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Moi, moi et moi

Orientation, piège à cons

Daria Marx revient sur son expérience de l’orientation scolaire. Prenez des notes, les étudiantes, ça peut servir.

Quand j’étais petite, j’hésitais très sérieusement entre deux carrières : archéologue ou exploratrice de l’espace lointain et mystérieux.

Renseignements pris auprès de ma famille, il semblait déjà qu’archéologue soit une profession plus respectée, on pouvait aller à la fac, faire des études, recevoir des diplômes, bref, faire valider son état d’archéologue par l’institution. J’étais juste déçue d’apprendre que le fouet d’Indiana Jones n’était pas sur la liste des fournitures scolaires, un oubli sans doute.

J’ai vite tiré un trait sur ma carrière de cosmonaute-aventurière, pour des raisons beaucoup moins avouables : je me suis rendue compte que j’avais le vertige à la foire du Trône dans le grand incident du grand huit de 1992. Je ne m’étendrai pas sur cette journée funeste.

Si j’étais physiquement incapable de supporter la poussée de mon chariot de fer mécanique, il me semblait inutile de me présenter aux tests de recrutements de la NASA, ceux où il est obligatoire de passer une journée enfermée dans une boule qui tourne sans vomir et sans respirer. Ma décision était pragmatique.

Autant qu’elle puisse l’être à 11 ans en tout cas, et pour ma compréhension de ce qu’était vraiment une carrière, des études, une vie professionnelle.

Quand j’étais adolescente, en troisième, on nous a conduit au Centre d’Orientation et d’Information pour une après-midi. Le but de cette sortie : repartir avec une idée précise de ce que nous allions faire de nos vie. Tic, Toc, Tic, Toc, tu l’entends le chronomètre ? On se précipite sur d’énormes classeurs de fiches métiers, on répond à des questionnaires, on se projette dans un avenir fantasmé.

Je n’avais pas vraiment de vocation, je ne voulais pas être ébéniste, cuisinière, doreur sur feuille, médecin ou architecte. J’étais juste une élève plutôt mauvaise, de celles qui récoltent les avertissements en fin de bulletin avec un laconique « ne fait aucun effort et gâche ses possibilités ». Une élève lambda quoi, superbe médiocrité.

Autant dire que l’après-midi au CIO m’a fait autant d’effet qu’une conférence de Freud sous champignons hallucinogènes. J’en suis ressortie persuadée d’une seule chose : je n’étais pas faite pour m’emmerder avec des spécialités scientifiques, d’ailleurs, la gentille dame de l’orientation l’avait confirmé. J’avais donc un argument supplémentaire pour expliquer à mes parents pourquoi je séchais comme une merde les sciences naturelles, la physique, et tout ce que pouvait y ressembler.

Fast forward après le bac, fini la médiocrité, direction la prépa, si je la rate, tant pis, j’irai en fac. En fac de quoi ? En fac de rien, en fac de tout, je ne me pose pas vraiment la question, on verra bien comme ca tombera à ce moment-là.

Ça sera une fac d’histoire, parce que j’aime ça, mais pas assez pour y briller, et puis pour y faire quoi après ? Je veux pas être prof, j’ai pas l’envie ou le niveau pour faire de la recherche, alors je fais ma fac comme tu fais ton jogging, pour t’entretenir, pour garder une activité estudiantine, mais à côté de ça, j’ai compris que j’ai raté mon post-bac, et j’ai l’impression qu’il est déjà trop tard pour refaire l’histoire.

Donc je pars bosser, dans un truc qui m’emmerde. Et j’en fais mon métier. Pendant quelques années. Jusqu’à ce que je réalise qu’il n’est peut-être pas trop tard pour se sortir les doigts et faire ce que j’ai vraiment envie de faire, mais ca me coûte beaucoup plus, c’est beaucoup plus compliqué, maintenant que j’ai un appartement à rembourser, tout une vie à réorganiser.

On est mi-mai, maintenant, et je pense à toutes les madmoiZelles qui sont en train de lire et de relire leurs guides de l’étudiant, de penser à ce qu’elles vont faire de leurs vies, à évaluer leurs choix, leurs possibilités, leurs envies.

Y’a celles qui passent le bac bientôt, qui ont déjà fait le choix de continuer l’année prochaine ou pas, celles qui sont déjà en fac ou en école, qui s’y ennuient ou pas, qui vont planter leur année ou repasser en septembre, qui s’interrogent.

J’ai pas de recette magique, je suis certainement pas bien placée pour donner des conseils, mais si j’ai retenu un truc, un seul, c’est d’essayer de voir le plus loin possible quand on prend une décision d’orientation.

C’est pas simple. C’est même beaucoup plus facile de choisir l’étape suivante de sa vie en fonction de ce que l’on connaît déjà : on s’inscrit dans la même matière en fac que la plupart de ses amies, sans réfléchir vraiment aux débouchés possibles, on préfère une école moins prestigieuse, moins reconnue qu’une autre parce qu’elle est près de chez nous, on parle plutôt bien anglais alors on décide de faire une licence d’anglais, sans se poser de questions sur l’après, sur ce qu’on va en faire, sur sa valeur marchande, on monte un dossier de folie pour rentrer en prépa, on se fait accepter, on y va, mais finalement, pourquoi ?

Y’a deux soucis, d’abord l’information, difficile à trouver par le biais officiel : ce n’est pas en lisant des brochures et des descriptifs qu’on peut vraiment se faire une idée d’un cursus ou de ses débouchés. On ne nous apprend pas vraiment à effectuer des recherches profondes, à interroger, à fouiller, à remettre en question les carrières qui sont tracées pour nous sans prendre en compte nos désirs et nos personnalités. (note de Fab : allez donc voir le forum Études, il y a PLEIN de choses – allez y poser vos questions aux madmoiZelles, vous devriez avoir des réponses)

Le système éducatif français nous demande de rentrer dans le moule, les systèmes anglo-saxons par exemple, permettent une certaine souplesse, amenant chaque étudiant à choisir une « major » et une « minor », à diversifier le champ des matières étudiées.

Il faut apprendre à tailler pour nous dans la foule des possibles le costume qui nous va le mieux. Et c’est très compliqué, surtout quand on ne sait pas vraiment ce que l’on veut faire.

C’est le second problème : comment peut-on nous demander en 3e ou même en fin de terminale d’effectuer des choix qui vont affecter de manière si durable nos parcours ? Je ne suis pas sûre qu’on aie jamais vraiment conscience de la difficulté à trouver le juste milieu entre ce qui nous plait et ce qui peut nous faire vivre, la solution mathématique pour une carrière professionnelle pas trop difficile.

Alors espérer prendre la bonne décision à la sortie de l’adolescence, quand on a 15 autres décisions aussi importantes à prendre en même temps, c’est presque dramatique.

Donc voilà : orientation, piège à con. Oui. Sauf quand tu décides que tu ne te laisses pas faire et que tu ne feras pas comme tout le monde. Que tu prends le temps de te poser des questions un peu chiantes. Que tu prends le temps de parler à des gens qui ont choisi les mêmes études que les tiennes, qui en sont sortis, et qui peuvent témoigner, t’aiguiller. Que tu fais le tri entre des rêves (je veux être Stella Mc Cartney) et la réalité (l’école coûte 40 000 euros par an et n’est pas reconnue par l’état). Quand tu fais une plan avec une sortie de secours, au cas où. Un plan B, pas parce que tu t’es plantée, mais parce que tu as le droit de changer d’avis, de découvrir d’autres choses, de te passionner pour un autre sujet, une autre matière, un autre métier.

S’orienter, chercher son chemin, et surtout ne pas écouter la masse, la facilité, la paresse. Se sortir les doigts, et foncer.

— Daria Marx est aussi sur son blog, tous les jours ou presque.

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Les Commentaires

43
Avatar de lizou3001
18 juillet 2011 à 19h07
lizou3001
Quand j'ai répondu "je voudrai faire des sciences humaines" on m'a répondu "mais c'est trop vague ça, et puis avec un bac S tu vas ramer, il y a beaucoup de rédaction dans ces filières!" (à croire qu'en S on désapprend à écrire ...) La date butoir approchant à grand pas et n'ayant pas eu d'illumination concernant la voie que je devais suivre, j'ai choisi une licence de biologie un choix "logique" vu que j'étais en spé SVT.
Seulement voilà après une très bonne première année j'ai acquis une certitude : je ne veux surtout pas travailler dans le domaines des sciences! D'autant plus qu'aucun des métiers auxquels je suis censée pouvoir prétendre ne me convient....
Aujourd'hui je suis donc totalement paumée après une deuxième année de Fac ratée pour cause de remise en question je voudrai me réorientée complètement pour atterrir en histoire de l'art...Seulement il y a un HIC : mes scientifiques de parents ne comprennent pas que je veuille tout plaquer maintenant et sont persuadés que je ferai de même avec ma nouvelle licence! (Grosse crise familiale donc ...)

Comme je comprends... de base plutôt attirée par les matières littéraires (grâce auxquelles j'ai eu mon bac S d'ailleurs, avec des notes plus que médiocre en maths et physique/chimie)... en fait le seul truc qui m?intéressait c'était plus ou moins la bio, parce que caractère quand même assez littéraire, restitution de connaissance, en fait j'aime bien blablater et c'est ce qu'on te demande au lycée!
Donc n'ayant pas d'idée plus loin que le bac (ou trop et toutes totalement incompatibles) j'ai décidé que je ferais de la bio... Donc refusée en IUT (merci les maths!), je me retrouve à la fac où je découvre un univers qui me va en fait plutôt bien. Les profs te foutent une paix royale et ça, ça change du lycée et ça fait carrément du bien! Après les résultats honorables en 1ère année arrivent la 2e année et le fameux "Semestre 3" où il y a de tout sauf de la bio et là je peux vous dire, je déchante totalement! Du coup je foire ma 2e année comme il se faut (enfin que le premier semestre) donc je me retrouve avec un semestre à tuer, j'en profite pour bosser et mettre un peu d'argent de côté!
Deuxième année en poche, me voilà en licence où là on fait vraiment de la bio et où je me dis que non, définitivement c'est pas fait pour moi (après avec dû tuer un rat sur ma paillasse, j'ai eu une révélation du genre: plus jamais ça!).
Bref j'ai eu cette licence avec mention AB et là je vais entamer un master en environnement où j'espère pouvoir m'épanouir (pas sure je sais toujours pas ce que je veux faire!). En tout cas j'ai été prise dans celui que je voulais absolument et du coup je suis assez enthousiaste mais bon, qui sait!
Tout ça pour dire... je sais pas si un jour je trouverais ce que je veux vraiment faire (en dehors des rêves qu'on a étant gamines!) et j'espère juste trouver un boulot qui me plaise à la fin...
Mais c'est pas gagné!
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