Christopher Nolan a jugé nécessaire de s’excuser auprès de Florence Pugh pour la taille de son rôle dans Oppenheimer.
Dans un entretien pour MTV UK, l’actrice britannique a révélé que le réalisateur avait insisté pour lui faire comprendre que le rôle était extrêmement secondaire et s’est excusé pour cela, comme l’a rapporté IndieWire. Si ces excuses peuvent paraître attentionnées et assez cocasses, elles apparaissent sous un autre jour lorsqu’on met en perspective le rôle de Florence Pugh avec tous les autres personnages féminins de la filmographie du réalisateur. Que le réalisateur doive s’excuser pour la taille ridicule d’un rôle n’est que le symptôme d’un défaut structurant de son cinéma que plus personne – pas même-lui, ne peut faire semblant d’ignorer.
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Le personnage de Pugh est un énième exemple de l’incapacité de Nolan à écrire des personnages de féminin
Devant Oppenheimer, vous vous êtes forcément posé·e des questions sur le rôle de Florence Pugh. Non seulement l’actrice est présente dans un nombre incroyablement restreint de scènes – souvent courtes, ces apparitions se comptent sur les doigts d’une main. Mais au-delà de son temps de présence dérisoire à l’écran, l’actrice n’apparaît pratiquement que dans des scènes de sexe (l’actrice est nue moins de trois minutes après sa première apparition à l’écran) ou dans des séquences la représentant comme une personne malade et affectivement dépendante, sans lui accorder assez de temps pour bien comprendre l’origine de son mal-être. On ne sait pratiquement rien de ce personnage, si ce n’est qu’Oppenheimer la désire. Autrement dit, face à la caméra de Nolan, elle est beaucoup plus un objet – l’objet du désir d’Oppenheimer, qu’un sujet. Qui est cette femme ? Que pense-t-elle ? Que ressent-elle ? Quelles sont ses convictions politiques ? Pourquoi ? Ce n’est pas dansOppenheimer, film durant pourtant 3 heures, que vous trouverez la réponse.
De tels choix de mise en scène questionnent d’autant plus, quand on sait que Florence Pugh incarne, dans ce biopic, la médecin, psychiatre et militante de gauche Jean Tatlock. S’il l’avait voulu, Christopher Nolan aurait eu un boulevard pour explorer d’avantage ce personnage. Mais au fil des réalisations, le cinéaste ne fait que confirmer ses difficultés (ou son manque d’intérêt ?) à écrire des personnages féminins aussi dignes d’intérêt que leurs homologues masculins.
À ce titre, l’autre personnage féminin du film – l’épouse d’Oppenheimer, jouée par Emily Blunt, subit le même traitement que Florence Pugh : n’apparaissant que très rarement à l’écran ou reléguée à l’arrière-plan, cette dernière est représentée comme une femme alcoolique et violente, sans pour autant qu’on ait la moindre piste d’explication pour comprendre l’origine de son état.
C’est sûrement là que se trouve le plus grand paradoxe (et le pire défaut) du cinéma de Christopher Nolan. Si riche, innovante et avant-gardiste, sa filmographie entretient pourtant ce qu’Hollywood fait de plus rétrograde, simpliste et inintéressant en matière de représentation des femmes. Si le réalisateur coche la case « mettre des femmes dans ses films », il serait peut-être temps de leur accorder un peu plus que des rôles de token des personnages masculins. Spectateur·ices, actrices et même films de Nolan : tout le monde ne s’en porterait que mieux.
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Les Commentaires
Je vois ce que tu veux dire mais choisir de faire un film sur Oppenheimer sur le modèle du portrait / biopic est déjà un choix révélateur (le stéréotype de l’homme qui s’est fait tout seul qui est déjà une forme de mythologie très patriarcale : peu de femmes dont représentées au cinéma sous ce format. Je parle de mythologie patriarcale car c’est très masculin de penser que l’on réussit sa carrière, son œuvre, tout seul en oubliant les interrelations et celles.eux qui nous ont aidé et construit matériellement, physiquement et intellectuellement).
Enfin, si on représente le personnage de Jean pendant seulement quelques minutes dans le film, on peut la représenter en train de lire Marx et / ou d’en discuter avec Oppie plutôt que nue en train de faire du sexe ? Je trouve pas que l’argument de la “quantité” a l’écran soit valide.
Bon, après j’ai vraiment eu une réaction épidermique au film… j’abuse peut-être je ne sais pas
PS : j’adore ton avatar