins) ?
Cependant, je ne pouvais pas laisser mes dents de devant prendre des décisions toute seules et m’enlaidir au fil des ans. Alors que faire ?
Tempête sous un crâne.
Finalement, après moult réflexions et discussions avec mon entourage, je me suis décidée. L’orthodontiste a parlé d’un mois seulement de traitement, et en plus, il m’a promis de me le faire gratos, puisque c’est son travail qui n’a pas tenu (c’est une sorte de service après-vente des dents, quoi).
Je n’avais rien à perdre d’autre que ma fierté, et j’avais tout à gagner, c’est-à-dire, le retour de mon beau sourire, et la certitude qu’il n’allait plus disparaître à nouveau.
Puis ce fut la phase des « après tout ».
– Après tout, je n’ai pas suivi un traitement pénible de trois ans pour rien, ce serait dommage de tout détruire pour un mois de sourires timides.
– Après tout, il y a des gens de tout âge qui portent un appareil, et ils n’en font pas tout un flan.
– Après tout, je pourrai le faire l’été, dans ma ville natale, et vivre reclue chez Papounet le temps de remettre en place les deux capricieuses du haut.
– Après tout, Betty a une vie trop classe, même avec son appareil.
– Et après tout, les appareils dentaires, tout le monde s’en fout. On n’est plus dans les années 80, c’est loin d’être révolutionnaire.
– Après tout, je me lance.
Et voilà, je me suis rendue ce matin au cabinet d’orthodontie, fin prête à cette régression temporelle. Je n’ai même pas pleuré. Cela n’a duré qu’un quart d’heure, et paf ! J’avais à nouveau ma tête de lycéenne, et ce sourire complexé. Quelques heures après, j’ai un peu mal, puisque l’appareil fait effet, et mes dents comprennent que c’est moi le taulier.
Et soudain je relativise. Non ce n’est pas très beau, mais dans un mois, ce sera super. Et finalement, je suis habituée à ces sensations, c’est un peu amusant de les retrouver (j’ai dit un peu, faut pas pousser non plus). Le pire, finalement, c’était l’attente de ce rendez-vous, que je voyais comme une échéance fatale, que dis-je, eschatologique.
Mais je suis revenue du cabinet, et le monde existe toujours. Et j’ai toujours la même bouille, les mêmes cheveux, le même humour, la même patate. Tout va bien.
Alors, voilà, j’ai testé pour vous le retour chez l’orthodontiste, et je valide. Lancez-vous si vous hésitez, et dites vous que ce n’est vraiment pas grand-chose. Après tout.
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Les Commentaires
J'en ai portėe deux pendant 8 ans, j'en fait encore des cauchemars. Tout ça pour rien car mes dents rebougent a mort.