Ce qu’il faut savoir, c’est que la recherche, c’est avant tout de la passion.
Si actuellement je sais pertinemment que c’est bien la « recherche » que j’aime éperdument dans mon travail, ce n’était pourtant pas une évidence il y a quelques années.
Mais alors, qu’est-ce qui peut mener quelqu’un à faire un « Master Recherche » ?
Dans mon cas, c’est quand même pas mal de hasard, il faut l’avouer.
Après avoir obtenu un bac littéraire, je me demandais bien ce que je pouvais faire.
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Bon, j’avais bien pensé à devenir paléontologue, mais j’étais un peu trop littéraire pour cela.
Mes films préférés, quand j’étais ado, étaient par ailleurs le Seigneur des Anneaux (en version longue) et les longs-métrages inspirés de faits historiques, style La Liste de Schindler. Et c’est d’ailleurs toujours le cas ! L’histoire, c’était donc déjà clairement ma hype.
J’adorais aussi apprendre, découvrir, fouiner et fouiller.
J’étais quand même persuadée d’avoir trouvé un os de tyrannosaure dans le jardin, alors qu’en fait c’était celui d’un merle, et je pensais avoir découvert des ruines romaines chez ma grand-mère, alors qu’il s’agissait d’un pot de fleurs cassé.
Moi à huit ans dans mon jardin
Autant dire qu’à huit ans, j’avais déjà une âme d’historienne, d’archéologue et de paléontologue.
Après avoir commencé une L1 Lettres et Arts, je me suis dit : non Margaux, ce n’est pas ton truc ! Pourquoi tu ne passerais pas directement en L2 d’Histoire ? Tu le SAIS, tu adores ça.
Et là autant vous dire que ce fut une révélation !
J’adore mon cursus… Et j’adore ma fac !
Ce n’était pas du tout comme au collège et au lycée où l’on me demandait d’apprendre bêtement des dates et des événements « super trop importants », non.
Bon ok, il y avait ça aussi, c’est normal, mais pas que.
J’ai notamment appris l’histoire du rire, l’histoire de la sexualité, l’histoire de la folie, l’histoire des monuments, l’histoire de la beauté, l’histoire des animaux…
Bref l’HISTOIRE avec un grand H. Celle des vrais humains de la vraie vie.
Par ailleurs, dès le bac, je pense qu’il est nécessaire de choisir une fac où l’on se sent « à l’aise ».
Perso, j’avais choisi l’université Paris Diderot (Paris VI) car les étudiants me semblaient cool, le campus ouvert et « américain », les profs posés et cultivés, et les cours proposés de très bonne qualité.
Spoiler ? Ce fut bien le cas.
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J’ai obtenu ma licence avec mention en 2015 et là, je me suis dit : OMG c’est tellement bien, je veux continuer !
Vraiment pas pire, ce cursus !
Concernant le master, j’ai rapidement compris qu’il était primordial d’avoir une bonne idée de recherche pour le mémoire.
Le but étant d’apporter quelque chose de « nouveau ».
Je me suis donc intéressée dès la fin de ma licence aux différents master recherche proposés au sein des nombreuses universités françaises et étrangères.
Cependant, j’étais tellement bien à Diderot que j’ai décidé d’y rester.
J’ai choisi le master Histoire et Civilisations comparées de ma fac, qui s’intéresse aux sujets portants sur les animaux, le genre ou les sciences, et qui valorise les voyages dans plusieurs pays européens partenaires.
Dans mon cas, je suis restée à Paris pendant les deux ans du master car toutes les sources autour de ma recherche se trouvaient ici.
Le sujet de mémoire le plus swag du monde, c’est le mien !
Je souhaitais en effet travailler sur l’animal exotique (girafes, lions, éléphants, perroquets et ouistitis) à l’époque moderne en France, et j’ai donc choisi ce master et un directeur de mémoire intéressé par mon projet.
Mon mémoire s’appelle désormais « L’Animal exotique en France entre le XVIIe et le début du XIXe siècle : Ménageries d’apparat, Institutions scientifiques et Représentations ».
Un très gros titre pour dire que je bosse sur le magnifique Muséum national d’histoire naturelle, le château de Versailles et de Fontainebleau, les différents zoos parisiens, les tableaux, les peintres, les savants, l’Académie des sciences…
Bref, ce qui touche de près ou de loin à l’animal à cette époque en France.
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Les autres étudiants de ma promo qui souhaitaient travailler sur la Révolution française, les pharaons, les vêtements, ou encore sur les rapports entre Game of Thrones et l’histoire française et britannique ne se sont pas adressés aux mêmes personnes que moi.
Parce que oui, les thèmes en histoire sont infiniment multiples et diversifiés.
Que vous aimez la bande-dessinée ou le jeu vidéo, sachez que n’importe quel sujet peut être historique, du moment qu’il y a des sources et une bibliographie (des ouvrages d’historiens ou de sociologues ayant travaillé sur la question, de près ou de loin) et qu’il apporte quelque chose d’un point de vue scientifique.
Ainsi, j’ai dû trouver à la fin de ma licence un « Directeur de recherche », autrement dit un professeur ou un maître de conférence habilité à diriger les mémoires dans l’une des quatre grandes périodes historiques.
Perso, j’aime bien l’histoire des Bourbons, donc je me suis dit : pourquoi pas l’époque moderne ?
YOLO.
Mon directeur de mémoire, ce mec à l’emploi du temps plus chargé que Barack Obama
J’ai rapidement compris qu’il était important d’entretenir de bonnes relations avec son directeur de mémoire. C’est lui qui valide ton sujet et accepte d’encadrer tes recherches pendant deux ans, ce qui veut dire t’aiguiller quand tu ne sais plus où chercher.
Mais le directeur de recherche est souvent une personne débordée par son travail personnel à l’université… Et il ne faut pas trop compter sur lui pour être derrière votre dos si vous ne faites plus rien !
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Moi, après deux ans passés à bosser avec le mien, je me permets de faire des blagues avec lui et j’ai même son numéro de téléphone.
Mais je dois bien vous le dire, je me suis sentie assez « seule » durant ces deux années d’études.
Moi quand j’ai réalisé qu’il allait falloir faire ma biblio TOUTE SEULE
Par exemple, j’étais entièrement seule pour préparer mes séminaires, et le but de ce master est tout de même d’écrire un mémoire de plus de 200 pages en totale autonomie, ou presque.
Cette année, j’aide d’ailleurs les étudiant•es en master 1 un peu paumé•es, car il faut le savoir, c’est dur de se donner autant quand on est aussi jeune, surtout quand on ne reçoit aucune information, et même si c’est une passion.
Dans mon cas, heureusement que mon copain, ma famille et mes amis étaient là car à la fac, je n’avais presque plus de cours. J’étais un peu « abandonnée » dans mes recherches.
J’ai personnellement eu la chance d’avoir un pote doctorant qui m’informait sur les sources à connaître.
Et ouais, ce master c’est :
« Autonomie et débrouille-toi, t’es grande, tu peux voler de tes propres ailes maintenant OK ? »
En gros, les profs vous donnent les bases pour être une bonne chercheuse et une bonne historienne (ainsi que quelques anecdotes rigolotes sur Alexandre le Grand) pour qu’ils te fassent finalement comprendre qu’il faut que tu te débrouilles si tu veux trouver des trucs cool et drôles à ton tour.
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Concrètement, la recherche, c’est quoi ?
D’abord, il faut trouver un sujet qui vous passionne, parce que vous allez le creuser pendant deux ans tout de même ! Et vous êtes totalement libre de choisir la thématique que vous aimez, tant que vous trouvez un directeur de recherche qui accepte de vous encadrer !
Dans mon cas, je voulais absolument travailler sur les animaux à travers l’histoire humaine. J’avais d’abord pensé à la bête du Gévaudan, mais les profs m’ont dit :
« Non Margaux, déso mais ce sujet est déjà bien trop travaillé. »
Quand tu réalises que le sujet de tes rêves est déjà pris
Au début, j’étais très déçue, mais au final c’était un mal pour un grand bien.
Car mon directeur, qui s’intéresse particulièrement aux savoirs, aux techniques et aux sciences de l’époque moderne, m’a proposé de bosser sur l’animal exotique sous la cour des rois de France (de Louis XIV en gros), jusqu’à la création du premier zoo du monde, la Ménagerie du Jardin des plantes en 1793.
Et clairement, ce sujet est vraiment trop génial !
Mon boulot actuel consiste à consulter des sources de l’époque, aux Archives Nationales, au Muséum, à la Bibliothèque Nationale de France et à l’Académie des sciences, mais aussi à visiter le Jardin des plantes et sa ménagerie !
J’en ai vu des petits animaux mignons et je ne vous parle même pas des bébés caracals. Ils sont vraiment trop mimis.
Et des anecdotes drôles concernant les sources, j’en ai une ribambelle…
Entre l’éléphant alcoolique de la Ménagerie de Versailles, le crocodile que les gardiens pensent vivant alors qu’il est mort depuis quatre mois, Jean de La Fontaine qui se paume dans les jardins du Muséum toute une nuit durant, ou Geoffroy Saint-Hilaire qui dessine des vulves de girafes sur tous ses cahiers, je peux vous dire que je ne m’ennuie pas une seconde !
Puis une fois que le sujet est défini, il faut ensuite établir une liste des sources. Il y en a de toutes les sortes : les sources manuscrites, imprimées ou encore matérielles, par exemple.
Les sources matérielles et iconographiques sont mes petites préférées. Ce sont les objets, les dessins, les tableaux, les ruines… Autant vous dire que je passe pas mal de temps au Louvre ou sur le terrain !
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Et oui, quand on fait de la recherche, on ne passe pas son temps à la bibliothèque !
Il va sans dire que si j’avais bossé sur la Grande Muraille de Chine, je ne serais pas restée OKLM à Bastille, ça n’aurait pas eu de sens : faire de l’histoire, c’est s’ouvrir de vraies possibilités de découvrir le monde et toutes les cultures qui le peuplent !
Mon mémoire porte sur l’animal exotique, donc je suis restée à Paris, mais j’ai passé beaucoup de temps au Muséum pour observer des ossements et les animaux taxidermisés, et au château de Versailles et au Louvre afin d’étudier de très nombreux tableaux représentant ces animaux.
Plutôt pas mal comme cadre de travail, non ?
Souvent, les monuments qu’on peut être amené à étudier sont abandonnés ou en ruine : c’était le cas de la Ménagerie Royale de Versailles. Même le guide des jardins français n’en connaissait pas l’existence, alors que c’était la plus grande d’Europe à l’époque !
Comme Frodon et Sam, j’ai dû marcher des heures au fond des jardins de Versailles pour en trouver les ruines. J’avais presque l’impression d’être Indiana Jones.
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Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un mur, mais à l’époque se dressait un immense château, des lions, des oiseaux chantant et colorés, des dromadaires, plein de beaux et grands animaux… Ainsi que là, ici, un petit géranium.
Dans des cas comme celui-là, il faut se reporter aux anciennes gravures et aux différents plans. À force, j’ai presque fini par penser comme les gens de l’époque et avoir beaucoup de compassion et d’empathie pour eux.
Et franchement, lire des écrits du XVIIIe siècle ça crée toujours une petite émotion.
Il faut bien avouer que deux ans, c’est court, extrêmement court, alors je profite encore de ces derniers mois de bonheur intense que procure la recherche et l’écriture.
Ce que j’ai appris grâce à ces deux années géniales en master d’histoire
Grâce à ces études en histoire, j’ai eu la chance de pouvoir voir des animaux rares vivants, parfois des os, des naturalisations et des créatures désormais disparues (R.I.P. petit couagga joli et grand Lion de l’Atlas).
J’ai eu la chance de visiter des lieux merveilleux, de découvrir des livres très anciens (presque des trésors) et des notes trop drôles (parfois terrifiantes).
Et surtout, j’ai eu la chance de stimuler des milliers de connaissances et de vivre beaucoup d’expériences très enrichissantes.
Je dois l’avouer, ces études en master m’ont réellement fait grandir.
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Je le dis, depuis deux ans, je n’ai jamais été aussi dynamique, autonome, polyvalente, organisée, créative, volontaire et épanouie, même si ça a été parfois éprouvant ou angoissant.
Avec toutes les conférences que j’ai faites, j’ai appris plein de choses a priori plutôt éloignées de mon champ de recherche : par exemple, j’ai appris à me servir d’un logiciel de montage et je trouve ça tellement cool !
Qui a dit que l’histoire c’était pour les vieux et que c’était démodé ?
Parce que oui, l’histoire ça sert aussi dans la vie de tous les jours. Pour la culture générale, déjà : une petite blague historique auprès des copains, ça marche toujours !
Mais ça m’a aussi renseignée sur énormément de sujets : j’ai appris par exemple de nombreuses anecdotes qui nourrissent mon site web portant sur la culture populaire et les jeux vidéo !
Et après, c’est prof, c’est ça ?
Avant de me lancer dans l’histoire, je m’étais dit : « Mouais, on va tous devenir profs quoi ! »
FAUX, faux, faux faux !
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les débouchés sont plutôt nombreux et variés. Et, roulements de tambours…
En réalité, seulement 10% d’entre nous deviendront professeurs ! Alors, qu’est-ce qu’on peut faire quand on a fait des études d’histoire ?
Napoléon qui se pose pour savoir ce qu’il va faire après son master
Déjà, il y a tous les métiers du patrimoine (et on peut même faire de la recherche dans cette spécialité !).
Toujours dans mon master, quatre spécialités sont proposées.
La mienne, dont je vous ai déjà parlé, pour travailler sur des sujets proprement européens et français. La seconde « VAP » qui permet de passer des concours pour devenir conservateur. La troisième « Histoire des Mondes : Afrique, Amérique latine, Caraïbes, Asie » pour les grands voyageurs. Et enfin « Ville, Architecture et Patrimoine », pour ceux qui aiment les musées.
Vous pouvez ainsi bien travailler pour l’édition, les musées, la reconstitution historique, la recherche scientifique, l’université, le journalisme, la gestion de projet, les archives, la documentation, la communication et j’en passe !
Il y a bien sûr aussi l’enseignement dans les collèges et lycées, avec le CAPES ou l’agrégation.
Il faut également profiter de ces années pour se faire des contacts et valoriser l’histoire et la recherche selon ses goûts personnels : moi, j’ai organisé une conférence au Muséum national d’histoire naturelle afin de parler de mon sujet, par exemple !
J’ai aussi contacté des professionnels pour leur poser des questions sur leur métier, comme Mathieu Da Vinha, le directeur scientifique de Versailles qui bosse actuellement sur la série Versailles pour Canal +.
Vous pouvez aussi participer à des reconstitutions historiques, pour Stéphane Bern, mais aussi pour Game of Thrones !
Et oui, je vous assure, il y a des historiens qui bossent pour cette série !
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Bref, pour résumer, l’histoire est une discipline avec beaucoup de débouchés, tant que vous êtes investi•e et passionné•e, qui se démocratise de plus en plus et a besoin de vous pour se débarrasser de sa triste image poussiéreuse et ennuyeuse.
Comment j’envisage mon futur
Personnellement, je m’intéresse beaucoup au journalisme culturel, mais mon rêve absolu est de continuer en doctorat pour travailler sur l’animal, et je l’espère, un jour, devenir professeure à l’université !
Je suis assez effrayée à l’idée de passer l’agrégation, surtout quand on sait qu’il y a seulement 11% de réussite.
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Mais c’est souvent LE moyen pour être certain•e d’avoir un poste ou une bourse doctorale.
Je vais donc quand même essayer d’obtenir ce contrat doctoral sans l’agrégation, et autant dire que ça va être chaud !
Souvent, sans cette agrégation, les jeunes chercheurs ne sont pas tellement reconnus en France et sont souvent obligés de bosser à l’étranger, à Berlin, à Londres ou même à Los Angeles.
Je ferai peut-être partie de ceux-ci.
Sur ce, je retourne au Muséum car j’ai encore des animaux à étudier. Même si je suis actuellement à 200 pages pour mon mémoire, j’ai encore du boulot d’ici juin.
Mais c’est tellement bien que tant mieux !
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Les Commentaires
Moi aussi je viens de terminer un master en biologie et je craque pour toutes les petites bêtes (sauf les limaces désolée les petites ^^).
Mais des fois je me demande si je n'aurais pas plutôt dû m'orienter vers l'histoire :/
C'est ma grosse question existentielle. Parce que j'ai adoré mes études mais je n'imagine pas vraiment bosser là-dedans en fait. Si je m'imagine dans le futur, c'est plutôt au milieu des ruines et des livres qu'au milieu d'une forêt...
Je viens d'avoir une grosse révélation ...